Le Parlement refuse de restreindre l’usage de la biométrie en France
Biométrie sélectif
Le 11 juillet 2016 à 10h05
4 min
Droit
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Contrairement à ce qu’avait souhaité le Sénat (contre l’avis du gouvernement), l’usage des dispositifs biométriques ne sera pas durci. La commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis sur le projet de loi Numérique a préféré retirer les dispositions introduites à cet effet par la Haute assemblée.
Le sénateur Gaëtan Gorce (PS) en peste encore : « En renonçant à cette disposition, le Parlement autorise de facto l'usage de la biométrie pour réguler l'accès à une cantine scolaire, une piscine municipale ou un atelier. Cette dérive est lourde de menaces dans la mesure où elle conduit à admettre qu'un élément tiré du corps humain (les empreintes digitales, l'iris de l'œil, etc.) puisse servir d'instrument de contrôle. »
L’élu a effectivement de quoi être déçu... Le 29 avril dernier, lors des débats sur le projet de loi Numérique, il avait réussi à « recycler » une de ses propositions de loi – votée par le Sénat en mai 2014 mais toujours en attente d’un créneau à l’Assemblée nationale – en la réintroduisant sous forme d’amendement.
Aujourd’hui, la mise en place d’un dispositif utilisant des données biométriques est soumise à l’obtention d’une autorisation de la CNIL, selon des formalités variables en fonction des données exploitées (empreintes digitales, contour de la main, iris...) et de la finalité du traitement (contrôle d’accès à certaines salles, etc.). Le texte du sénateur Gorce, soutenu par le groupe socialiste, prévoyait que le feu vert de la gardienne des données personnelles ne puisse dorénavant être donné que dans les cas de « stricte nécessité de sécurité » – ce que la loi aurait défini comme étant des situations relevant de « la protection de l’intégrité physique des personnes, la protection des biens ou la protection d’informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible et qui répondent à une nécessité excédant l’intérêt propre de l’organisme les mettant en œuvre ».
Un délai de transition de trois ans était prévu afin que les acteurs utilisant aujourd’hui des dispositifs biométriques puissent se conformer à ces nouvelles dispositions (et dans certains cas, on imagine, les abandonner).
Le gouvernement a les yeux tournés vers le règlement européen
La commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis entre le texte voté par le Sénat et celui adopté quelques mois plus tôt par l’Assemblée nationale a toutefois jugé bon de retirer ce nouvel article, sur « proposition conjointe des rapporteurs » Luc Belot (PS) et Christophe-André Frassa (LR) – ainsi que du député de l’opposition Lionel Tardy.
Si le compte rendu de la « CMP » laisse entendre que ce point n’a donné lieu à aucun débat particulier, il faut rappeler que le gouvernement était opposé à cette réforme. Devant le Sénat, Axelle Lemaire avait ainsi émis un avis défavorable, au motif que le nouveau périmètre d’autorisation des dispositifs biométriques était à ses yeux « beaucoup trop limité », au risque de brider au passage l’innovation. « Je ne nie pas que le recours à des techniques biométriques suscite des interrogations parfois d’ordre éthique qu’il faut continuer à se poser au fur et à mesure qu’évoluent les technologies. Mais il ne s’agit pas de graver les choses une bonne fois pour toutes dans le marbre de la loi » avait-elle – vainement – lancé aux sénateurs.
La secrétaire d’État au Numérique avait surtout invité les parlementaires à ne pas légiférer sur ce sujet, l’article 9 du règlement européen sur les données personnelles (qui n’entrera cependant en vigueur sur le Vieux continent qu’en mai 2018) venant selon elle fixer une « règle claire, unifiée, qui permettra en plus de développer des technologies applicables de manière uniforme à l’échelle de l’Union européenne, donc des vingt-huit pays, et non pas uniquement la France ». Le traitement des données biométriques y est effectivement interdit par principe, hormis dans dix situations : lorsque la personne a donné son consentement « pour une ou plusieurs finalités spécifiques », si le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux d’une personne physique, etc.
Dans un billet de blog publié la semaine dernière, Gaëtan Gorce n’en démord pas. Il prédit une « banalisation du recours à la biométrie », qui « induira aussi l'acceptation de nouveaux comportements jusqu'alors exigés par les seuls services de police. C'est à une domestication de l'individu par la technologie que nous sommes malheureusement en train d'assister. »
Le Parlement refuse de restreindre l’usage de la biométrie en France
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Le gouvernement a les yeux tournés vers le règlement européen
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 11/07/2016 à 16h58
Trop tard pour éditer.
Finalement, ce problème est similaire à celui qui a opposé récemment Apple au FBI. Où placer le curseur entre sécurité et vie privée (Chiffrement). Et franchement, j’suis incapable de donner la réponse :(
Le 11/07/2016 à 17h32
Le 11/07/2016 à 18h46
Le 12/07/2016 à 03h39
Le 12/07/2016 à 16h59
Non, mais ton patron pourra mettre en place un contrôle de tes empreintes pour utiliser la photocopieuse.
Ton gosse/ton petit frère devra scanner son iris pour se voir servir son jambon/purée du midi.
Le 11/07/2016 à 11h01
Le parle et ment…
Le 11/07/2016 à 11h03
Passons sur les considérations philosophiques (scandaleuses) du fichage biométrique pour retenir deux éléments plus terre-à-terre :
La banalisation du fichage biométrique est affolante. Il n’y a pas si longtemps, en France, on avait réservé le fichage ADN aux pires criminels. Celui-ci est désormais étendu aux “mis en cause”, frôlant désormais trois millions de Français. Depuis peu, nos empreintes digitales figurent dans nos passeports.
Quant à l’innovation mise en avant par notre Secrétaire d’Etat, elle semble être un argument magique visant à faire accepter tout et n’importe quoi sans avoir à se justifier. En quoi est-il innovant d’abandonner l’éthique au nom d’un supposé progrès ? (Certes, sur ce point, on sort là du domaine pratique au débat philosophique…)
Le 11/07/2016 à 11h29
“La secrétaire d’État au Numérique avait surtout invité les parlementaires à ne pas légiférer sur ce sujet, l’article 9 du règlement européen sur les données personnelles (qui n’entrera cependant en vigueur sur le Vieux continent qu’en mai 2018) venant selon elle fixer une « règle
claire, unifiée, qui permettra en plus de développer des technologies
applicables de manière uniforme à l’échelle de l’Union européenne, donc
des vingt-huit pays, et non pas uniquement la France ».”
Je pense qu’a cette date là, nous ne serons que 27…
Le 11/07/2016 à 11h33
26, les élections présidentielles seront passées et il y aura un FRexit. " />
Le 11/07/2016 à 11h43
Le 11/07/2016 à 12h02
Mais non, voyons, avec l’Écosse et la Catalogne, ils seront bien 28.
Le 11/07/2016 à 12h48
Mais cela reste une demande volontaire pour que cela soit effectué. Il aurait mieux valu un effacement automatique pour les personnes non concernées in fine par le fichage.
Le 11/07/2016 à 12h52
Le 11/07/2016 à 13h20
Il aurait mieux valu rien du tout, ni enregistrement des empreintes avant condamnation avec effacement si pas de condamnation, ni enregistrement apres condamnation seulement.
Pas d’enregistrement du tout,voilà ce qu’il aurait fallu
Le 11/07/2016 à 13h37
Sortance, c’est plus joli.
Sinon, il y avait d’autres propositions : Twitter(dont Fruck-off pour nous).
Le 11/07/2016 à 13h43
Du coup ça veut dire qu’utiliser mes empreintes pour déverrouiller mon S6 deviendra illégal si cette résolution du Sénat est appliquée ?
Le 11/07/2016 à 13h59
Merci pour le résumé. C’est effectivement un poil dangereux… Mais qui s’en soucie ? " />
Le 11/07/2016 à 14h59
Toutafé :]
Le 11/07/2016 à 15h33
Ouais, enfin en France on élucide quand même plus d’une affaire sur trois grâçe à la police scientifique.
Source
Le 11/07/2016 à 16h19
Ta source ne dit pas ça. Relis soigneusement.
De plus, en quoi cela justifierait-il que l’on fasse une atteinte forte à la vie privée a priori pour résoudre des affaires qui pour beaucoup sont peu importantes ?
Le 11/07/2016 à 16h43
Je me suis mal exprimé. Depuis que la PTS est impliquée dans tous les C&D, le taux d’élucidation a été porté à 38 %
Quant au pourquoi, honnêtement, je n’ai pas la réponse. C’est le travail du législateur. Mais tout ce qui est légal n’est pas forcément légitime ou moral.
Mais pour ta culture perso, le FNAEG a par exemple permis récemment d’élucider cette
affaire, vieille de 20 ans. (Une partie de cette affaire, tout du moins)
Ou aurait permis d’élucider cette affaire, qui par ailleurs est celle qui a lancé la création du FNAEG. (Voir la partie “Vie en prison”)
Le 11/07/2016 à 10h32
La CNIL est déjà très restrictive quand elle délivre ses autorisations. Pourquoi le restreindre encore plus? Je trouve les arguments de ce Monsieur trop superficiels ou alors peut-être n’ai-je pas saisi leur quintescence?
Le 11/07/2016 à 10h33
Petit à petit, elle se met en place.