Regards Citoyens face à « l’extrême difficulté » d’analyser les consultations en ligne
Crowdsourcinging the rain
Le 28 novembre 2016 à 16h10
5 min
Droit
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Consulter les internautes est une chose, en lire les commentaires en est une autre. Après avoir lancé un premier outil de crowdsourcing destiné à épauler les députés, l’association Regards Citoyens vient de publier une analyse de cette expérience.
Du 4 au 17 octobre dernier, l’Assemblée nationale a demandé aux internautes de répondre à un questionnaire destiné à évaluer l’impact de la loi sur l’égalité femme-homme de 2014. En tant que membre du comité de suivi de cette initiative, l’association Regards Citoyens a proposé, en coopération avec Democracy OS France et FaisTaLoi, un outil permettant d’effectuer un premier tri des contributions laissées dans le cadre de cette consultation en ligne.
Concrètement, chaque volontaire était invité à cocher des cases indiquant si la contribution qui lui était soumise relevait de l’évocation d’une expérience personnelle, d’une proposition de nouvelle mesure, d’une demande d’information, s’il avait déjà entendu préalablement de tels propos, etc. « Si vous étiez député, que feriez-vous de cette contribution ? » était-il également demandé à l’internaute : « Rien », « Je cite les propos dans mon rapport », « Je convie l'auteur à une réunion avec mes collègues députés de la mission d'évaluation », etc.
Un exercice d’une « extrême difficulté »
Vendredi 25 novembre, Regards Citoyens a fait le bilan (PDF) de ces douze jours de « crowdsourcing ». Au total, 434 internautes ont participé à cette opération, analysant au moins une contribution chacun. Plus de 3 700 avis furent ainsi examinés. « Cet exercice a démontré l’extrême difficulté d’extraire des éléments objectifs, à partir des points de vue recueillis » annonce cependant l’association.
Il faut en effet rappeler qu’avant d’être validée, chaque évaluation devait être perçue de la même manière par au moins trois internautes. Résultat, cette règle n’a « permis de valider que 40 % des analyses », explique Regards Citoyens. « On constate qu’il est difficile d’obtenir des rapporteurs citoyens une codification uniforme des contenus présents dans les contributions : sur 742 contributions substantielles, seulement 109, soit 14,7 % ont eu une codification uniforme d’au moins un de leur contenu par tous les rapporteurs citoyens les ayant analysées. »
80 « contributions d’intérêt » (sur 900) ont néanmoins pu être identifiées grâce à cette méthodologie.
Des contributions rarement intéressantes
Autre enseignement : « Alors que des thématiques de cette consultation auraient pu paraitre très clivantes, les avis recueillis sont assez homogènes : la majorité des dispositions de la loi Égalité Femmes/Hommes sont jugées améliorables ou peu satisfaisantes. »
Dans le même ordre d’idée, Regards Citoyens rapporte qu’un peu moins de 10 % des contributions ont été jugées « originales » par une majorité d’analystes. « Cette perception des rapporteurs citoyens vient corroborer la perception que de nombreux décideurs publics ont des contributions citoyennes en général : des contributions apportant finalement peu d’éléments nouveaux au débat et des dispositifs participatifs globalement très coûteux en temps d’analyse pour des bénéfices limités », écrit l’association.
Regards Citoyens favorable aux consultations citoyennes, sous conditions
Les membres de Regards Citoyens en demeurent quoi qu’il en soit convaincus : les consultations citoyennes « peuvent améliorer grandement la qualité et la légitimité de la loi ».
Ils déplorent cependant qu’aujourd’hui, « la majeure partie des consultations citoyennes (...) ne sont pas conçues comme des outils d’enquête, d’intelligence et de délibération collectives mais instrumentalisées, dans une logique de démocratie d’opinion, soit comme outils de communication visant à légitimer « par la base » des décisions publiques déjà actées, soit comme outils d’influence et de lobbying visant à faire passer la volonté particulière de certains acteurs pour la « volonté générale » des citoyens ».
À leurs yeux, les consultations sont des « dispositifs facilement manipulables, encore plus que les sondages. Que ce soit dans la manière de poser les questions, d’exposer les faits ou de présenter des informations aux contributeurs, la manière de sélectionner les participants invités à contribuer ou la manière de synthétiser et sélectionner les contributions, il est possible de leur faire dire ce que l’on veut. »
C’est pourquoi Regards Citoyens juge « nécessaire, pour toute consultation citoyenne, de prévoir des garde-fous démocratiques ». L’association pense plus particulièrement à « deux prérequis importants ». Premièrement, elle prône « la transparence des plateformes numériques de gestion de consultation ainsi que de l’information qu’elles produisent ». Cela devrait notamment passer par la mise en Open Data des contributions déposées. Deuxièmement, le collectif en appelle à « la mise en place systématique de comités de suivi et de contrôle incluant des membres de la société civile ».
L’analyse produite par l’association est loin d'être anodine. Elle intervient alors que les députés Patrice Martin-Lalande (LR) et Luc Belot (PS) tentent de mettre à l’ordre du jour du Parlement leur proposition de loi organique, visant justement à généraliser les consultations en ligne de citoyens. Leur texte est actuellement soumis à consultation publique sur la plateforme Parlement & Citoyens et pourrait être débattu à l’Assemblée nationale début 2017 (voir notre article).
Regards Citoyens face à « l’extrême difficulté » d’analyser les consultations en ligne
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Un exercice d’une « extrême difficulté »
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Des contributions rarement intéressantes
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Regards Citoyens favorable aux consultations citoyennes, sous conditions
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 28/11/2016 à 16h41
En Suisse il est possible à des citoyens de proposer des contre-projets aux projets de lois écrits par les députés (Sous réserve de recueillir suffisamment de signatures)
Le (les) contre-projet(s) sont alors soumis à référendum au côté du projet original
Ça ne serait pas plus simple de procéder ainsi ?
Cela éviterait le risque de faussement légitimer par la base des lois déjà votées
Et ça aurait le mérite d’être bien plus simple et donc plus facile à comprendre pour tous…
Le 28/11/2016 à 16h57
Clair qu en démocratie directe, la Suisse mène la danse.
https://www.ch.ch/fr/initiatives-populaires/
Le coût d’une initiative populaire pour une votation referendum coûte en moyenne 150 000 CHF et doit être supportée par le comité qui la propose.
Et 90% des initiatives sont refusés (hier encore sur la sortie avancée du nucléaire).
Retour à l’article:
dispositifs participatifs globalement très coûteux en temps d’analyse Les analyses sont elles faites par des pro ou des volontaires?Qd on voit que la majorité des forum spécialisés sont modérés par des volontaires, on pourrait imaginer un truc similaire pour les initiatives populaires: un forum où chq sujet est modéré et l’équipe de modération prend la responsabilité de synthétiser le topic. Synthese aussi soumise aux participants.
Dans un 2nd temps, cette synthèse peut être soumise / rédigée comme proposition de loi.
Je pense aux topic uniques de hardware.fr dont les plus structurés sont une mine d information, néanmoins souvent sur des sujets techniques donc moins discutables. La partie discussions est bcp moins organisée.
Le 28/11/2016 à 17h28
Le 28/11/2016 à 17h55
Séparer le bon grain de l’ivraie : Toujours le plus difficile.
Le 28/11/2016 à 19h07
Le 28/11/2016 à 21h08
Merci pour cet article intéressant mais siouplait NXI n’abusez pas vous aussi de cette arnaque intellectuelle qu’est le mot citoyen(ne) ! C’est un nom pas un adjectif. Civique est l’adjectif relatif aux citoyens, on doit donc dire consultations civiques, regards civiques, etc…
Le 29/11/2016 à 01h24
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Le 29/11/2016 à 01h31
En parlant de consultations en ligne, le 2d tour de la Primaire en ligne pour l’élection présidentielle 2017 aura lieu dans 2 semaines et 2 jours :
 https://laprimaire.org
Le 29/11/2016 à 09h53
Le 29/11/2016 à 10h20
Où veut-tu en venir ?
Que parce que 90% des initiatives sont refusées, le système est mauvais ?
De plus, comme dit il peut y avoir plusieurs contre-projets proposés à côté du projet initial, donc ça ne me parait pas étonnant d’avoir si peu de projets acceptés (Si tu a la propositions A, B et C soumis au vote le même jour, tu a au mieux 1⁄3 des initiatives qui aboutiront, au pire 0)
Je ne suis pas sur que les “consultations citoyennes” détaillées dans l’article aboutisse à plus de propositions acceptées hein…
Et ce qu’il faut voir, c’est que le fait d’être soumis fréquemment à des votation pousse les parlementaires suisses à mieux ficeler leur lois en amont
De l’autre côté, certaines initiatives populaires sont refusées car les parlementaires ont entre-temps proposés des contre-propositions plus consensuelles : Mais sans ces votations, je suis sur qu’ils n’auraient jamais proposé quoi que ce soit…
Pour finir, le mode de fonctionnement des votations est bien plus simple et transparent
Avec les “consultations citoyennes” dont on parle ici, on ne se soucie plus de savoir si une proposition est soutenu par une majorité des citoyens…
Le 29/11/2016 à 11h00
Alors que des thématiques de cette consultation auraient pu paraitre très clivantes, les avis recueillis sont assez homogènes : la majorité des dispositions de la loi Égalité Femmes/Hommes sont jugées améliorables ou peu satisfaisantes.
Le niveau des lois reflètent malheureusement le niveau de leurs auteurs. Quand les politiciens seront véritablement formés plutôt que déformés dans le moule énarchiste et seront choisis au mérite plutôt que par la distribution de faveurs payées par d’autres, on pourra espérer une amélioration plus que marginale du système.
Le 29/11/2016 à 11h07
Le 29/11/2016 à 11h18
J’ai du mal à voir ce que tu ne comprends pas. Si je créé un site appelé unhommegrandeur.fr tu vas y croire ?
Je t’invite à consulter plus simplement un dictionnaire :
Citoyen : nom : LarousseCivique : adjectif : LarousseEt franchement prendre un site politique comme référence XD
http://www.academie-francaise.fr/citoyen
Le 29/11/2016 à 11h28
Nous sommes d’accord. J’abondais dans le sens de ta remarque en donnant des exemples.
Le 29/11/2016 à 12h51
Oh mea culpa alors ! Ton message était ambiguë, je pensais que le carton rouge m’était destiné^^
Le 29/11/2016 à 18h46
Le 30/11/2016 à 09h14
Ah d’accord, au temps pour moi " />
Après comme je disais, le simple fait d’être “menacé” de votation au cas ou une mesure est trop impopulaire, doit pousser les parlementaires suisses à plus préparer leur lois