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Le Conseil d’État ne suspend pas le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie

Le blocage du blocage est resté bloqué

Le Conseil d’État ne suspend pas le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie

La décision était attendue pour cette semaine, elle vient de tomber : le juge des référés du Conseil d’État ne suspend pas le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie. Cela n’exclut pas un traitement de l’affaire sur le fonds (ce qui prendra certainement plusieurs mois) par la suite.

Le 23 mai à 19h29

La décision du gouvernement de bloquer TikTok en Nouvelle-Calédonie était attaquée en justice par des associations et des particuliers. La Quadrature du Net estimait en effet que c’est « un coup inédit et particulièrement grave à la liberté d’expression en ligne, que ni le contexte local ni la toxicité de la plateforme ne peuvent justifier dans un État de droit ».

Pas de « conséquences immédiates et concrètes »

Dans son communiqué, le Conseil d’État rappelle que cette décision a été prise « en raison de l’utilisation de ce réseau social dans le cadre des violences en cours » avec de « très graves troubles à l’ordre public (attaques et destructions de bâtiments publics, d’infrastructures et de commerces, avec un bilan humain très lourd) », ayant entrainé la déclaration de l’état d’urgence.

Il ne détaille pas davantage les « utilisations » qui en sont faites (messagerie, propagande, désinformation… il y a plusieurs pistes). C’est pourtant une question importante, à laquelle le gouvernement n’a pas apporté de réponse.

« Je ne peux pas démontrer combien d’émeutes n’ont pas eu lieu en raison du blocage de TikTok, personne ne soutient que ça va suffire à mettre un terme aux violences, c’est un élément parmi d’autres du retour au calme », plaidait Aurélie Bretonneau, secrétaire générale adjointe du gouvernement.

Comme nous l’expliquions hier, Viginum a bien constaté des manœuvres de désinformation, mais sur deux autres réseaux sociaux, non bloqués : X et Facebook.

Quoi qu’il en soit, le juge des référés du Conseil d’État a décidé de ne pas suspendre « le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie ». Pour justifier sa décision, il explique que « les requérants n’apportent pas d’éléments pour démontrer que ce blocage a des conséquences immédiates et concrètes sur leur situation et leurs intérêts ». Or, c’est une « condition d’urgence » nécessaire pour que le juge des référés puisse intervenir.

Pas de jugement sur le fond

Le Conseil d’État balaye ainsi d’un revers de la main les arguments des plaignants, qui expliquaient « qu’on se trouverait dans une hypothèse où l’atteinte aux libertés est suffisamment grave pour que soit reconnue une présomption d’urgence, c’est-à-dire où l’urgence n’aurait pas besoin d’être démontrée ».

Comme l’explique Nicolas Hervieu sur X, cette décision « n'exclut pas qu'à l'occasion d'un recours au fond, le Conseil d’État annule la décision de blocage. Mais pas avant plusieurs mois… ».

Le paradoxe TikTok, seul réseau social concerné

Pour justifier sa décision, le juge des référés ajoute que les autres réseaux sociaux et médias ne sont pas bloqués en Nouvelle-Calédonie. De plus, bloquer TikTok « vise à contribuer au rétablissement de la sécurité sur l’archipel ». Le Conseil d’État ajoute que le gouvernement s’est « engagé à lever immédiatement ce blocage dès que les troubles auront cessé ».

« Aucun juge n'intervient face à une mesure sans précédent & sans aucune base légale… », ajoute Nicolas Hervieu. « Sans se prononcer sur la légalité (pourtant très douteuse…), le juge estime qu'il n'y a pas urgence », résume-t-il.

Il s’étonne d’ailleurs d’un paradoxe : « Pour le gouvernement, Tiktok créait une menace si grave qu’il a dû agir en urgence & sans loi au nom des "circonstances exceptionnelles" », tandis que « pour le Conseil d’Etat, bloquer Tiktok serait si indolore qu’il n’y pas d’urgence pour un juge… »

Nouvelle-Calédonie vs Union européenne

Comme nous l’avons déjà expliqué, un tel blocage serait plus difficile à mettre en place en métropole, car l’Union européenne viendrait s’inviter de force.

En effet, la Nouvelle-Calédonie (comme la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna et Saint-Barthélemy) sont des pays et des territoires d’outre-mer (PTOM). À ce titre, ils « ne sont pas intégrés à l’Union européenne » et ne tombent donc pas sous le coup du droit de l’Union.

Or l'Union avait déjà fait savoir que « des troubles à l'ordre public dans un seul État ne peuvent fonder de blocage VLOP » (pour Very Large Online Platform), et TikTok est justement une de ces « Très grandes plateformes en ligne ».

Commentaires (18)

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Le blocage du blocage est resté bloqué
Le Conseil d'État n'a pas débloqué !

Blague à part, la prochaine fois, les requérants n'oublieront pas de soigner leur démonstration de l'urgence dans leur requête en référé. En relisant le Référé liberté de la QdN, on voit un long discours mais qui n'explique pas concrètement en quoi il y a urgence pour suspendre le blocage.

Et le Conseil d'État a trouvé commode d'utiliser cet argument pour ne pas juger sur le fond. On se demande bien pourquoi dans ce cas, ils ont donné 24 heures au gouvernement pour fournir des copies d'écran permettant de justifier le blocage si pour finir, il ne les a pas utilisées.

Clairement, le Conseil d'État demande de prouver qu'il était urgent de débloquer TikTok et en fait, c'est assez compliqué parce que bloquer TikTok, et seulement lui, quelques jours, c'est peut-être supportable.
J'ai du mal à trouver un bon argument pour justifier l'urgence autrement que parce que la violation d'un droit fondamental est particulièrement grave. Mais on peut rétorquer que le blocage diminue les violences et donc augmente la sécurité des personnes et des biens ce qui est aussi un droit fondamental et que la mesure du gouvernement était donc proportionnée.
Il fallait peut-être argumenter en disant qu'il y avait des informations sur TikTok permettant d'éviter des points dangereux (où des gens étaient armés, où il y avait de la violence, etc.) et donc que TikTok contribuait à la sécurité des personnes. Le blocage mettait donc en danger ces personnes qui ne s'informaient que sur TikTok. À mon avis, c'est autant crédible que les arguments du gouvernement. Certaines des images fournies par le gouvernement pouvaient même soutenir ce point de vue je pense.
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"Le Conseil d'État n'a pas débloqué !"

Mais peut-on dire qu'il débloque ?
:reflechis:
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C'était un peu le sens de cette première phrase. :D
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Et, surtout, un argument massue est qu'il ne s'agit du blocage que d'un seul réseau, pas de tous. Rien n'empêche les concernés d'en utiliser d'autres, il n'en manque pas.
Notons que ByteDance aurait pu justifier de l'urgence ;)
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J'ai du mal à trouver un bon argument pour justifier l'urgence autrement que parce que la violation d'un droit fondamental est particulièrement grave. Mais on peut rétorquer que le blocage diminue les violences et donc augmente la sécurité des personnes et des biens ce qui est aussi un droit fondamental et que la mesure du gouvernement était donc proportionnée.
Ceux qui ont bloqué n'ont jamais démontré que TikTok participait à la création de violence plus qu'un autre medium de communication.
Si on était mauvaise langue, on pourrait dire qu'une opportunité a été saisie pour appliquer une décision déjà prise, à la lumière d'idées pré-construites d'autres natures.

Exiger de ceux qui demandent l'arrêt en urgence de la suspension arbitraire d'un moyen de communication/expression de démontrer que cela n'est pas si grave est simplement une mécanique juridique dans ce cadre de procédures, donc logique ici.
Encore une fois, ce qui semble évident dans la vie civile doit être soigneusement exprimés en termes judiciaires dans un combat juridique. C'est une mécanique spécifique à son domaine, comme toutes.

Cela donne un éclairage particulier sur comment les pouvoirs exécutif et judiciaire fonctionnent aujourd'hui, encore plus qu'avant : l'exécutif fait ce qu'il veut, arbitrairement, et il sera toujours difficile, lorsqu'encore possible, de détricoter leurs abus.
Au l'aune des lois sécuritaire, et du passage dans le droit commun des dispositions d'exception il y quelques années (celles-là même utilisées aujourd'hui ?), équilibrer le pouvoir exécutif avec les autres est encore plus difficile. Voilà le déséquilibre (et sa dangerosité inhérente) que la passivité de contrôle citoyen et la mise sur un piédestal du pouvoir exécutif ont renforcé.
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Le sous-titre est presque parfait :
Le blocage du blocage est resté blo...
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..m'expliquer la différence entre une décharge publique et tiktok, je suis à l'écoute.

j'ai cherché des années, j'ai pas trouvé.

(instagram, que j'abhorre, fait modèle de premier de la classe à coté)

magnifique, je reve de voir cela : ça permettra enfin à nos genY et autres millenials de s'adapter au VRAI internet, à savoir : la disparition/régression/restriction de services, qui leur permettra enfin de prendre conscience de jamais mettre tous ses oeufs dans le meme gafam (je considère telegram/signal comme pas meilleurs qu'eux, car fermés en plus d'être centralisés)

cela serait un magnifique essai en cas de "tentative de censure" de l'internet : apprendre aux nouvelles (et anciennes) générations le principe de la décentralisation, de savoir chercher un service, des habitudes, différentes de "celles qu'on a depuis dix ans et qu'on veut pas changer par flemme absolue"…

pourquoi pas rendre nos nouveaux jeunes et moins jeunes aussi débrouillards de l'informatique qu'ils pourraient l'être?
en 2013 je lisais un mag de 01net, "ces jeunes pas si doués en informatique", moins d'1/4 d'entre eux sauraient installer un anvirirus (gratuit) sur un ordinateur.

aujourd'hui le constat est bien pire, avec l'ultra facilité du numérique on est dans une généralisation de la simplification/flemme absolue.

le meilleur "exemple", reste, de micode, qui s'étonnant qu'aujourd'hui, "les nouvelles générations ne sont pas du tout dans une optique de distinguer le logiciel client (ex thunderbird) avec le fournisseur de services (ex google)".
bien que je n'apprécie pas trop son sensationnalisme (avec sa chaine underscore), j'admets qu'il n'a pas tort du tout, et que la génération des millenials, sont sur le plan numérique, dans une merde noire, pour laquelle seule un électrochoc énorme (à minima un service en ligne qui coupe) est le seul remède contre ce monopole absolu des services en ligne.

voir telegram tomber quelques jours, ou tout autre service fermé, non interopérable, personnellement : je sabre le champagne.
après, ce sera la sélection naturelle.

Sinon, moi ça m’a rappelé ce qu’avait dit Benjamin Bayart il y a 2 ans lors d’une conf au Capitole du Libre, lorsqu’on commençait à parler de blocage géré par les FAI sur demande de l’État. Il faisait remarquer qu’en plus d’être dangereux, c’était inutile puisque la majorité de l’embrigadement des terroristes se faisait via des pages Facebook. Et il ajoutait avec humour qu’il attendait le moment où on lui demanderait (en tant que FAI avec FDN) de bloquer Facebook : « ce serait limite avec plaisir ! »

remplacez facebook par tiktok et 100% de la population non décérébrée signerait de sang, sans une hésitation, et pas que pour la nouvelle caled' ;)
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Je pense que tu confonds la GenY/Millenial avec la GenZ, voire peut-être les premiers de la génération suivante. Aujourd'hui la GenY a, dans sa quasi-totalité, la trentaine voire un début de quarantaine. Les plus jeunes ont 28 ans (on considère généralement qu'elle va de 1980 à 1996). Elle a grandi avec un PC de bureau, sous Windows 9x voire sous MS-DOS, a joué à Duke Nukem 3D et pour ce faire a dû se faire un autoexec.bat et un config.sys custom. Elle a fait son site perso avec Frontpage Express ou Namo Web Editor qu'elle a hébergé sur multimania.com/kikir0x0rdu39 ou sur kikir0x0rdu39.free.fr, ou à la limite pour les derniers elle a participé à la génération blogs (skyblog, canalblog, overblog...).

Ce n'est plus franchement la jeunesse et elle n'est pas née avec un smartphone et des réseaux sociaux dans les mains.

Eh oui... on se fait vieux. :pleure:
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Bordel, Namo Web Editor... Ce souvenir d'outre-tombe :eeek:
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Tu voulais plutôt dire FesseDeBouc ET TokTok .
Non ? :kimouss:
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En complément de Liam, je rajouterai que Tiktok, Signal et Telegram sont tout sauf des GAFAM (d'ailleurs tu remarqueras que dans "GAFAM", il n'y a ni T ni S).
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Il s’étonne d’ailleurs d’un paradoxe : « Pour le gouvernement, Tiktok créait une menace si grave qu’il a dû agir en urgence & sans loi au nom des "circonstances exceptionnelles" », tandis que « pour le Conseil d’Etat, bloquer Tiktok serait si indolore qu’il n’y pas d’urgence pour un juge… »
Il n'y a aucun paradoxe: raisonnement à l'arrache.

Si Tiktok est utilisé et indispensable par 1% de la population participant aux émeutes, son interdiction est utile.
Si Tiktok n'est pas indispensable pour 99% de la population, son blocage est indolore.

Je ne dis pas que ces chiffres sont vraies, je montre simplement que sans approfondissement du sujet on ne peut affirmer qu'il y a un paradoxe.
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Pan sur le bec de la QdN !
En fait, il faudrait que l'état puisse systématiquement interrompre tous les réseaux "a-sociaux" en cas de troubles violents.
Espérons que des députés vont se saisir du problème et propser une loi en ce sens !
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Ne te réjouis pas trop vite. Pour le moment, la seule chose qu'a dite le Conseil d'État, c'est l'urgence à suspendre la mesure n'est pas démontrée. Il y aura un jugement sur le fond plus tard.

Les députés et sénateurs se sont saisis de ce problème en 2015 dans l'urgence suite aux attentats du 13 novembre (loi votée les 19 et 20 novembre respectivement). Et malgré cette urgence, ils ont limité ce blocage à l'état d'urgence et uniquement pour tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie.. Ils ont donc voulu limiter au maximum ce blocage comme le montrent les débats en commission à l'Assemblée.
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Et tant qu'à faire, il y inclurons Next ? Médiapart ? Blast ? Le Média ? Arrêt sur Images ? etc
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Et bloquer tous les médias qui ne plaisent pas aux politiques, aussi. Ca permettra au RN quand il sera au pouvoir de faire ce qu'il veut comme il veut, le tout en parfaite légalité.
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Hmmm, je pense que tu devrais changer de pays afin de voir tes souhaits réalisés :ooo:
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ah oui, intégrer des lois d'exception dans le code civil ou pénal, voilà une bonne idée. on a vu ce que ca a donné avec le fichage génétique, avec l'apologie du terrorisme, associations de malfaiteurs, fichage d'opposants politiques...
Je ne vois pas pourquoi on s'embête à dénoncer des dictatures si on adopte les mêmes outils et méthodes...

Le Conseil d’État ne suspend pas le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie

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