Mastodon : les chercheurs n’ont finalement pas migré en masse
Comme un Mammouth sans aile
D'après des chercheurs de l'université de Pennsylvanie, la migration de Twitter vers Mastodon tant attendue par les thuriféraires du pachyderme n'a pas vraiment eu lieu dans le milieu de la recherche scientifique. Au contraire, les deux tiers des chercheurs étudiés ayant eu la curiosité d'y mettre les pieds ont vite abandonné le réseau décentralisé.
Le 13 juin à 09h01
5 min
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Il y a un peu plus d'un an, certains chercheurs excédés par le rachat de Twitter par Elon Musk, par ses positions politiques et ses décisions erratiques sur le fonctionnement de son nouveau réseau social espéraient pousser leurs collègues vers le réseau social décentralisé Mastodon (basé sur le Fediverse).
« L'échec de la migration du Twitter académique »
Certains y ont pointé leur nez dès ce rachat, mais ont-ils persévéré en troquant les « tweets » du désormais X d'Elon Musk contre les « pouets » de Mastodon ? « Dans quelle mesure les universitaires ont-ils participé à la migration de Twitter vers Mastodon, et comment peut-on évaluer le succès ou l'échec de cette migration ? » se sont demandé Xinyu Wang, Sai Koneru et Sarah Rajtmajer, chercheurs à l'Université de Pennsylvanie dans un article mis en ligne sur la plateforme de prépublications scientifiques arXiv sous le titre explicite : « L'échec de la migration du Twitter académique ».
Cet article n'étudie pas la qualité des échanges entre chercheurs ainsi qu'avec le grand public sur les deux réseaux. Mais dans leurs conclusions, ils expliquent qu' « alors que la plateforme décentralisée offrait une alternative prometteuse, les communautés établies et l'engagement clair du public sur Twitter se sont avérés trop importants pour être surmontés ».
Deux tiers sont inactifs
En observant les comptes de 7 542 chercheurs relevés et classés selon leurs disciplines sur une page GitHub début novembre 2022, les chercheurs ont pu constater une érosion continue, amenant à un décompte d'un tiers d'entre eux encore actifs en octobre 2023 (2 398 précisément). Le tableau ci-dessous montre le mois du dernier « pouet » relevé pendant 12 mois par les trois chercheurs.
Dans leur analyse, ils répartissent les chercheurs qui ont essayé d'utiliser Mastodon en quatre catégories de comptes qui ont été actifs (seuls 5 comptes recensés n'ont jamais été actifs) :
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- celles et ceux qui ont créé un compte et ont publié seulement durant la semaine suivante ( les « one-time visitors »),
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- celles et ceux qui ont persévéré entre 7 et 100 jours, les « short-term adopters »,
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- celles et ceux qui sont restés actifs entre 100 et 300 jours, les « long-term adopters »,
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- et celles et ceux qui y sont encore à la fin de leur analyse, les « persistent adopters ».
Dans le tableau ci-dessous, on peut remarquer qu'un peu plus d'un quart des chercheurs étaient assez motivés pour tester sérieusement et pendant plusieurs mois Mastodon (les « long-term adopters ») mais qu'ils ont quand même fini par abandonner.
Les chercheurs notent que « seuls 35,4 % des utilisateurs universitaires de notre base de données sont actifs et constants dans leur utilisation de Mastodon. La majorité d'entre eux font preuve d'un engagement sporadique ».
Ils montrent aussi qu'il y a eu une réelle augmentation des activités de suivi de ces comptes à la fin de l'année 2022, mais qu'ensuite elle « a ralenti considérablement », comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous à gauche. La publication de « pouets » suit à peu près la même tendance dans le graphique d'à côté.
En zoomant sur la répartition par discipline, le tableau ci-dessous montre que la communauté des sciences physiques et des mathématiques est celle qui reste la plus active sur le réseau du pachyderme alors que les chercheurs en médecine et santé n'ont pas été très motivés pour tester le réseau. Remarquons que les auteurs ne disent pas dans quelle catégorie se retrouvent les chercheurs et chercheuses en informatique.
Abandon des discussions pour convaincre les collègues de Twitter
Ils ont aussi regardé si les chercheurs ont utilisé leurs comptes Twitter pour motiver leurs collègues à rejoindre le réseau social décentralisé.
Si, pendant deux mois, les chercheurs motivés par cette migration ont essayé de convaincre sur Twitter leurs collègues de déménager sur Mastodon, les discussions sur ce sujet ont ensuite disparu de leur communauté du côté du réseau d'Elon Musk :
Si cette étude permet d'objectiver la difficulté de la petite communauté scientifique de Mastodon à motiver d'autres chercheurs à utiliser à long terme cette plateforme, elle ne nous dit pas quelles en sont les raisons. Dans leurs conclusions, les chercheurs expliquent que, « parmi les utilisateurs que nous avons suivis, la majorité n'a pas réussi à maintenir le même niveau d'activité ».
Et ils enchainent en posant comme hypothèses que « cela pourrait être attribué à la courbe d'apprentissage abrupte par rapport à Twitter ainsi qu'à la concurrence de plateformes plus conviviales telles que Bluesky et Threads. Ces alternatives pourraient avoir attiré des utilisateurs potentiels, exacerbant les difficultés de Mastodon à devenir un centre pour les communautés de professionnels ».
Mastodon : les chercheurs n’ont finalement pas migré en masse
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« L'échec de la migration du Twitter académique »
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Deux tiers sont inactifs
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Abandon des discussions pour convaincre les collègues de Twitter
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 13/06/2024 à 09h32
Le 13/06/2024 à 09h35
Ca montre bien l'échec de cette plateforme dans sa globalité. Alors certains diront qu'il n'y a pas besoin de dizaines de millions d'utilisateurs, il n'en reste pas moins qu'un RS avec peu de communauté, c'est un peu fade.
Le 13/06/2024 à 10h34
Modifié le 13/06/2024 à 11h44
Pour ma part, j'ai laissé tombé quand j'ai vu que si je voulais suivre, il fallait que je passe sur les 2 applis, donc totalement contre-productif.
Si tu veux de la recommandation, des actus, des infos selon tes goûts et les personnes que tu suis, Mastodon ne sait pas faire, ou c'est plutôt bancal. Souvent c'est sur Twitter que je vais découvrir que tel groupe va sortir un album, ou partir en tournée, c'est un exemple parmi tant d'autres, mais X est devenu un des principaux moyens de communication de....tous.
Le 13/06/2024 à 11h12
Le 13/06/2024 à 11h29
Le 13/06/2024 à 11h37
Le 13/06/2024 à 16h02
Le 14/06/2024 à 08h22
Le 14/06/2024 à 15h44
Mais je ne me contredis pas si on parle d'aspect technique.
Le 14/06/2024 à 16h26
Techniquement, les algos de Mastodon reste cependant très basiques.. Et même si cela a beaucoup d'effets négatifs, c'est aussi une des force de X dans sa popularité et son adoption d'avoir des algos qui te balancent un max de chose à la figure...
Je ne pense pas que tout le monde reste sur X pour les trolls et les désinformateurs en revanche... Il y a surtout sur X, les médias, les politiques, les personnalités, les artistes, les youtubeurs, journalistes, etc, etc...
Le 14/06/2024 à 18h04
Il y a bien des tendances ou des pages de découvertes, mais c'est limité.
Perso je considère toujours que Mastodon et Twitter ne sont pas comparables. L'un est un système reposant sur un protocole standard et interopérable pour communiquer. L'autre est une usine à contenus viraux pour générer de l'audience.
Une instance Mastodon n'a pas spécialement d'enjeux d'audience. C'est la principale différence.
Au contraire même, plus une instance est grosse, plus elle coûte cher en hosting et management.
Le 13/06/2024 à 09h57
Le 13/06/2024 à 11h39
Le 13/06/2024 à 10h08
Le 13/06/2024 à 10h42
Le 13/06/2024 à 11h13
Le 13/06/2024 à 11h39
Le 13/06/2024 à 13h59
Le 13/06/2024 à 20h56
Cela dit, c'est mon ressenti. C'est du bruit parmi du bruit, en essayant de faire un peu plus de bruit que le reste du bruit.
Le 14/06/2024 à 15h54
Le 18/06/2024 à 00h53
Et il en connait, de la médiocrité.
On peut ardemment souhaiter un choix raisonné de ses pairs, s'enfoncer dans ses rêves d'un monde intellectuellement pragmatique, mais on reste trop souvent déçu.
Il y a des pragmatismes qui existent, mais plutôt ceux de la fainéantise, de la feignantise et du matérialisme.
La populace adore par exemple Chrome qui n'a jamais été qu'un véhicule de fausses promesses. Pourquoi faudrait-il finalement attendre des choix intellectuels, et non émotionnels ou suiveurs pour le reste ? Ex-Twitter ne fait que s'inscrire dans cette longue honteuse liste.