Trois minutes de vols applaudies par les ingénieurs de SpaceX, mais de graves conséquences locales, c'est ce que dénoncent des associations de défense de l'environnement et une association de défense du patrimoine culturel du peuple Comecrudo dans une plainte contre la Federal Aviation Administration qui a autorisé le décollage de Starship.

Ce n'est pas SpaceX qui est attaquée en justice, mais cette action devant le tribunal du district de Washington, D.C pourrait avoir des conséquences sur les plans de décollage de l'entreprise phare du New Space américain.

Lundi, quatre associations environnementales américaines (le Center for Biological Diversity, l'American Bird Conservancy, Surfrider Foundation et la Save RGV) ainsi que l'association de défense du patrimoine culturel du peuple Comecrudo Carrizo Comecrudo Nation of Texas ont attaqué la Federal Aviation Administration (FAA) agence gouvernementale chargée de donner les autorisations de vols civils aux États-Unis. Elles l'accusent, dans un communiqué, de «  ne pas avoir pleinement analysé et atténué les dommages environnementaux résultant du programme de lancement de SpaceX Starship/Super Heavy à Boca Chica ».

Si les associations avaient déjà alerté en juin 2022 sur les dangers des lancements de SpaceX sur l'environnement de Boca Chica et critiqué l'autorisation donnée par la FAA, maintenant que les dégâts peuvent être constatés, elles veulent passer devant la justice.

Des conséquences environnementales importantes

« Cette affaire porte sur la question de savoir si l'engagement de la nation à préserver nos habitats naturels essentiels et nos paysages côtiers protégés doit être sacrifié au profit de l'exploration du cosmos – une question qui a des implications nationales, mondiales et même interstellaires » expliquent-elles dans l'introduction de leur plainte [PDF].

Comme on peut le voir sur la vidéo du premier décollage de Starship en compagnie de son premier étage « Super Heavy », un nuage gigantesque et épais s'est dégagé autour du pas de tir, lui-même ayant été fortement endommagé. Et les associations ont constaté que des zones où vivent des espèces menacées ont été touchées.

« La zone entourant le site de SpaceX à Boca Chica est une zone biologiquement diversifiée et un habitat essentiel pour de nombreuses espèces, y compris des espèces sauvages protégées au niveau fédéral et des animaux considérés comme sacrés par le peuple carrizo/Comecrudo, tels que l'ocelot, gravement menacé d'extinction » expliquent-elles dans le document remis à la justice.

Le nuage de débris dans l'air de la zone n'est pas la seule conséquence recensée du décollage de la fusée. Il a aussi provoqué un feu de 1,4 hectare dans le parc national de Boca Chica.

Dans le communiqué, Juan Mancias, responsable de l'association Carrizo Comecrudo Nation of Texas, explique que « les terres sacrées du peuple Carrizo/Comecrudo sont une fois de plus menacées par des politiques impérialistes qui considèrent notre patrimoine culturel comme moins précieux que les intérêts des entreprises [...] nous avons été coupés de la terre sur laquelle nos ancêtres ont vécu pendant des milliers d'années à cause de SpaceX, qui utilise nos terres ancestrales comme zone de sacrifice pour ses fusées. »

De faibles contraintes

Elles soutiennent que « la FAA reconnaît elle-même que la construction et l'exploitation du projet auraient des incidences négatives sur le bruit, la lumière, la circulation, la chaleur et causerait des débris de fusée (qui peuvent exploser et provoquer des incendies de forêt), et sont donc susceptibles de nuire à plusieurs espèces protégées, notamment le pluvier siffleur, le bécasseau maubèche, le faucon aplomado, le jaguarundi et l'ocelot de la côte du Golfe, ainsi que les tortues de Kemp, les tortues caouannes, les tortues vertes, les tortues imbriquées et les tortues luths.  »

L'agence américaine a imposé à Space X certaines contraintes avant le décollage, dont l'évaluation des conséquences sur la faune et la flore par un spécialiste. Elle avait demandé à l'entreprise d'effectuer 75 actions pour réduire l'impact environnemental. Mais comme l'écrit The Verge, « la FAA a autorisé SpaceX à présenter une évaluation partielle au lieu d'un examen environnemental plus complet, après avoir déterminé que les lancements n'auraient pas d'impact significatif sur l'environnement proche. »

Et cette autorisation de la FAA permet à SpaceX de lancer 20 fusées Starship en configuration « Super Heavy » par an pendant les cinq prochaines années, pointent les associations.

Les associations considèrent que la FAA a violé des lois environnementales américaines en autorisant le programme Starship/ Super Heavy de Space X. Elles pointent aussi le fait que l'agence n'a prévu aucun examen complémentaire suite à l'échec du lancement du 20 avril dernier.

D'autant que le dernier lancer de Starship aurait pu faire encore plus de dégâts. En effet, si la fusée s'est bien autodétruite, la commande n'a pas eu d'effet immédiat et il a fallu attendre 40 secondes pour que l'explosion ait lieu. Après la perte de contrôle de l'engin, ce laps de temps aurait pu engendrer encore plus de problèmes dans le parc national de Boca Chica.