SFR condamné pour la violation d’un accord de maintien de l’emploi en 2007
Les voilà prévenus
Le 11 juillet 2016 à 13h47
5 min
Droit
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Si la direction de SFR avait besoin d'un aperçu de ce que peut donner son prochain plan social, c'est désormais chose faite. La cour d'appel de Poitiers a donné gain de cause à 252 anciens salariés d'un centre d'appel externalisé en 2007.
SFR se prépare à un important plan social qui pourrait débuter dès la fin de son engagement pris avec l'état et les partenaires sociaux, qui lui interdit de procéder à pareille manœuvre pendant trois ans. Une contrainte que l'entreprise parvient à contourner en faisant appel à des « départs volontaires » (démissions, ruptures conventionnelles...). Selon les syndicats, plus de 1 200 départs n'ont ainsi pas été remplacés, sur un total de 14 000 postes depuis le rachat de l'opérateur par Altice.
SFR a déjà tenté le diable entre 2006 et 2007
Rompre franchement un tel accord peut avoir un coût très important pour l'entreprise, et SFR ne le sait que trop bien. Entre 2006 et 2007 (Altice n'était alors pas encore actionnaire de l'opérateur), SFR a « externalisé » une importante partie de ses centres d'appel. Des sites basés à Lyon, Poitiers et Toulouse ont ainsi été cédés à des prestataires extérieurs qui en ont maintenu l'activité, tandis qu'un seul site de région parisienne (à Massy) avait été maintenu dans le giron de l'opérateur.
Seulement, la marque au carré rouge était sous le coup d'un accord dit GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et compétences) signé le 12 octobre 2006. Cet accord « exclut la mise en œuvre par SFR de procédures de licenciement collectif pour motif économique dès lors que les conditions environnementales ne seraient pas bouleversées avec des conditions prévisibles pour l'emploi. [...] En outre l'accord vise, sans remettre en cause le principe du volontariat, à maintenir une stabilité globale des effectifs du groupe SFR à compter de sa signature », peut-on lire dans le compte rendu d'un arrêt rendu à Poitiers la semaine dernière et que nous nous sommes procurés.
Une situation identique, sinon proche, de celle dénoncée par la direction d'Altice, Patrick Drahi et Michel Combes en tête. Plusieurs groupes d'employés représentant près de 1 500 personnes ont donc décidé d'attaquer leur ancien employeur dans la foulée, pour dénoncer la rupture de cet accord.
La procédure dure depuis plusieurs années et vient de connaître un dénouement partiel. Après bientôt dix ans de poursuites, les 251 employés d'une plateforme d'appels basée au Futuroscope viennent d'obtenir – à nouveau – gain de cause devant la justice. La cour d'appel de Poitiers a en effet confirmé « qu'en décidant de transférer la totalité des emplois du site de Poitiers à la société Aquitel, huit mois après voir conclu l'accord de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), le groupe SFR a méconnu les dispositions de cet accord ».
La justice avait déjà donné raison à ces salariés en 2015, et leur avait attribué 5 000 euros de dommages et intérêts à chacun d'eux, soit un coût total de 1,25 million d'euro pour l'opérateur en compensation du « préjudice caractérisé par la perte de chance d'avoir conservé un emploi ». L'objectif de ce nouveau procès était pour eux d'obtenir une meilleure indemnisation, avec de 15 à 20 000 euros par personne, mais les montants ne seront fixés que lors d'une audience ultérieure.
600 affaires sont encore en cours, SFR affute sa défense
L'affaire est cependant loin d'être terminée pour l'opérateur au carré rouge, d'autres procédures similaires étant encore en cours. Au total, 600 décisions favorables aux anciens salariés ont été rendues, ce qui représente une enveloppe d'environ 5 millions d'euros pour SFR. En fonction des affaires, des juridictions et de leur ancienneté les ex-SFR ont obtenu entre 2 000 et 40 000 euros (avec une moyenne autour de 10 000 euros) .
De son côté, l'opérateur et sa filiale SFR Service Client se sont défendus en expliquant que l'accord ne visait seulement qu'un « objectif de stabilité dans l'emploi », et qu'il ne « fait pas obstacle à la cession d'un secteur d'activité ». Il estimait aussi que ce projet « d'externalisation de l'activité relation clientèle a été décidé par le groupe pour des raisons stratégiques quant au choix de maintenir au sein de l'entreprise cette activité déjà sous-traitée à hauteur de 60 %, ce que l'accord GPEC n'a jamais eu pour objet d'écarter ».
SFR a également fait valoir que les salariés avaient « quitté leur emploi de leur plein gré et sans faire valoir leur droit à la priorité de réembauche ». Réponse des intéressés devant la cour : les nouveaux contrats imposaient des conditions inacceptables, notament liées à la perte d'avantages statutaires découlant de leur convention collective.
Maitre Romain Geoffroy, l'avocat des salariés, nous souligne qu'au total, « SFR a détruit 1 877 emplois en violant ces engagements. C'est la plus grande fraude aux obligations de maintien de l'emploi jamais constatée en France ». Il ne pense pas non plus que l'opérateur pourra obtenir gain de cause sur les 600 cas encore en cours d'étude. « Quatre juridictions ont déjà rendu des décisions identiques », fait-il valoir.
Si ces affaires n'ont aucun lien avec Altice, actuel actionnaire principal de l'opérateur, elles montrent néanmoins à quel genre d'obstacle la firme néerlandaise peut s'attendre si elle décide de mettre à mal l'accord signé avec les partenaires sociaux lors du rachat de SFR. Une éventualité qui se fait de plus en plus présente.
SFR condamné pour la violation d’un accord de maintien de l’emploi en 2007
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SFR a déjà tenté le diable entre 2006 et 2007
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600 affaires sont encore en cours, SFR affute sa défense
Commentaires (31)
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Abonnez-vousLe 11/07/2016 à 13h55
“Après bientôt dix ans de poursuites…” 10 ans bon sang !
Le 11/07/2016 à 13h55
De toute façon ça leur coûte moins cher de les virer avant la fin de l’accord que de les garder jusqu’au bout…
Le 11/07/2016 à 14h01
surtout pour 5000 €. j’espère que le paiement des avocats n’est pas compris dedans car sinon ils sont déficitaire de facto ><
Le 11/07/2016 à 14h07
le groupe SFR a méconnu les dispositions de cet accord
Oh c’est mignon…
le groupe SFR a volontairement ignoré les dispositions de cet accord
Voilà " />
Le 11/07/2016 à 14h09
préjudice caractérisé par la perte de chance d’avoir conservé un emploi
S’ils tombent malades ils comptent poursuivre qui “pour la perte de chance d’avoir conservé la santé” ?
Ridicule.
Le 11/07/2016 à 14h13
10ans pour même pas 10k€ par tête pour quelques millions pour une groupe qui en génère des milliers.
Continuez à frauder…
Le 11/07/2016 à 14h14
Le sous-titre manque de blagues sur “laisser faire”, je suis déçu ! #désabonne
Le 11/07/2016 à 14h15
Le cout de l’embauche et du maintien de 600 CDI est de toute facon largement supèrieur a 2000-40000€. Le PDG n’a jamais caché qu’il voulait débaucher et signer cette charte était le comble du cynisme.
Le 11/07/2016 à 14h18
La notion de “perte de chance” est une notion de droit civil qui permet d’obtenir une réparation en prenant en compte une incertitude.
Voir ici par exemple.
Donc, non, ce n’est pas ridicule.
Le 11/07/2016 à 14h22
Le 11/07/2016 à 14h28
Le 11/07/2016 à 14h36
La firme néerlandaise ? C’est pas Luxembourgeois Altice ?
Le 11/07/2016 à 14h51
Le 11/07/2016 à 14h54
Le 11/07/2016 à 14h57
Le 11/07/2016 à 15h17
Je m’étais fait la même remarque au moment de l’affaire Eric Walter.
A la limite, un employé de call-center n’a pas forcément le luxe de refuser un job , même dans une ambiance de merde (encore que 10 ans plus tard… j’espère pour eux qu’ils ont réussi à se recaser).
Par contre, pour un haut fonctionnaire, à part pour faire chier son ancien employeur, je ne vois pas de raison d’exercer ce droit. C’est pas comme si c’était difficile pour lui de se recaser et/ou de vivre quelques années sur ses réserves…
Le 11/07/2016 à 15h35
C’est marrant, car dans certaines boites les gens se battent pour partir absolument et dans d’autres ils veulent rester malgré le fait que leur patron veut les foutre à la porte. Il faut avoir ce que l’on veut !
Le 11/07/2016 à 15h55
Souvent, quand une obligation de reprendre le salarié est prononcé, en réalité ce n’est pas le cas.
Mais la personne refait partie des effectifs, d’un point de vue “social”. Mais devant la disparation du poste/site/missions, la société est alors obligée de lancer une procédure de licenciement (économique/sans cause).
Et là, SFR se retrouve avec des salariés à licencier “correctement”, cad en les intégrant dans le PSE. Et donc payer des primes, des formations ou des autres trucs prévus par le PSE.
Sans compter l’ancienneté, qui n’a pas cessée le temps de la procédure.
Bref, ça va coûter cher à SFR ( " />) dans les mois qui viennent. Là ce n’est que la décision pour valider les licenciements déguisés. Et ouvrir les Prud’hommes pour le licenciement.
Le 11/07/2016 à 15h55
Ce qui n’arrive que rarement " />
Le 11/07/2016 à 16h26
Le 11/07/2016 à 16h35
Sauf que c’est faux ! Une entreprise a des comptes à rendre à la société surtout quand elle a cette taille et qu’elle, a de fait, bénéficié, des largesses de l’État. De fait la plupart des grandes et très grandes entreprises sont des chasseuses de prime qui empochent l’argent et, en gros, se tirent (licencient, etc.) quand il n’y a plus de prime à ramasser.
L’éthique n’est pas qu’une question d’image de marque. En arriver à penser ça c’est donner aux entreprises tous les droits et c’est surtout une vision de la société extrêmement néfaste (et probablement économiquement très dangereuse).
Le 11/07/2016 à 16h36
Non mais “les voilà prévenus” est très fin je trouve et bien trouvé justement.
Le 11/07/2016 à 16h52
Impressionnant.
N’ayant jamais eu affaire à la justice ou à un quelconque tribunal, j’avoue que les subtilités du sujet m’échappent complétement.
Du coup je comprends pourquoi il faut des années (10 ici et ce n’est pas fini) pour arriver à envisager de pouvoir éventuellement proposer une hypothétique décision même pas finale.
Le 11/07/2016 à 17h07
Le 11/07/2016 à 18h30
Le 11/07/2016 à 19h27
Le 12/07/2016 à 06h29
Le sous titre ! " />
Le 12/07/2016 à 06h33
Bonjour,
Cela me conforte dans mon choix de changer d’opérateur. SFR et son optimisation fiscale me font de la peine.
Quant à ceux qui pensent qu’une entreprise ne doit avoir qu’un seul objectif, la meilleure croissance possible au dépit de toute morale, je leur suggère de revoir leur copie. Les entreprises sont composées de personnes.
Ces personnes ont des valeurs. Il arrive heureusement que ces personnes placent l’éthique et la morale au-dessus du profit optimal, même quand la loi (la politique) ou les mathématiques (coût d’enfreindre la loi < profit de le faire) leur permettrait de pratiquer autrement.
Non, une entreprise ne va pas toujours choisir ce qui lui rapportera le plus. SFR doit réduire son agressivité.
a+,=)
-=Finiderire=-
Le 12/07/2016 à 10h41
Un magnfique exemple de la pourriture des sociétés :(
Le 12/07/2016 à 12h28
Tu as raison, une société commerciale possède des valeurs et des préoccupations RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) :
Engagements SFR :
« Parce que les potentiels du digital suscitent de nouvelles responsabilités, SFR s’engage aux côtés de ses clients. Environnement, e-inclusion ou protection des données, SFR est attentif à l’impact de ses activités et veille à ce que la révolution numérique en cours soit accessible et profitable pour tous.
La politique RSE de SFR s’articule autour de quatre grands enjeux en lien avec notre cœur d’activité : protection du consommateur, maîtrise de l’impact environnemental, développement et satisfaction des collaborateurs et engagement sociétal. Notre démarche est soutenue par un dialogue régulier avec nos parties prenantes.
Découvrez nos engagements en matière de développement durable ainsi que l’action de la Fondation SFR. »
Et ce n’est que parce que des acteurs de la Société autour de SFR (Etat, clients, fournisseurs, actionnaires, etc) contraindront SFR à respecter ses “engagements” sociétaux qu’ils existeront effectivement. Pourtant, il ne faut pas trop rêver, les enjeux économiques et industriels sont très présents (le cynisme et l’amoralité du monde économique et diplomatique). Et ceci s’applique à toute entreprise (du CAC40 à la société commerciale non-côtée).
Le 12/07/2016 à 14h21