Loi numérique : les compétitions de sport électronique régulées pour être autorisées
Blanc, c'est blanc, il y a plus d'e-sports !
Le 03 mai 2016 à 08h40
6 min
Droit
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Les sénateurs ont terminé hier l’examen du projet de loi sur la République numérique. Le texte d’Axelle Lemaire sera voté cet après-midi. On notera, parmi les dispositions validées, celles encadrant les compétitions d'e-sport.
Encadrer les compétitions de jeux vidéo pour les autoriser. Voilà en substance la philosophie qui propulse l’article 42 du projet de loi de la secrétaire d’État au numérique.
Pour bien comprendre la difficulté qui pourrit aujourd’hui cette activité, il faut plonger son nez dans le Code de la Sécurité intérieure. Pourquoi ? Car on y trouve toute la législation qui prohibe les loteries. Or, celle-ci éclabousse l’univers du sport électronique. Dès lors qu’existe d’un côté l’espérance d’un gain dû au hasard, même à titre résiduel et de l’autre, un sacrifice financier quelconque du joueur, alors l’activité est interdite.
Comme déjà exposé, une compétition de sport électronique pourrait être interdite si elle remplit les quatre conditions suivantes :
- Une offre publique
- La naissance de l’espérance d’un gain chez le joueur
- Le sacrifice financier du joueur
- La présence, même infime du hasard
Dans un rapport préliminaire éventé en mars dernier, le sénateur Jérôme Durain et le député Rudy Salles avaient ainsi résumé d’un trait la problématique rencontrée par le sport électronique : « pour peu qu’elles présentent l’espérance d’un gain pour les participants victorieux, un droit d’entrée même minime, et qu’elles soient organisées au dehors du cercle strictement privé, les compétitions de jeux vidéo remplissent manifestement ces quatre conditions ».
L’article 42 du projet de loi Lemaire, adopté hier par les députés, crée donc une exception à cette prohibition, du moins pour les seules compétitions de jeux.
Noir c’est noir, il n’y a plus de e-sport
Cet accouchement s’est réalisé non sans douleur. Dans le texte adopté en Commission des lois le 6 avril dernier, le rapporteur Christophe-André Frassa souhaitait que ces compétitions soient soumises à « une autorisation temporaire délivrée, après enquête, par le ministre de l'Intérieur ».
Un mode opératoire qui n’a vraiment pas satisfait de nombreux parlementaires, mais également la secrétaire d’État au numérique : « Faut-il une enquête préalable avant l'autorisation préfectorale ? C'est la police et c'est très loin de la réalité de la question ! Vous vous rapprochez là du régime des casinos. Attention aux stéréotypes et aux clichés, faisons confiance à la jeunesse ! ». Toujours durant les débats noués hier en hémicycle, elle a ajouté : « vous voulez établir un régime d'autorisation préalable très strict, qui s'applique en fait aux seules grandes manifestations sportives comme le Tour de France. Nous n'avons pas la même conception de l'ordre public : le jeu vidéo ne menace pas la sécurité et la nation ».
Un régime finalement conditionné à des seuils fixés par décret
Hier, après adoption d’une série d’amendements, le régime est finalement tout autre. Il crée une dérogation à l’interdiction dès lors qu’on reste sous une série de seuils, notamment de frais d’inscription.
Dans le détail, un sacrifice financier sera admis, mais seulement si on reste en dessous d’une fraction du coût total d’organisation de la manifestation, coût incluant le montant total des gains et lots proposés. Et c’est un décret en Conseil d’État qui fixera ce taux, étant précisé par la loi que « ce taux peut varier en fonction du montant total des recettes collectées en lien avec la manifestation ».
Le montant total des gains et lots sera également plafonné par décret. Simplement, quand le chiffre effectif dépassera ce montant, les organisateurs devront justifier « de l’existence d’un instrument ou mécanisme, pris au sein d’une liste fixée par ce même décret, garantissant le reversement de la totalité des gains ou lots mis en jeu ». Ce pourra être un compte sous séquestre, prévient le Gouvernement.
Ces dispositions sont complexes, mais pour aller à l’essentiel, retenons que l’idée est d’éviter que les organisateurs puissent tirer de juteux bénéfices sur les épaules des frais engagés par les participants. À ces acteurs donc de trouver d’autres sources de financement, histoire de contenir le sacrifice des joueurs dans des limites respectables.
Précisions que ces compétitions devront être, non « autorisées », mais déclarées à une autorité administrative, elle aussi définie par un décret. En cas de problème quant au respect des conditions posées par la loi, celle-ci pourra donc interdire la tenue de cette compétition.
Les mineurs pourront y participer, mais seulement avec l’aval de leur représentant légal (parents, etc.) lequel devra être « informé des enjeux financiers de la compétition et des jeux utilisés comme support de celle-ci », outre de la signalétique affectant les jeux selon l’âge du mineur.
Enfin, pour les compétitions de jeux vidéo se déroulant en ligne, notamment au titre des phases qualificatives), la loi pose que « les frais d’accès à internet et le coût éventuel d’acquisition du jeu vidéo servant de support à la compétition ne constituent pas un sacrifice financier ». Là encore avec l’idée d’évincer l’interdiction du Code de la Sécurité intérieure, tout en minorant au maximum le sacrifice du joueur.
Quand le e-sport fait vivre
Remarquons aussi l’article 42 bis A du projet de loi qui institue un statut pour « le joueur professionnel de jeu vidéo compétitif salarié ». Cette disposition s’inscrit là encore dans la lignée du rapport Durain-Salles.
Un tel contrat permettra d’instaurer un lien de subordination entre le joueur et une association ou une société, soumise à agrément. Il sera à durée déterminée au minimum d’un an, en principe, sauf pour ceux des joueurs ayant pris une compétition en cours ou en remplacement d’un joueur défaillant. Il ne pourra par contre excéder une durée supérieure à cinq ans.
Dans tous les cas, il pourra néanmoins être renouvelé « afin d’assurer la protection des joueurs professionnels de jeu vidéo compétitif et de garantir l’équité des compétitions ». La loi a prévu un certain formalisme à ces contrats qui, en cas de violation, pourront être réputés à durée indéterminée.
Loi numérique : les compétitions de sport électronique régulées pour être autorisées
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Noir c’est noir, il n’y a plus de e-sport
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Un régime finalement conditionné à des seuils fixés par décret
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Quand le e-sport fait vivre
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 03/05/2016 à 09h02
Ce numéro d’article est très à propos.
Le 03/05/2016 à 09h13
A voir dans el detail le decret.
Mais il devenait necessaire de formaliser l’eSport et le statut des joueurs pro.
On va enfin pouvoir organiser un tournoi de hearstone dans le coin (region frontaliere) sans avoir les soucis actuels du a la participation de joueurs etrangers: actuellement ils ne venaient pas parce qu’il ne pouvaient pas justifier de leur eventuels gains base sur une competition “illicite”
Le 03/05/2016 à 09h23
Mais si tu joues à un jeu roll des D20 par exemple pour les dégats, le touchés, etc, c’est du hazard.
Donc interdit ?
Le 03/05/2016 à 09h32
rectification dans le titre
Loi numérique : les compétitions de sport électronique régulées pour être autorisées et Taxé
Le 03/05/2016 à 09h35
Qu’en est-il pour le contrôle antidoping ?
Normalement la liste des produits interdits (fumables, buvables, injectables …) risque de rebuter certains des participants habituels. " />
Le 03/05/2016 à 09h45
Depuis un peu moins de 20 ans, on a ce genre de compétitions. Ils se réveillent simplement parce que les prix deviennent plus importants ?
Le 03/05/2016 à 09h54
Ce n’est pas juste important, de plus en plus de monde en vit.
Le 03/05/2016 à 09h56
une compétition […] pourrait être interdite si elle remplit les quatre conditions suivantes :
Une offre publiqueLa naissance de l’espérance d’un gain chez le joueurLe sacrifice financier du joueurLa présence, même infime du hasard
Un tournoi de foot :
* N’importe qui peut s’inscrire et monter une équipe (sous réserve d’avoir une licence de foot, voir plus bas)
* Espérance de gain : la récompense donnée aux vainqueurs
* Le sacrifice financier : le prix de la licence de foot, voire de l’inscription au tournoi (PAF?)
* Présence infime du hasard : la motte de terre provoquant un faux rebond, le vent détournant le ballon lors du tir d’un coup franc, le juge de touche qui ne voit pas le hors jeu (ou le voit alors qu’il n’existe pas)…
Donc interdit ?
Le 03/05/2016 à 09h57
C’est plutôt parce que l’esport c’est bien plus professionnalisé et répandue depuis 20 ans et commence à voir apparaitre des choses comme le match-fixing pour des bookmaker etc etc…
Ça et ça devenait compliquer de justifier les gains effectivement dans les GROSSES compétition étant donné que, bah c’était pas géré jusque là. Y’avais eu ce problème avec le poker il y’a plusieurs années.
Le 03/05/2016 à 09h59
Je suis surpris par l’existence de ces réglementations, ou du moins par leur caractère stricte telle que présentée ici. La loterie du sous-des-écoles dans les villages (si ça existe encore), le tournoi de poker ou de bridge, ou celui de Magic dans une boutique de jeu, c’est légal ?
Le 03/05/2016 à 10h01
1 - C’est la différence entre POURRAIT et SERA.
2 - Sur ces bases là, tu interdit en soit tous les tournois ici.
Le 03/05/2016 à 10h07
Marc s’est fait plaisir sur les jeux de mots
Le 03/05/2016 à 10h08
Le 03/05/2016 à 10h27
On parle pas de pari là ni de justification de gain, on parle de l’autorisation à organiser des compétitions de jeux vidéos.
“… pour aller à l’essentiel, retenons
que l’idée est d’éviter que les organisateurs puissent tirer de juteux
bénéfices sur les épaules des frais engagés par les participants. À ces
acteurs donc de trouver d’autres sources de financement, histoire de
contenir le sacrifice des joueurs dans des limites respectables.”
Pour ceux qui ont suivi les compétitions de jeux vidéo depuis un moment, ça arrive bien tard ce genre d’encadrement. On a la chance d’avoir été assez épargné en France cependant.
Je connais pas mal de joueurs qui ont galéré pour aller en compét’ et qui ont encore plus galéré pour simplement toucher le prix qu’ils avaient gagné. Et parfois la boite ferme avant de payer les prix…
Le 03/05/2016 à 10h28
Tu parles du statut de joueur professionnel de jeu vidéo compétitif salarié?
Le 03/05/2016 à 10h34
Le 03/05/2016 à 11h17
Bizarre les arguments,
çà fait des années que je fais des tournois de cartes , pas besoin d’autorisation, et c’est le même principe.
Le 03/05/2016 à 11h37
Je trouve amusant de réguler spécifiquement l’e-sport.
Rien n’est “neuf” juridiquement ou même sociétalement parlant. Le sport et ses aléas ainsi que la compétition existent déjà, de même que la réglementation concernant la création d’évènements (compétition, jeu) à plus petite échelle.
Peut-être qu’il est temps que l’e-sport s’organise lui aussi, sur le modèle sportif, avec des associations regroupant les athlètes qui déterminent les règles ainsi que la manière de jouer. On pourrait mieux appréhender le dopage tout en s’assurant une voix plus forte ainsi qu’une plus grande légitimité aux yeux de la communauté. Mais il faudrait que les éditeurs “lachent” un peu leur mainmise sur le jeu (comme personne n’est propriétaire du hockey ou du foot en tant que tel).
Après s’ils peuvent éviter d’adopter les dérives du modèle comme par exemple la corruption ça serait la cerise sur le gâteau.
Le 03/05/2016 à 12h12
En fait la plupart des loterie de sous des écoles et autre bingo ne proposent pas récompenses en cash, c’est justement a cause de cette réglementation
Le panier garnit doit beaucoup a cette loi
Le 03/05/2016 à 12h18
Ils sont peut-être illégaux.
Le 03/05/2016 à 13h16
Ok, merci.
Le 03/05/2016 à 13h19
Ben le panier garni ou la mini-chaîne stéréo mp3 no-name, c’est aussi une espérance de gain pour le participant, non ?
Bon, ok, plus le panier garni que la mini-chaîne stéréo mp3 no-name.
Le 03/05/2016 à 14h11
Mais est-ce que le sport professionnel pas électronique ne remplit pas aussi ces 4 conditions ?
Le 03/05/2016 à 14h14
Le 03/05/2016 à 17h50
S’ils voulaient tuer ce sport, ils ne s’y prendraient pas autrement.
Donc si on résume, les compétitions de jeu vidéo ne pourront pas être indépendante et se financer uniquement par les participations des joueurs.
Elles ne pourront exister que grâce a des sponsors privés qui transformeront ces compétitions en événements marketing et publicitaire…
retenons que l’idée est d’éviter que les organisateurs puissent tirer de juteux bénéfices sur les épaules des frais engagés par les participants.
La grande obsession française : éviter que des gens ne puissent vivre de leur activité.
Mais vous avez le droit de devenir organisateur de compétitions de jeux vidéo, monsieur : faudra juste accepter les petit inconvénient du métier : vivre dans un carton et bouffer aux restos du coeur. " />
…La présence, même infime du hasard…
Dans la mesure ou il existe bel et bien une part de hasard dans plus d’un sport traditionnel, on se demande pourquoi le jeu vidéo fait tout d’un coup figure d’exception.
D’ailleurs, si on veut être juridiquement rigoureux, le hasard n’existe pas dans un jeu vidéo étant donné qu’un ordinateur ne sait pas fabriquer du hasard.
Le 05/05/2016 à 07h33
Le 05/05/2016 à 17h22
Bonjour,
Je ne pratique pas d’e-sport mais je pense que c’est une bonne chose qu’il soit règlementé pour que le citoyen lambda qui s’y implique soit reconnu.
Pour l’illégalité concernant les jeux d’argent impliquant le hasard, il n’est bien entendu pas de la volonté du gouvernement de protéger les citoyens, si ce n’est pas de rares campagnes de sensibilisation.
L’ Etat s’assure surtout de protéger son business (la Française de Jeux, entreprise publique, propose des jeux de hasard payants) et son contrôle (le ministère de l’économie et celui de l’agriculture veillent au grain sur le PMU).
En ce qui me concerne, je honnis le sport professionnel qui n’est qu’une mafia, et ce sera pareil pour le jeu vidéo.
a+,=)
-=Finiderire=-