Quand les opérateurs veulent leur part du marché de la publicité mobile
Vous... ne traquerez... pas !
Le 22 mars 2016 à 08h00
9 min
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Et si les publicités sur mobile n'étaient plus décomptés du forfait mais directement payées à l'opérateur par les annonceurs ? C'est ce que préparent un nombre croissant de groupes télécoms américains et européens, en imposant parfois un blocage des publicités jugées excessives. Une défense du consommateur qui a ses avantages pour ces sociétés.
Attention mobinautes, la publicité consume votre connexion. C'est en tous cas ce qu'affirment de plus en plus clairement les opérateurs et certains publicitaires, alors que les éditeurs français ont entamé une guerre contre les bloqueurs de publicités (mais uniquement sur les ordinateurs de bureau).
Une étude d'Enders Analysis datée du 16 mars, reprise par Business Insider, enfonce d'ailleurs le clou : le poids des pages web mobiles peut provenir à près de 80 % des publicités. Le cabinet a chargé huit pages de sites populaires sur un iPhone 6, avec et sans bloqueur. L'abus de publicité et de JavaScript alourdissent les pages de 18 % à 79 %, estiment-ils.
La solution serait-elle d'adopter un bloqueur de publicité ? Cela peut paraître alléchant pour les utilisateurs, mais pose un souci aux éditeurs de presse, qu'ils abusent ou pas dans leurs pratiques, puisque ces outils bloquent tout sans distinction. Les utilisateurs peuvent certes utiliser une liste blanche, mais celle-ci est effacée à chaque nouvelle installation sur un appareil.
Certains opérateurs mobiles se proposent de régler cette question de la consommation de données, à leur manière. Le 19 février, le groupe télécom Three publiait une grande annonce : il compte désormais s'attaquer aux « publicités excessives et sans intérêt ». En clair, les réseaux mobiles du groupe en Italie et au Royaume-Uni doivent bientôt bloquer une partie des publicités proposées à leurs clients.
Le blocage s'exécute au niveau du réseau, via la technologie de la startup israélienne Shine. Ce n'est qu'une première étape, la solution devant être adaptée dans l'ensemble des pays européens où Three est présent.
Améliorer l'expérience publicitaire sur mobile
L'initiative de Three répond officiellement à trois problèmes. Le premier est que l'utilisateur ne devrait pas payer pour recevoir des publicités. Le deuxième est que certaines publicités récupèreraient ou exploiteraient des données personnelles sans autorisation. La troisième est que la publicité n'est pas assez personnalisée.
Pour Three, il ne s'agit donc pas de bloquer toutes les publicités, mais seulement celles que le groupe estime inutiles. La société est d'ailleurs formelle : la plupart du temps, la publicité intéresse et bénéficie à l'utilisateur. « Dans les prochains mois, Three annoncera tous les détails sur la manière dont il accomplira ces objectifs et travaillera avec Shine et l'industrie publicitaire pour délivrer une meilleure expérience, plus ciblée et plus transparente » déclare-t-elle dans son communiqué.
Cette décision n'est pas spécialement du goût d'un autre opérateur britannique, O2. L'opérateur, qui avait étudié cette piste fin 2015, est revenu sur sa position. Pour son patron, Ronan Dunne, le blocage « n'est pas la réponse ». Il demande plutôt à l'industrie de s'unir pour cesser les publicités intrusives, en se référant à l'initiative L.E.A.N. de l'IAB, l'organisme qui représente l'industrie publicitaire. Une position plus modérée que celle de Three, dont le propriétaire s'apprête à racheter O2 pour 10,5 milliards de livres.
Shine, une société spécialisée dans le blocage de publicités
Three est l'un des premiers clients de la startup Shine, derrière cette solution de blocage de publicités. Créée en 2011 pour développer des antivirus mobiles, elle n'est passée au marché de la publicité que récemment. À Business Insider, l'entreprise affirmait en mai que sa solution permettait de bloquer l'ensemble des publicités, mais que son usage dépendait de ce qu'en attend chaque opérateur. Seules sont épargnées les « native ads », tels que les articles sponsorisés, qui sont considérés comme faisant partie du contenu.
« Nous pensons que le blocage de publicité est un droit. Point. Si le consommateur décide de l'utiliser, nous pensons que ça doit être son droit, et ils doivent être capables de le faire en toute intégrité. Personne sur le marché n'a un droit divin d'exister » attaque Roi Carthy, le directeur marketing de Shine, chez Business Insider.
Sa communication se veut d'ailleurs agressive. Dans une publicité, l'entreprise prend directement à parti l'IAB. Alors que celle-ci s'est lancée dans une opération rédemption plus ou moins convaincante (voir notre analyse), Shine prétend vouloir lui porter un sérieux coup, à la manière d'un boxeur. Pour la société convertie au blocage de publicité, l'industrie s'appuie sur « des revenus sales de pratiques intrusives pour ralentir sa chute inévitable ». Un discours choc qui, à n'en pas douter, doit plaire à ses prospects.
Pourtant l'IAB ne cesse de multiplier les initiatives et les promesses. Outre le programme L.E.A.N. qui consiste en une série d'engagements pour une publicité plus respectueuse de l'internaute, exploitant le chiffrement et des formats légers, elle promet une charte de bonnes pratiques qui devrait être publiée dans l'année.
Dans le même temps, elle recommande aux sites de sensibiliser sur la question du blocage des publicités. Mais comme bien souvent, et un peu à la manière d'une HADOPI, le batôn est venu bien avant la carotte. Autant dire qu'une telle initiative de la part d'un opérateur ne devrait pas mécontenter les utilisateurs, à moins que les éditeurs ne choisissent de leur bloquer l'accès, à eux aussi.
Le précédent du Free #AdGate
Cette initiative n'est d'ailleurs pas sans en rappeler une autre : celle de Free. Il y a quelques années, l'opérateur avait en effet mis en place une option de blocage de publicité, ce qui avait mené au fameux #AdGate. Dès lors, deux camps s'étaient opposés, certains ayant choisi de bloquer l'accès aux internautes issus du réseau de Free, d'autres reprochant au FAI d'instrumentaliser les revenus des sites pour ses combats personnels.
Car à l'époque, tout n'était pas bloqué, et c'était bien la régie de Google qui était spécialement visée. Le blocage, outil de libéralisation de l'internaute, était surtout un moyen de pression dans les négociations avec le géant du Net, le tout sur fond de débits ridicules sur des sites comme YouTube.
Depuis, les relations avec Google se sont apaisées, la Freebox Mini 4K sous Android TV est sortie, l'option a disparu des forfaits mobiles de l'opérateur il y a quelques mois, mais reste présente dans la Freebox.
Le blocage de la publicité : un bon moyen de se financer
Le blocage de la publicité comme moyen de pression afin d'obtenir quelque chose, ou même une part du gâteau, ce n'est d'ailleurs pas nouveau. Dans le marché des bloqueurs de publicité, Eyeo est ainsi l'acteur de référence et monnaie cher le fait de passer sur sa liste blanche auprès de certains gros groupes.
De quoi laisser certains penser qu'il s'agit là d'une procédure d'extorsion, puisque l'éditeur se place entre l'internaute et les sites sous prétexte de rendre un service, pour mieux laisser passer ceux qui lui signent un chèque, même lorsqu'ils pratiquent le ciblage comportemental.
Dans la bataille qui oppose éditeurs et bloqueurs, certains ont bien compris qu'il fallait se positionner pour récupérer une part du gâteau. Nous avons ainsi déjà évoqué le cas de Voici et Prisma Médias qui propose sont propre bloqueur, basé sur Adblock Plus, mais laisse passer par défaut certaines publicités sur les sites du groupe.
Un mimétisme qui commence à faire des émules, les solutions « anti-adblock » visant simplement à permettre aux éditeurs de continuer de faire perdurer leurs pratiques se multipliant ces derniers mois. L'important n'est ainsi pas de comprendre le problème ou d'apporter une solution, mais de capter une part du marché publicitaire alors que le secteur est en plein chamboulement technique.
Le marché des données financées par les entreprises
Derrière l'initiative de Three se cache aussi un tout autre chose que le blocage de publicité. Le groupe souhaite que les publicitaires paient pour les données consommées par leurs contenus, ce qui n'est pas sans plaire à certains opérateurs.
Cette idée se répand donc rapidement, au moins aux États-Unis et en Europe. Il s'agit de ne pas décompter les Mo ou Go consommés en publicité du forfait de l'internaute, mais de les facturer directement à la société derrière la publicité. Pour Three, l'usage d'un bloqueur de publicité serait donc une manière d'accélérer le mouvement, dans le sens de ses intérêts.
À la mi-février, Orange Digital Ventures a investi dans DataMi, un spécialiste de la « sponsored data ». L'entreprise permet aux opérateurs de facturer à des sociétés les volumes de données consommées par leurs contenus. D'autres formes de sponsoring sont offerts, comme des sondages qui permettent aux internautes d'augmenter leur volume de données mensuel « gratuitement ». Dans tous les cas, s'il ne présage pas d'une intégration des solutions de DataMi dans les réseaux d'Orange, cet investissement reste significatif pour le groupe.
Outre-Atlantique, les grands opérateurs mobiles se sont déjà largement engouffrés dans la consommation Internet financée par les entreprises. Le dernier en date est Verizon, qui a lancé fin janvier son programme FreeBee Data, qui propose à des sociétés de payer au clic ou au Go consommé par leurs contenus mobiles.
Une tendance qui intéresse fortement le régulateur américain des télécoms, la FCC, qui avait invité les opérateurs à en discuter à la mi-janvier. Reste à voir quelle sera la position des différents acteurs pour le marché européen.
Quand les opérateurs veulent leur part du marché de la publicité mobile
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Améliorer l'expérience publicitaire sur mobile
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Shine, une société spécialisée dans le blocage de publicités
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Le précédent du Free #AdGate
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Le blocage de la publicité : un bon moyen de se financer
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Le marché des données financées par les entreprises
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 22/03/2016 à 08h14
Le blocage s’exécute au niveau du réseau, via la technologie de la startup israélienne Shine. Ce n’est qu’une première étape, la solution devant être adaptée dans l’ensemble des pays européens où Three est présent.
Pour reprendre une idée de Railblue :
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Je sens qu’il va y avoir du sport, surtout si les FAI reprennent l’idée. Sachant que ces sociétés ont les deux casquettes…
Ce serait croquignolet de voir les pubards hurler à mort pour la défense de la neutralité du net…
Le 22/03/2016 à 08h18
les publicitaires gueulent en ce moment sur tous points car :
Le 22/03/2016 à 08h19
D’un côté, c’est une bonne chose, le forfait data va être epuisé moins vite. L’autre grande menace, c’est le profilage à outrance. Déjà que chez Orange, ils ont un visu de toutes les pages visitées sur la partie mobile. On aura quasiment plus de vie privée. Décidément, la publicité devient trop menaçante.
Le 22/03/2016 à 08h22
Un tel blocage est plus que bienvenu, vu les effets sur les pages web, les données pompées et ce que ca pompe en traffic. Déjà que l’internet rame pas mal en mobile, si on pouvait se libérer de 80% du bouchon…
Et encore je me plains pas trop car sous Windows 10 mobile, pas trop touché. Mais sous Android depuis ma tablette je surfe même plus et j’ai viré les applis trop polluées (twitter en tête).
Le 22/03/2016 à 08h25
C’est tout le problème de ce genre d’action, on considère assez vite tous les aspects prétendument positifs (et il faut considérer que foutre le problème de la pub sous le tapis est une bonne chose, on a bien vu ça ces dix dernières années avec l’évolution du secteur, sa concentration et le niveau de la qualité de l’info).
Par contre pour tout ce qui se met moins en avant et qui motive réellement ces dispositifs, on passe à côté alors qu’à terme ça peut créer un vrai problème qui ne se réglera pas à coup d’extension dans le navigateur. Bref, même numérique, le populisme à de beaux jours devant lui ;)
Le 22/03/2016 à 08h43
Le 22/03/2016 à 08h46
Perso je vois plus cette action comme étant positive car :
Que ce soit dans un but populiste ou pour s’approprier une part du gateau, perso ça m’et égal, du moment que ca bouge. De toutes facons soit ca bouge soit les gens vont vraiment générer l’adblcok et tuer les sites, même ceux qui sont respectueux.
mais en quoi ca met le souci de la pub sous le tapis ? J’ai plutôt l’impression que ca le met encore plus en lumière.
Le 22/03/2016 à 08h48
Le 22/03/2016 à 08h57
Je pense que pour les opérateurs, le traffic commence vraiment à être élevé. Le cout induit se faire sentir et passer à coté du gateau ca doit aussi énerver ^^
Dont acte. Je pesne que l’utilisateur peut en sortir gagnant.
Le 22/03/2016 à 09h02
Ces derniers temps il y a des études qui sont faites mais on ne sait toujours pas le % de gens qui cliquent sur ces pubs…
Question de français : c’est vraiment du populisme ou de la démagogie ?
Le 22/03/2016 à 09h09
Ni l’un ni lautre , ce sont des $
Le 22/03/2016 à 10h04
Le blocage s’exécute au niveau du réseau
Donc c’est que c’est une connerie. C’est pas à ce niveau là que se gère ce genre de problématique. Ce n’est PAS au FAI de décider qu’un site a trop ou trop peu de pub. C’est à 100% démagogique oui, ils se posent en “défenseurs du forfait de l’utilisateur”, sérieusement ?
Je ne vois pas le moindre bénéfice sur le moyen/long terme dans les usagers là dedans. C’est quoi la prochaine étape ?
Le 22/03/2016 à 10h23
20 an après, ils réalisent que la pub gène l’internaute.
ah non, ils ne s’intéressent qu’aux mobiles. Gardons nos bloqueurs sur PC.
Le 22/03/2016 à 10h49
Quand une entreprise décide pour moi ce qu’il est bon ou pas de voir, ça sent mauvais, même si ça m’évite de voir de la m$%!#.
Tout ça pour extorquer de l’argent aux publicitaires avec le soutien des usagers qui ne se rendent pas compte que 1) c’est temporaire, une fois qu’ils auront fait payer la pub le système redeviendra comme avant, voire pire pour compenser les coûts 2) les utilisateurs ne verront pas la couleur de cet argent, ce serait illusoire de penser que, parce que la pub paie, les abonnements seront moins chers 3) une fois la technique bien rodée on peut toujours trouver d’autres pigeons à plumer :
“Nous décidons de bloquer NextInpact car les utilisateurs passent trop de leur temps d’abonnement à réfléchir et s’informer, et il est inadmissible de bouffer l’abonnement des utilisateurs à leur fatiguer le cerveau ! Défendons le droit des utilisateurs à ne pas payer pour altérer la viscosité de leur cerveau de mollusque ! Hein ? Neutralité du net ? Bien sûr ! À 100% ! mais là c’est pour défendre les utilisateurs, c’est pas pareil !”
Le 22/03/2016 à 11h34
Mhh… donc mon opérateur pourrait décider quelle pub je dois voir et laquelle “ne m’intéresse pas”.
Je suis franchement contre ce projet, bien qu’étant profondément anti pub également. L’opérateur doit se limiter à son rôle de fournisseur. Si demain il décide de ne plus livrer la pub, que décidera t il après demain de ne plus livrer “pour le bien de son client” ?
Le 22/03/2016 à 12h59
“Le deuxième est que certaines publicités récupèreraient ou exploiteraient des données personnelles sans autorisation. La troisième est que la publicité n’est pas assez personnalisée.”
On ne peut pas avoir des publicité personnalisée ET un respect de la vie privé …
Vu que je passe systématiquement par vpn sur mon mobile, vais-je continuer à avoir de la pub ? (Que je n’ai pas en fait " /> )
Le 22/03/2016 à 13h03
En supervision, je pouvais accéder à tout l’historique des 2 derniers jours du client. C’est assez pratique pour les clients qui ne disaient pas regarder des sites de cul.
Le 22/03/2016 à 13h17
Quelqu’un connait un bloqueur de pub bien nazi qui ne tolère pas les petits arrangement de “pub acceptable” comme Adblock? parceque entre ces pubs acceptable et les techniques de détournement adblock ne fait plus que 50% du boulot!
Le 22/03/2016 à 14h29
Ah, c’est le personnel d’Orange.
Le client ne voit pas son historique dans l’interface web de son espace client.
Le 22/03/2016 à 14h32
Le 22/03/2016 à 15h28
+10.
franchement des sondes en coeur de réseau pour détecter/bloquer la pub, ça pourrait bien servir à détecter/bloquer autre chose.
Le 22/03/2016 à 15h50
Le 22/03/2016 à 20h53
L’inconvénient et qu’il y a pub et pub, la pub intrusive et la pub que l’on trouve par défaut sur un site.
La pub intrusive, celle qui pompe ta vie privée non merci
Celle par défaut et qui correspond au thème du site pourquoi pas, ça m’a permis d’apprendre les prix d’un serveur voir même de trouver la référence pour mon pc actuel ^^
Le 22/03/2016 à 20h56
+1, rajoute disconnect et créer toi ta whitelist avec nextimpact :p
Le 23/03/2016 à 11h31
Certainement déjà répondu mais … uBlock Origin (tu peux même virer Ghostery au passage avec les bonnes règles).
Le 23/03/2016 à 11h53
Le 23/03/2016 à 22h57
je ne sais pas , mais du coup j’ai regardé un peu plus aujourd’hui et Chrome est maintenant capable de faire le boulot tout seul avec ses paramètres natifs
( on peut faire sa liste blanche, ce que j’ai fait et donc j’ai enlevé l’extension dont je parlais )
et tout semble aller aussi bien que sur le FF avec le self destruct
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