Le délit d’entreprise individuelle terroriste devant le Conseil constitutionnel
Une clarté suffisante, sans équivoque ?
Le 31 janvier 2017 à 08h50
4 min
Droit
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Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité importante. Elle vise à vérifier la conformité du délit d’entreprise individuelle terroriste.
La Cour de cassation a décidé de transmettre une QPC visant les articles 421-2-6 et 421 - 5 du Code pénal. Il s’agit de savoir si ces dispositions sont compatibles avec les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, tels que définis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Pour juger du caractère sérieux de la problématique, l’un des critères justifiant cette transmission, la Cour de cassation relève que les faits constitutifs de cette infraction sont rédigés en termes « très généraux » ou parfois, « ne sont pas punissables en eux-mêmes ».
Manque de précision, manque de clarté
Le délit d’entreprise terroriste repose sur une série de faits cumulatifs menée « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective » avec pour objectif « de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».
L’infraction sera alors caractérisée si un individu recherche, se procure ou fabrique « des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui » et dans le même temps, par exemple « consulte habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ». Ou bien, autre condition alternative, l’individu va recueillir des renseignements « sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes », etc.
Or, pour la Cour de cassation, ces éléments parfois purement matériels « sont susceptibles de ne pas caractériser avec une précision et une clarté suffisantes, sans équivoque, des actes de préparation d’un passage à l’acte terroriste ».
Autre reproche : « en faisant dépendre l’incrimination de comportements non directement attentatoires à l’intégrité des personnes en relation immédiate avec la commission d’un acte de terrorisme, d’une intention supposée d’un individu isolé de commettre un tel acte », l’article 421-2-6 pourrait ne pas satisfaire à l’exigence constitutionnelle de clarté, de prévisibilité, de nécessité et de proportionnalité de la loi pénale. En clair, le problème tient à ce que c’est de l’accumulation de plusieurs éléments matériels qu’on en déduit une intention « terroriste ».
Cette décision attendue dans trois mois est cruciale, car elle pourrait déboucher, un jour prochain, sur une meilleure définition du terrorisme en France, laquelle sert de pivot à de nombreuses autres infractions.
Une problématique déjà soulignée devant les juridictions du fond
En amont d’une QPC visant le délit de consultation de sites terroristes, justement, la problématique avait été déjà résumée récemment par le tribunal correctionnel d’Angers : « La définition française du terrorisme, prévue par les dispositions de l’article 421 - 1 du Code pénal, ne définit pas d'infractions spécifiques caractérisant les activités terroristes, mais renvoie aux infractions déjà définies par le Code pénal ou par des lois spéciales, lorsque ces infractions "sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur" ».
Dans ce dossier, l’avocat du prévenu avait alors épinglé qu’un tel concept puisse « permettre, en fonction des alternances politiques et des évolutions sociales, d’élargir la poursuite à la consultation habituelle de services de communication liés à des groupes contestataires ou à de simples opposants politiques, piliers de tout système démocratique fondé sur l’État de droit ».
Le délit d’entreprise individuelle terroriste devant le Conseil constitutionnel
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Manque de précision, manque de clarté
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Une problématique déjà soulignée devant les juridictions du fond
Commentaires (32)
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Abonnez-vousLe 31/01/2017 à 09h22
Au final, on en revient toujours au même problème : la définition de l’ordre public.
Prétendre que le terrorisme est une entreprise ayant pour but de gravement troubler l’ordre public n’a aucun sens, car on peut mettre tout et n’importe quoi dans le trouble à l’ordre public.
Un journal qui publie les malversations d’un candidat à la présidentielle, c’est un trouble à l’ordre public.
Une manifestation dans la rue, c’est un trouble à l’ordre public.
Un djeun’s qui écoute de la musique avec son casque trop fort, c’est toujours un trouble à l’ordre public.
Là où avant ce trouble était traité de façon très exceptionnelle, on en vient à caractériser tout et n’importe quoi comme terroriste.
Ces lois sont juridiquement des horreurs qui devraient être supprimées immédiatement.
Malheureusement, on ne pourra pas compter sur le conseil constitutionnel qui est un organe dont les décisions sont politiques.
Le 31/01/2017 à 09h26
Tu m’a grillé, je voulais la faire la blague sur les autoentrepreneurs du terrorisme " />
Le 31/01/2017 à 09h36
Si ca a un sens.
Le terrorisme est un trouble à l’ordre public, ce qui ne veut pas dire que tous les troubles à l’ordre public sont des actes de terrorismes.
Par contre, la définition même de terrorisme est dans la loi. Par contre est-elle correcte et/ou actualisée, ca je ne sais pas trop.
Le 31/01/2017 à 09h47
Bah justement, je suis pas juriste mais j’avais cherché un temps une définition légale du terrorisme et je n’en ai pas trouvé. Le problème c’est que toutes les lois passées récemment ont pour but de lutter contre le terrorisme sans jamais le définir, et sans définition du terme c’est très dangereux parce qu’on y met ce qu’on veut.
Le 31/01/2017 à 09h53
pourtant c’est indiqué dans l’article qui reprend le texte de loi correspondant
(ou alors j’ai mal compris ton intervention)
Le 31/01/2017 à 09h57
Sur le fond et la nécessité de textes clairs, je te rejoins à 100%.
Maintenant, si en tant que privatiste je ne manipule pas la notion souvent, il me semble que les contours de l’ordre public sont quand même pas mal fixés depuis un moment et n’ont rien à voir avec les exemples que tu donnes :
[i]L’ordre public dont son maintien est la finalité de la police administrative, assure le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques et plus récemment le respect de la dignité de la personne humaine.[/i]
Le 31/01/2017 à 10h03
L’ordre public lui est bien définit, c’est la notion de terrorisme qui pose problème.
Le 31/01/2017 à 10h03
Le 31/01/2017 à 10h22
Quand on lit cet article de loi, on comprend mieux ce qui est constaté
par le tribunal correctionnel d’Angers : « La définition française du terrorisme, prévue par les dispositions de l’article 421-1 du Code pénal, ne définit pas d’infractions spécifiques caractérisant les activités terroristes, mais renvoie aux infractions déjà définies par le Code pénal ou par des lois spéciales, lorsque ces infractions “sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur” ».
On définit donc le terrorisme juste par le trouble grave de l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Les autres considérations de l’article sont déjà punies par la loi.
Une manifestation de paysans ou de taxis qui joue souvent sur l’intimidation et détruit ou dégrade des biens et qui trouble gravement l’ordre public est donc du terrorisme !
Le gravement n’est pas très précis et le trouble à l’ordre public est très large.
Le 31/01/2017 à 10h28
Ou simplement une procession religieuse qui parle du péché ou de la fin du monde.
Ils prennent de la place sur la rue donc troublent l’ordre public. S’ils sont nombreux, c’est “grave”
Ils utilisent l’intimidation
Donc c’est bon, les témoins de jéovah et les processions de la fête-Dieu sont des terroristes " />
Nan, sinon tu as largement raison, la définition me paraît sacrément large
Le 31/01/2017 à 10h29
Le 31/01/2017 à 10h40
Devrais être franc, sont terroriste les personnes qui font des actions contre le système établi.
Le 31/01/2017 à 10h49
La définition, je suppose s’établit et s’affine à mesure des jurisprudences. Tout récemment, une cour a statué que saboter les caténaires des TGV n’est pas du terrorisme, près de 10 ans après les faits (affaire Julien Coupat).
Le 31/01/2017 à 11h24
Le 31/01/2017 à 11h42
Le 31/01/2017 à 12h50
Le 31/01/2017 à 09h10
L’erreur de ces petits autoentrepreneurs du terrorisme c’est de ne pas prendre une forme juridique qui les protège.
Un autoentrepreneur est responsable sur ses biens propres, il risque de perdre tout, même sa liberté.
Par exemple si ils se constituaient en EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) ils ne pourraient pas être poursuivis sur leurs biens propres mais uniquement sur le capital de garantie.
Il est très facile de transformer les statuts d’une EURL en SARL quand ils prendront des associés et embaucheront du personnel.
Sans compter les avantages fiscaux : il peuvent récupérer la TVA sur ses achats d’explosifs et de kalachnikov.
Le 31/01/2017 à 13h33
Les deux posts précédents montrent une ignorance totale de la chose juridique ;)
Le 31/01/2017 à 13h39
Le post précédent montre une absence totale d’argumentation ;)
Le 31/01/2017 à 14h36
Le post précédent m’a devancé précédé. " />
Le 31/01/2017 à 14h58
le problème de cette définition c’est qu’une manifestation qui part en couille peut se voir qualifier de terroriste.
Le 31/01/2017 à 15h19
Et pourtant, ça n’arrive jamais. Pourquoi ? Peut-être parce que (ce sont là les suppositions de quelqu’un qui n’est pas juriste) la CGT ou la Manif Pour Tous ne sont pas considérés comme des “entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.”
Le 31/01/2017 à 15h21
Le 31/01/2017 à 15h34
Je ne suis pas juriste non plus donc j’imagine que c’est la jurisprudence qui délimite la définition, du terrorisme, la définition légale elle me semble très large.
Le 31/01/2017 à 16h23
Merci :)
Le 31/01/2017 à 16h40
Ouais, et puis ce genre d’activité c’est considéré comme du service ou de l’artisanat ?
Est-ce que l’exposition de la population aux effets d’un explosif est considéré comme “transformation de matière première” ?
Parce qui si c’est de l’artisanat il ne ne pas oublier de s’inscrire à la chambre des métiers.
Pas clair tout ça, comme d’habitude.
Le 31/01/2017 à 22h16
Avec un argumentaire aussi détaillé, je ne peux que m’incliner.
Bon, par contre, faut faire gaffe, le troll, ça peut aussi rentrer dans cette notion de terrorisme.
Le 01/02/2017 à 07h16
Le 01/02/2017 à 11h40
J’aimerais l’avis d’un vrai juriste, mais il me semble que le terme entreprise dont il est question dans cette loi fait référence à la mise en œuvre de moyens, et pas à l’entreprise au sens “société” du terme, tel qu’on l’utilise dans le langage courant.
Donc un acte de terrorisme, c’est la conjugaison de la mise en œuvre de moyens visant à intentionnellement troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, et d’un crime ou un délit.
Du coup, un simple tag sur un mur peut devenir un acte terroriste, selon le contenu du message taggué : le tag en lui même est un délit de dégradation, le contenu du message est l’entreprise visant à troubler l’ordre public.
Par exemple, tagguer “Peace and love” sur un mur sera constitutif d’un délit, tagguer “Kevin je vais t’exploser la tête” sera constitutif de deux délits (dégradation et menace), Tagguer “je vais tous vous faire sauter demain avec une bombe placée dans le métro” sera un acte de terrorisme. Pourtant, à la base, c’est juste de la peinture sur un mur faite par une seule personne.
Le 01/02/2017 à 11h53
Le 02/02/2017 à 09h13
Le 02/02/2017 à 15h01
Dans ce cas là tu copieras 100 fois la devise de NXI :
« Si tu ne sais pas : demande. Si tu sais : partage ! » " />" />