Depuis la rentrée, le conseil régional d’Île-de-France a entrepris d’offrir des ordinateurs à tous les élèves de seconde. Trois mois après, élèves, parents et professeurs ont raconté à Mediapart le déploiement difficile de cette opération. L’opposition dénonce un coup de communication de Valérie Pécresse, présidente du conseil régional.
Censée « pulvériser la fracture numérique », pour reprendre les termes utilisés par Valérie Pécresse, l'opération a permis la distribution de 150 000 ordinateurs depuis septembre 2019, dont 108 000 depuis la rentrée de septembre, pour un investissement de 116 millions d'euros. Et 70 000 autres devraient être livrés en janvier.
Un échange de courriels, que Mediapart a pu consulter, illustre le sentiment général. Un référent informatique explique en effet qu'il serait « assez partant pour les renvoyer tous en bloc à cause du “bug #1” : ordinateurs bridés ; bios protégé ; OS [système d’exploitation – ndlr] médiocre, payant, non respectueux de la vie privée. On sent que Valérie Pécresse n’a pas lu “Les enfants ne savent pas se servir d’un ordinateur et vous devriez vous en inquiéter” », en référence à un article de blog dans lequel un professeur anglais expose sa vision du numérique à l’école.
Parmi les difficultés, la question de la connexion à Internet revient avec récurrence. Les témoignages recueillis par Mediapart vont quasiment tous dans le même sens. « Les salles sont connectées au réseau Internet du lycée mais celui-ci est sécurisé et les élèves n’y ont pas accès, note un professeur de maths. C’est normal mais il n’y a pas d’alternative. »
Des élèves ont trouvé une parade : ceux qui ont des forfaits avec Internet partagent leur connexion avec quelques-uns de leurs camarades. Ce sont donc les lycéens, ou une partie d’entre eux, qui payent l’accès aux manuels scolaires, ironise Mediapart.
« L’autre souci, c’est que les ordinateurs se déchargent hyper vite, explique une lycéenne. On les utilise pour un ou deux cours et puis ils s’éteignent. » Or, dans les lycées franciliens de 2020, les prises se font rares et l’accès à l’électricité est précieux.
Sur le fond, beaucoup contestent le choix politique qui a été fait d’équiper tous les élèves. « Nous, on pense plutôt que cette politique devrait s’adapter aux besoins, dit Mathieu Devlaminck de l’Union nationale des lycéens (UNL). Une étude que nous avons menée l’an dernier montrait que 25 % des élèves n’avaient pas d’ordinateur personnel. En donner à 100 %, aujourd’hui, un peu à tire-larigot, ce n’est pas une bonne idée. »
L’opposition régionale voit dans le choix de Valérie Pécresse une manœuvre opportune, à quelques mois des élections régionales (prévues mars mais qui devraient être reportées en juin). Quand ils allument leur ordinateur pour la première fois, les élèves voient en effet s’afficher une vidéo de la présidente de Région.
Commentaires