L’enseignement supérieur veut désengager ses services numériques des GAFAM
Un guide un peu flou
Depuis la feuille de route 2009 - 2013, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche n'avait plus de plan de coordination du numérique. Un nouveau document fournit des lignes directrices pour la période 2023 - 2027.
Le 11 avril à 16h17
6 min
Société numérique
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Une nouvelle feuille de route pour le numérique dans l'Enseignement supérieur et la recherche (ESR) entre 2023 - 2027 [PDF] a été finalisée en octobre 2023, mais circule depuis peu, même si c'est un document interne que le ministère ne compte pas publier.
Élaborée en collaboration avec des associations de professionnels comme celle des directeurs des systèmes d’information, des vice-présidents numériques des universités ou le Comité des services informatiques de l’enseignement supérieur et la recherche (Csiesr), elle fixe cinq objectifs associés aux enjeux du numérique dans l'enseignement supérieur et une trentaine de mesures pour les atteindre.
Manque de clarté et de coordination
Elle brosse un écosystème « manquant de clarté et dont la coordination est déterminante à la construction d’une vision commune de nature à offrir à tous les étudiants et personnels un environnement numérique adapté à leurs attentes ». Le document pointe la nécessité « de revisiter la cohérence d’ensemble et de définir un pilotage adapté ».
Ce constat et ces objectifs ont été établis dans cette feuille de route par une nouvelle instance, le COREALE (COmité numérique pour la Réussite Étudiante et l’AgiLité des Etablissements). Celui-ci a été mis en place l'année dernière par les directions générales du ministère (la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, Dgesip, et la direction générale de la recherche et de l’innovation,DGRI) et France Universités, le lobby des présidents d'Université.
Comme on peut le constater dans le schéma ci-dessous, recensant les principaux acteurs du numérique dans l'ESR, ils sont nombreux et hétérogènes. Il y transparait les tensions entre volonté de direction par le ministère et autonomies (plus ou moins réelles) des établissements et des personnels de l'enseignement supérieur.
Pour coordonner ces acteurs, la feuille de route met en place trois nouvelles instances de pilotage, au risque de rajouter une couche de comités et de sigles :
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- Le COREALE, responsable de ce rapport et du numérique « au service de la réussite des apprenants »
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- Le Comité pour les Services et Infrastructures Numériques (CoSIN), qui devra coordonner les infrastructures numériques
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- Le Comité de Pilotage Interne du Numérique (COPIN), pour les outils numériques du ministère lui-même
Le COPIN est notamment mis en place, car, si « le ministère a outillé ses agents », « des marges de progrès existent et, par exemple, la dématérialisation de procédures métiers pour faciliter le quotidien de ces agents pourrait certainement encore être améliorée, ainsi que des dispositifs facilitant le partage de données ». En clair, les outils numériques du ministère de l'ESR sont devenus trop archaïques.
L'objectif d'un numérique au service des étudiants
La feuille de route veut améliorer les outils de suivi de la scolarité, de l'orientation et de l'insertion professionnelle des étudiants, « positionner l’étudiant au centre des processus et tendre vers le "Dites-nous le une fois" ». Ce principe de simplification administrative est pourtant censé être mis en place depuis la « loi pour un État au service d’une société de confiance ».
Le document veut aussi qu'un « tour d'horizon » de la « diversité des formes d’apprentissage rendue possible avec le numérique en se penchant à la fois sur la production de ressources numériques et leurs modalités d’accès depuis des plateformes adaptées » et notamment en abordant « l’apport des solutions proposées par des entreprises de la EdTech ».
La feuille de route ambitionne aussi de proposer des « dispositifs numériques ayant trait à la vie étudiante – santé, logement, bourse, vie associative » pour « permettre d’étudier dans de bonnes conditions ».
Indépendance des GAFAM, fiabilité et souveraineté recherchées
Les acteurs du numérique de l'ESR se donnent aussi comme objectif de disposer d'un « socle technique nécessaire pour permettre l’usage d’un bouquet de services de façon performante et sécurisée ». L'une des orientations affichées est notamment de « contribuer à la souveraineté numérique en quittant les solutions des GAFAM quand des alternatives fonctionnelles et soutenables sont disponibles ».
Cela doit être fait après avoir établi « un état des lieux concernant l’hébergement des plateformes et services numériques des principaux opérateurs et proposer une offre nationale de solutions collaboratives souveraines pour l’ESR interopérables avec les SI des établissements et tenant compte de tous les usagers (personnels et étudiants) ». Car, si le ministère de l'ESR fournit depuis peu des plateformes, les universités ont dû faire sans avant. Le principe d'autonomie des établissements leur permet aussi de s'en passer si elles le veulent et le peuvent.
La feuille de route aborde aussi la question RH des services informatiques de l'enseignement supérieur et de la recherche. Effectivement, alors que les salaires ont continué d'augmenter dans le secteur du numérique, le public a du mal à recruter des informaticiens.
Le document prévoit donc un état des lieux de la situation dans les établissements (e.g., concours infructueux, nombre de candidats aux concours, taux de mobilités, procédures de recrutement sans candidat, …), avec ensuite des propositions de solutions. Il prévoit aussi un plan de formation pour renforcer les compétences des informaticiens en poste.
L’enseignement supérieur veut désengager ses services numériques des GAFAM
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Manque de clarté et de coordination
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L’objectif d’un numérique au service des étudiants
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Indépendance des GAFAM, fiabilité et souveraineté recherchées
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 11/04/2024 à 16h55
https://mastodon.mim-libre.fr/@lelibreedu
Le 11/04/2024 à 17h07
L'université n'a jamais été faite pour les étudiants, mais pour l'administration.
Et si pour une fois, en bon Français, on ne tentait pas de réinventer la roue mais de se concentrer sur la mission et faire le taff ? :]
Le 12/04/2024 à 09h30
Une annonce comme celle-ci permet de mettre en place (on l'espère !) des outils enfin utilisables avec le même niveau de disponibilité que d'autres solutions GAFAM.
Et je te rejoins sur la question de la gouvernance, c'est pour cela qu'il y a eu, notamment, Mai 68. On attend le prochain.
Le 11/04/2024 à 17h19
Le 11/04/2024 à 18h00
Le 11/04/2024 à 17h56
Déjà ne faire qu'un état de ce qui est utilisé avec les GAFAM est une gageur en soit car OS et suite bureautique ne sont le sommet de l'Iceberg...
Voyons, je tente le prémices d'une liste :
OS : Windows 10 (windows 11)
traitement de texte : Word
Tableur : Excel
Présentation : Powerpoint
Traitement de base de données : Access
Messagerie instantanée : Teams
(?) collaboration temps réel : Teams
Visiophonie : Teams
Messagerie :
Client : Outlook
Serveur : Exchange Online /exchange 2016
Navigateur Internet : Edge
? [Quelle catégorie] : Note
Stockage en ligne Individuel : OneDrive
Sauvegarde en ligne : OneDrive
Stockage d'équipe en ligne OneDrive / Sharepoint
VPN : Cisco
Sur le tel pro
MFA : Authenticator
portail d'application pro : Intune portal compagnie
A compléter pour les outils GAFAM exploités et quelles alternatives répondant à : .
[...]a souveraineté numérique en quittant les solutions des GAFAM quand des alternatives fonctionnelles et soutenables sont disponibles »...[...]
Le 12/04/2024 à 09h15
Avoir une rationalisation d'un SI impose d'accepter une centralisation (en gros, les écoles/universités deviendraient utilisatrices d'un SI national).
Déjà qu'en entreprise (qui n'est pas une démocratie), c'est difficile de faire accepter ce qui est perçu comme une "mainmise", alors dans un service public qui prône la décentralisation, c'est perdu d'avance...
Le 12/04/2024 à 15h42
Après, sortir des GaFam... tiens, pourquoi pas. Allez, du concret (je précise que je suis pour le libre au maximum, plutot windowsien mais j'utilise linux tous les jours) :
- actuellement, les étudiants ont accès à Office 365 (gratuitement), mais officiellement, pas forcément les enseignants chercheurs car le stockage des données chez MS pose soucis coté "recherche". Bon, soit. Notre établissement a donc cherché à hébergé chez un français, et on se tapait du 7 chiffres à l'année. Trop cher. Du coup, pour les personnels, l'établissement a mis en place une solution de téléédition de document GoFast : la moyonnaise ne prend pas. Couplé à du Jitsi pour les réunions en visio la plateforme est délaissée pour les alternatives utilisées en enseignement, car elles, elles fonctionnent avec stabilité.
- au delà des GAFAM, quid des applications métiers ? Cadence/Catia/Solid Edge/Solid Works, c'est pas du FreeCAD/pSpice : certains ne fonctionnent QUE sous windows. Matlab pour certains aspects est relativment difficile à remplacer (bien que là, Scilab ou Octave peuvent parfois suffire pour la pédagogie, mais bon, on ne va pas demander à un enseignant chercher de chercher sous Matlab et enseigner sous Scilab... eux aussi, ils ont besoin de rationaliser)