Le Syndicat de la magistrature épingle les lacunes du futur registre de lobbyistes
Ce que l'on SM
Le 20 juin 2016 à 09h41
5 min
Droit
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Largement étoffé par l’Assemblée nationale, le registre numérique de lobbyistes instauré par le projet de loi « Sapin 2 » reste encore « insuffisant » au regard du Syndicat de la magistrature. L’organisation épingle également les dispositions relatives à la transparence des entreprises (reporting public, pays par pays).
Le texte, qui sera bientôt examiné par le Sénat pour une première lecture, a été adopté par les députés le 14 juin dernier. Au programme de son article 13 : la création d’un registre de représentants d’intérêts, qui serait publié en Open Data par la Haute autorité pour la transparence (HATVP). Les lobbyistes et autres professionnels de l’influence devraient ainsi dévoiler différentes informations, relatives notamment aux « actions » menées pour le compte de leurs clients, leur chiffre d’affaires, etc. Comme nous l’avons déjà expliqué, le dispositif proposé par l’exécutif a été profondément remanié par les élus du Palais Bourbon – en ce qu’il a par exemple été étendu aux parlementaires.
« La création d’un tel registre est de nature à assurer une meilleure transparence des relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics », s’est félicité la semaine dernière le Syndicat de la magistrature. L’organisation salue plusieurs avancées issues des débats à l’Assemblée nationale :
« Sont concernés par l’obligation de déclaration ceux « dont l’activité principale ou accessoire a pour finalité d’influer pour leur compte propre ou celui de tiers, sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire ». L’introduction dans le projet, (...) au titre de la définition des représentants d’intérêts de la notion d’activité « accessoire » – alors que jusque-là seule l’activité principale était visée – est très satisfaisante. (...) Le Syndicat de la magistrature se félicite également de ce que désormais le texte vise les relations des représentants d’intérêt avec les présidents de conseil régional ainsi qu’avec les maires de communes de plus de 20 000 habitants, de même que les directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinets de ces autorités. En effet, il existe également au niveau des collectivités territoriales des enjeux importants d’investissements et de commande publics ».
Des insuffisances en matière de remontée de « l’empreinte normative »
Pour autant, poursuit le syndicat, « le dispositif reste insuffisant ». L’organisation regrette que le texte « n'exige pas que les représentants d’intérêts transmettent leurs « propositions normatives », c’est-à-dire leurs propositions d’amendements, de textes de loi, de décrets, ni, comme l’avait suggéré la HATVP, que la liste des personnes entendues au cours de l’élaboration d’un texte normatif, soit jointe à ce texte ». Plusieurs parlementaires, à l’image d’Isabelle Attard et Geneviève Gaillard, avaient pourtant tenté d’avancer sur ces deux points lors des débats en séance publique. Le rapporteur Sébastien Denaja (PS) s’y est toutefois opposé. « Lorsque nous disposerons de bilans semestriels décrivant les principales actions engagées, nous aurons bien la restitution de l’empreinte normative, sans nécessiter la transmission de toutes les positions sur tous les sujets, ce qui serait ingérable. La profusion d’informations tuerait l’information. Nous voulons rendre le processus normatif intelligible et lisible » avait-il fait valoir.
Dernier motif de déception : la procédure de sanction corolaire à ce nouveau dispositif. « L’exigence d’une mise en demeure préalable, adressée par la Haute Autorité au représentant d’intérêts d’avoir à respecter ses obligations, avant qu’une sanction puisse être prononcée, si un nouveau manquement est commis dans le délai de 5 ans à compter de la première mise en demeure, diminue grandement l’aspect dissuasif de la sanction », déplore le Syndicat de la magistrature. Dans l’hémicycle, les députés ont pour mémoire refusé de rehausser le montant maximal des amendes encourues par les contrevenants (jusqu’à 50 000 euros). Ils se sont là aussi rangés derrière l’avis du rapporteur, qui estimait que la publicité des réprimandes était davantage dissuasive.
Un dispositif de reporting public à l'efficacité « neutralisée »
L’analyse du Syndicat de la magistrature sur l’article 45 bis (relatif à l’instauration d’un reporting public, pays par pays), est encore plus sévère :
« Le projet de loi n’impose l’obligation de rapport public, sans condition, que pour les filiales installées dans les pays de l’Union européenne ou dans les paradis fiscaux (dont la liste n’est pas définie). Pour les filiales hors Union européenne, l’obligation ne s’imposera que si la société y a implanté plusieurs filiales, le nombre étant à fixer par décret. Ainsi, alors même que cette obligation de rapport public n’est pas encore née, son efficacité est neutralisée. »
L’organisation partage ainsi les critiques déjà émises par d’autres associations de lutte anti-corruption à l’encontre de ce dispositif censé conduire les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros à dévoiler, sur Internet, différents chiffres (nombre de salariés, chiffres d’affaires, montant de l’impôt sur les bénéfices...). Aucune mise en Open Data n’est pour l’instant prévue, ce qui risque de conduire les quelques géants concernés à ne mettre en ligne que de sombres rapports, dont les informations seront difficilement exploitables...
Le Sénat doit débuter l’examen du projet de loi Sapin 2 cette semaine (en commission).
Le Syndicat de la magistrature épingle les lacunes du futur registre de lobbyistes
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Des insuffisances en matière de remontée de « l’empreinte normative »
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Un dispositif de reporting public à l'efficacité « neutralisée »
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 20/06/2016 à 12h15
Et la transparence et la responsabilité dans la magistrature, c’est pour quand ? Ce Syndicat ferait mieux de s’occuper de ses propres failles qui mettent quotidiennement en danger notre sécurité.
Et pourquoi ne pas diffuser sur le Net les échanges et tractations qui sont menés entre les juges d’Application des Peines et les avocats des condamnés ?
Le 20/06/2016 à 13h12
Oui je n’ai pas traité cet aspect parce que ça fait partir mon cerveau en BSOD tellement c’est insultant (après, je me rappelle aussi que ce sont des gens qui manipulent la complexité ‘gratuite’ - rendre imbitable un truc qui pourrait être simple - sur une base quotidienne " /> )
Le 20/06/2016 à 13h14
Le 20/06/2016 à 13h16
Des photos de vacances sur un mur… rien de bien méchant " />
Le 20/06/2016 à 13h20
Le 20/06/2016 à 13h28
Petite erreur de typo, le C et le N sont très proches sur un clavier " />
Le 20/06/2016 à 13h42
Le 20/06/2016 à 13h50
J’avoue et le “i” n’est pas sur la même touche que le “F” tout aussi proche " />
Le 20/06/2016 à 14h45
Tu nous as manqué ce matin sur la news Amazon !
Le 20/06/2016 à 15h14
Le 20/06/2016 à 16h52
La profusion d’informations tuerait l’information. Nous voulons rendre le processus normatif intelligible et lisible
Le gars qui n’a pas comprit ce que c’était le big data, l’open data et encore moins le deep learning… c’est le genre à mettre svp et merci à la fin de ses recherches Google 😂
Le 20/06/2016 à 16h56
Bon j’ai trollé mais j’ai une question : quelle est la différence entre lobbying et corruption ? Une histoire de contexte, démocratie/dictature ?
Le 20/06/2016 à 18h03
Le 20/06/2016 à 23h42
Et ceux qui s’en tirent sans aucun bruit (ils sont plus discret et ça les arrangent)" />
Le 21/06/2016 à 07h44
Le lobbying c’est mettre sous pression un politique pour l’intérêt d’un groupe, que ça soit en spammant sa boîte mail, en lui faisant des cadeaux ou en venant expliquer ses arguments dans son bureau en toute honnêteté.
La corruption c’est quand le politique trouve un intérêt personnel (même si c’est juste un tube de dentifrice offert par la maison) à défendre les opinions d’un groupe en public.
edit :
Pour faire simple, le lobbying c’est un groupe qui défend ses intérêts auprès des politiques, de manière plus ou moins morale ou légale alors que la corruption c’est le politique qui accepte de défendre les intérêts du groupe en question en échange d’une contrepartie.
Le 21/06/2016 à 11h14
« La profusion d’informations tuerait l’information. Nous voulons rendre le processus normatif intelligible et lisible »
Rapport du 21/06/2016 : Des gens sont venu discuter.
Voilà, comme ça c’est intelligible et lisible, non?
Le 20/06/2016 à 10h02
Le fait de tracer qui a rencontré qui est certainement faisable (et souhaitable).
Par contre, j’ai du mal à voir comment ils envisagent de tracer les propositions normatives si les gens ne sont pas de bonne volonté. Qui peut faire la différence entre un amendement rédigé par le lobbyiste de XXX et celui rédigé par un député totalement convaincu par son entretien avec ce lobbyiste? D’ailleurs je doute de l’intérêt de savoir précisément qui a tenu la plume…
Le 20/06/2016 à 10h25
Le 20/06/2016 à 10h36
Le 20/06/2016 à 10h43
L’art de faire semblant… faut pas croire, c’est job qui demande de bonnes compétences (on dit toujours que les élus sont débiles avec leurs lois, non, ils sont bien malins au contraire). C’est plutôt le peuple qui est à la ramasse avec son pain et ses jeux.
Le 20/06/2016 à 10h55
De la com’ …rien que de la com’ …tiens des élections bientôt …comme de par hasard…
Le 20/06/2016 à 11h16
Donc lorsque 3 entreprises réuni font un lobby on propose d’encadrer leur intervention et de la légaliser, mais quand 1 millions de salariés défilent, ce n’est pas à la rue de faire la loi. je comprend rien
Le 20/06/2016 à 11h19
Sinon sur un ton plus proche du sujet, je pense qu’il est dangereux de normaliser ou encadrer ces pratiques, il est souvent plus simple pour ces structures de contourner le cadre lorsqu’elles le connaissent, alors que nous savons que ces pratiques se font souvent au détour d’un café ou lors d’un petit déjeuné dans la plus grand opacité
Le 20/06/2016 à 11h25