Retrait en une heure des contenus terroristes : le contrôle de l’Arcom limité aux hébergeurs en France
Le 09 février 2022 à 09h01
2 min
Droit
Droit
Le règlement de l’UE relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne oblige les acteurs du Net à retirer ces données dans un délai d’une heure.
Le groupe LREM à l’Assemblée nationale a déposé une proposition de loi pour adapter notre droit à ce nouveau cadre.
Elle sera examinée aujourd’hui et le 16 février en commission des lois. Déjà la France Insoumise a déposé un amendement de suppression considérant que cette proposition « reprend d'une manière détournée les dispositions de la loi Avia censurée par le Conseil constitutionnel ». Des critiques partagées par la Quadrature du net.
La loi Avia avait en effet envisagé un tel retrait en une heure, mais le texte fut censuré en raison de multiples atteintes aux droits fondamentaux.
La rapporteure LREM Aude Bono-Vandorme veut préciser que la procédure de retrait en France, chapeautée par l’Arcom, ne concernera que les acteurs du Net ayant leur établissement « principal » dans notre pays.
En l’état, l’Arcom ne pourra mettre en demeure un hébergeur « qu’en cas de manquement systématique ou persistant à des obligations administratives puis, en cas de réitération du même manquement, le sanctionner ».
La même rapporteure a déposé un autre amendement pour retirer la condition tenant au « non-respect systématique ou persistant ». Une manière de laisser plus de marge pour l’autorité de régulation, même s’agissant de manquements ponctuels.
De leur côté, les élus RN souhaitent accentuer les sanctions en cas de défaut de retrait dans l’heure, pour les faire passer d’un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende, à deux ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende.
Le 09 février 2022 à 09h01
Commentaires (21)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 09/02/2022 à 09h20
Ils se sont faits censurer une première fois, mais retentent exactement la même chose…
Effectuer toujours la même action pour en espérer un résultat différent, ce n’est pas un symptôme de la folie?
Le 09/02/2022 à 09h23
Le 09/02/2022 à 09h30
Donc exit les Twitter, Facebook et autres plateformes de ce genre… Ou comment vider de sa substance toute une loi
Je ne saurais dire si c’est un coup de génie (elle est contre et veut simplement rendre la loi inutile) ou si c’est réellement ce qu’elle souhaite, .
Le 09/02/2022 à 10h59
Hello, je ne suis pas totalement d’accord, je pense que c’est beaucoup plus subtil et que c’est pour cela que ça revient ssystématiquement sur la table (d’ailleurs, après le tollé de la loi Avia, qui se sent outré de l’Arcom aujourd’hui ?).
Ce que je vais dire est purement philosophique : qu’est-ce qui est considéré comme contenu terroriste ? selon le point de vue, est-ce que Che Guevara était considéré comme révolutionnaire ou terroriste ? est-ce que les Ouïghours sont des terroristes ?
À mon avis, le réel objectif de ce genre de loi est d’arriver petit à petit à faire ce qu’on peut voir en Chine : peuple pas malheureux si on va toujours dans le sens des décisions politiques. Google, Facebook, Twitter ou un autre dans le monde peuvent critiquer certains aspects du pays, mais au final, c’est filtré ou pas ? les chinois ne sont-ils pas tous heureux avec le nouvel an et les J.O. aujourd’hui ? la presse occidentale encense-t-elle autant ces J.O. que si c’était à Londres ou Salt Lake City ?
Tout ça pour dire que je pense que c’est plus subtil qu’un simple blocage d’un site CHATON comme ça a été dit plus haut.
Le 09/02/2022 à 10h06
Je ne vois pas pourquoi on ne les laisse pas passer cette loi de toutes manières s’ils n’ont pas compris qu’il n’y a aucun acteurs du Net ayant leur établissement « principal » dans notre pays autant les laisser faire. Cette loi ne concernera personne quelle perte de temps !
Le 09/02/2022 à 10h13
Donc on va INpacter les petits hébergeurs français (par exemple les CHATONS), qui n’ont pas les moyens pour faire un retrait dans l’heure, mais on laisse tranquilles les gros, Twitter Youtube et compagnie
La proposition RN est lunaire…. Autant demander leur fermeture pure et simple.
Le 09/02/2022 à 10h14
Mais non… Il y aura bien un hébergeur français qui finira par se faire taper sur le bec et ça sera un argument de plus pour ne pas héberger en France.
Bref un clou de plus sur le cercueil du numérique souverain et peu de chance que ça contrarie le moindre projet terroriste, de la politique efficace en somme.
Le 09/02/2022 à 10h26
Contrôler le nombre de poils du pinceau revient moins cher que de contrôler l’escabeau dont l’usage t’échappe. Le résultat final confirme l’état de l’arrhe(s), c’est essentiel.
Le 09/02/2022 à 11h06
J’ai assez peur des conséquences constitutionnelles.
Soit le CC censure et ça risque de partir en conflit, peut-être pas « à la polonaise » mais quand même
Soit il se défausse lâchement avec un « non lieu à statuer », la liberté d’expression n’est pas un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France et ça envoie un message désastreux sur le respect de l’état de droit
Le 09/02/2022 à 12h36
Je sais que tu n’aimes pas le Conseil Constitutionnel, mais tu oublies que :
cette loi n’est là que pour préciser les conditions d’application du règlement européen. Voir mon commentaire précédent pour plus de détails. Le CC n’est donc pas compétent pour se prononcer sur le retrait en une heure qui n’est pas écrit dans cette proposition de loi mais dans le règlement.
Le règlement ne concerne que le contenu à caractère terroriste (qui y est défini). La liberté d’expression, droit constitutionnel est encadrée par la loi. On n’est pas dans le cadre de la loi AVIA qui voulait supprimer en 1 heure beaucoup plus de choses. Le CC ne peut se prononcer que sur sanctions pouvant être prononcées et les juger disproportionnées par rapport à la liberté d’expression, mais comme il y a plein de critères (repris du règlement) à suivre pour prononcer une peine dissuasive mais proportionnée, il y a peu de risque qu’il censure.
Le 09/02/2022 à 12h04
Tu peux développer ?
Je ne vois pas trop ce que vient faire l’état de droit ici. La liberté d’expression n’est pas absolue.
C’est parce qu’on laisse un tiers décider du caractère terroriste ? Tiers qui ont toujours pratiqué une censure du contenu manifestement illégal. Après il reste le domaine gris où l’illégalité est difficile à (pré)juger.
Le 09/02/2022 à 12h37
En gros ce texte est quasiment la même chose que la loi Avia qui a été censurée par le conseil constitutionnel en 2020. Ce n’était même pas caché, d’ailleurs, e passer par l’Europe.
Maintenant j’imagine que le texte va repasser devant le conseil constitutionnel. S’il y a censure, il y a un risque d’y avoir conflit entre le droit interne et le droit européen. Même si l’ordre de grandeur est totalement différent, c’est un peu ce que connaît la Pologne.
Si le conseil constitutionnel ne censure pas parce que c’est l’Europe (exemple pour une QPC récente : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2021966QPC.htm ) c’est désastreux pour la crédibilité. Chat perché, c’est l’Europe, on contourne la constitution
Le 09/02/2022 à 12h24
La rapporteure LREM Aude Bono-Vandorme veut préciser que la procédure de retrait en France, chapeautée par l’Arcom, ne concernera que les acteurs du Net ayant leur établissement « principal » dans notre pays.
C’est faux ou mal exprimé.
La procédure de retrait est définie par l’article 3 du règlement et l’article 4 précise comment l’article 3 s’applique pour les injonctions de retrait transfrontalières.
L’amendement cité ajoute le mot “principal” à l’alinéa 12 qui précise que l’ARCOM “veille, dans les conditions prévues au présent article, au respect, par les fournisseurs de services d’hébergement qui ont leur établissement ou représentant légal en France, des dispositions du règlement (UE) 2021⁄784 du 29 avril 2021.”
Les aliénas suivant précisent ce qu’elle peut faire, en particulier mettre en demeure ou sanctionner.
Ce n’est donc que pour la mise en demeure ou les sanctions que l’ARCOM n’est compétente que pour les fournisseurs de service d’hébergement établis en France à titre principal.
Et pour ceux qui disent que ça ne concerne personne, ils oublient probablement les hébergeurs français : OVHCloud, Scaleway et autres.
Je rappelle aussi qu’un règlement européen est directement applicable (comme le RGPD), ce n’est pas une directive.
Cette proposition de loi ne fait que préciser pour la France comment ce règlement est applicable en précisant le rôle de chacun (par exemple, l’ARCOM ou le tribunal administratif) comme prévu par l’article 12 du règlement.
Le 09/02/2022 à 12h45
Les terroristes français sur les serveurs français seront poursuivis par les autorités françaises !
Votez Maniric Dumour-Lepaignan !
Le 09/02/2022 à 14h19
Si on veut être un minimum cohérent, il faudrait mettre la Justice dans la boucle
Manifestement illicite => retrait (avec possibilité de contestation) => contestation => API Ministère Justice
Pas manifestement illicite => API au ministère de la Justice. Merci de nous examiner ça en référé sous un délai d’une heure et de nous communiquer votre décision
Bon, si on considère qu’il a fallu 4 ans pour juger que la publication des photos de Daesh sur twitter par MLP ne relevait pas de l’incitation au terrorisme, il va falloir embaucher.
Le 09/02/2022 à 15h52
La justice (administrative) est dans la boucle : les hébergeurs peuvent contester.
Quand j’ai vu que les députés RN faisaient de la surenchère, j’ai tout de suite pensé au cas de MLP que tu cites. Ils ont la mémoire courte !
Et ce cas, c’était assez évident que ce n’était pas manifestement illicite et pour moi, c’était même évident que ce n’était pas de l’incitation au terrorisme vu ce qu’elle disait (“le terrorisme, c’est ça” (ou approchant)).
Le 09/02/2022 à 17h34
Je ne sais pas s’ils ont la mémoire courte. Je pense qu’ils comptaient plutôt sur le bon sens.
Bon sens qui voudrait que cette publication n’entre pas dans le cadre de la proposition de loi :
Il était manifeste que ça n’était pas une incitation au terrorisme (donc pas concerné par la proposition)
Même en admettant que c’était litigieux (comme certains ont affecté de croire), c’était à la Justice de trancher. Donc (logiquement) la publication serait restée jusqu’à ce qu’on statue sur son sort (possiblement en référé)
Donc, dans ce cas pas d’atteinte à la liberté d’expression. Sauf si on considère qu’en référé, la Justice demande la suppression le temps de l’examen et que cet examen prenne finalement plus de 4 ans (!) pour finalement déjuger le référé.
En même temps, peut-on considérer que ta “liberté d’expression” est remise en cause si ton article fait l’objet d’un examen par la Justice ? On peut juste déplorer la lenteur de la Justice. Et éventuellement l’instrumentalisation qui pourrait en être faite.
Le 09/02/2022 à 19h05
Merci , c’est un ptit peu ce que je pensais sans arriver à le formuler.
Il y a aussi le fait que les élections approchent, et que si Jupiter est re-élu, il serait de bon ton d’être dans la surenchère sécuritaire, justement.
(Car effectivement , la technique du pieds dans la porte est bien visible :
Il faut vraiment lire https://www.livredepoche.com/livre/quand-les-lumieres-seteignent-9782253169314 pour voir comment une société peux glisser. Ca se fait jamais en 15 jours.
Le 09/02/2022 à 19h23
Il faut arrêter le complotisme !
Si cette proposition de loi arrive maintenant, c’est parce que le règlement européen (qui date du 29avril 2021) doit s’appliquer le 7 juin 2022. Rien à voir avec les élections françaises !
Et pour étendre le règlement (pas la loi) à autre chose que la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, il faudrait repasser par le Parlement Européen. Il y a peu de risque que ça passe. Et si tu veux savoir ce qui est amené à être bloqué, c’est décrit précisément dans le règlement que tu n’as probablement pas lu.
Le 09/02/2022 à 20h59
Il ne faut pas prendre pour du complotisme ce qui n’est que de l’opportunisme.
Cette loi aurait pu attendre après les élections sans préjudices, surtout après les déboires.
Et ben ne t’en déplaise, je l’ai lu, et j’ai surtout lu l’article 3 de la 2017⁄541 dont il est fait mention partout.
Et bien je suis désolé, mais outre le fait que crois nos institutions totalement capable d’avoir une interprétation très large de ces “infractions” dont la seule manière de la contester sera d’amener le fait devant un tribunal EU 5 ans après les faits , déjà en tant que telles ces certaines de ces dispositions peuvent en l’état s’appliquer telle quelle a des actions contestataires pacifiques telles que du fauchage, sittings, invasions de lieux, defacing de site web. Y compris si ces actes ne sont pas suivis d’effets, et même si ils n’ont jamais été envisagé effectivement (point j).
(Au passage je me demande même si les actions de certaines forces de police en 2019 ne pourraient pas, par leur nature même, être qualifié de terroristes par ce texte, notamment les points a et b , et par opposition les agissements de certains manifestant sur les points d, h).
Mais tout ça n’a que peu d’importance, car les affaires intérieures n’ont quasi-aucune chance de remonter jusqu’au point où ce texte serait exploité par la défense des mis en cause, ou alors sur des temps et des coûts d’avocat disproportionnés.
(Les gilets jaunes m’ont au moins démontré cela: On peut dire ou écrire ce que l’on veux, il n’y a pas d’équité lorsque les citoyens cherchent à remettre en cause ou peser sur l’ordre établi - je parle ici pour la “justice” en général et pas spécifiquement sur le terrorisme).
Il faudra effetivement voir comment cette implémentation française de la directive européenne est mise en oeuvre. Comme beaucoup de lois récentes il y a des chances qu’elle ne soit pas utilisé pendant longtemps, sauf si le gouvernement lui-même en prends l’initiative à court terme.
Le 10/02/2022 à 12h02
Merci pour la description détaillée, ainsi que la référence à l’article 2017⁄541.
J’ajoute qu’il est triste de crier au complotisme à tord et à travers, les documentaires grands publics (Arte, Planète, France TV, etc.) montrent bien qu’en politique les manipulations d’opinions sont monnaies courantes (pour ne pas dire le “socle” sur lequel elle repose), et ne datent pas seulement aujourd’hui.
Parler de complotisme pour les aliens, je veux bien, mais s’il est bon de savoir lire les lignes de pavés juridiques comme celui-ci ou savoir les réciter par cœur, savoir lire entre-elles me parait fondamental pour bien prendre du recul et se poser les bonnes questions. Réciter c’est bien, comprendre c’est mieux.