La dématérialisation de la propagande électorale au programme de la réforme constitutionnelle
Le juste pli
Le 24 mai 2018 à 09h36
4 min
Droit
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Véritable serpent de mer, la dématérialisation de la propagande électorale fait son retour dans le projet de loi de réforme constitutionnelle, présenté hier en Conseil des ministres. La mesure ne vise cependant que les futurs députés qui seront élus à la proportionnelle.
Après avoir renoncé fin 2017 à mettre un terme à l’envoi postal des traditionnelles professions de foi et bulletins de vote pour la plupart des scrutins (élections législatives, sénatoriales, européennes, municipales,...), le gouvernement revient à la charge.
L’exécutif opte cette fois-ci pour une méthode beaucoup plus douce, puisque cette dématérialisation de la propagande électorale ne concernerait que les circulaires des candidats se présentant dans le cadre du nouveau scrutin de liste national, en 2022.
Des circulaires mises en ligne et affichées en mairie
En complément au projet de loi constitutionnelle présenté il y a deux semaines, le gouvernement a dévoilé mercredi 23 mai les deux projets de loi (organique et ordinaire) qui constitueront le socle de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron. Si ces textes étaient adoptés en l’état, 15 % des députés (soit 61 parlementaires) seraient à l’avenir élus à la proportionnelle. L’on passerait ainsi d’un scrutin majoritaire à un scrutin mixte.
« Les électeurs disposeront de deux bulletins (déposés dans deux urnes différentes), l’un pour le député de circonscription, l’autre pour une liste nationale », anticipe déjà le ministère de l’Intérieur.
Au programme également : une adaptation des modalités de la propagande électorale à ce nouveau mode de scrutin. « Les professions de foi des listes seront dématérialisées, mais resteront consultables en mairie par voie d’affichage », a ainsi annoncé l’exécutif à l’issue du Conseil des ministres.
Mise en œuvre prévue pour 2022
Si l’on se penche sur le projet de loi ordinaire, on apprend qu’une « commission chargée de vérifier la régularité des bulletins de vote » sera instituée, afin d’assurer notamment « la mise en ligne des circulaires des listes de candidats sur un site Internet désigné par arrêté du ministre de l’Intérieur ».
Les mairies se verront de leurs côtés chargées d’imprimer puis d’afficher en extérieur ces fameuses professions de foi « et, le cas échéant, [de mettre] une version électronique de ces documents à la disposition du public dans la mairie ».
Afin de pouvoir bénéficier d’une telle « exposition numérique » (de même que d’un temps d’antenne et de panneaux d’affichage), les listes devront être soutenues par des candidats dans au moins 44 circonscriptions différentes.
« Pas d’obstacle constitutionnel » à la réforme, selon le Conseil d’État
Sans surprise, le Conseil d’État a considéré – comme l’année dernière – qu’il n’existait « pas d’obstacle constitutionnel à ce que cette partie de la propagande soit dématérialisée ». L’institution estime qu’au regard « de l’état actuel des moyens de communication » et « du maintien d’une possibilité physique d’accéder à ces documents », la réforme proposée « ne porte atteinte ni à l’égalité entre électeurs, ni à la sincérité des scrutins ».
La juridiction insiste au passage sur le fait que les circulaires « devront être affichées à l’extérieur des mairies, ce qui assurera leur accessibilité indépendamment des horaires d’ouverture des services administratifs ».
Assez curieusement, l’étude d’impact du gouvernement ne chiffre pas les économies à attendre d’une telle réforme. Ce sont pourtant bien les motivations budgétaires qui ont poussé Bercy à pousser de manière récurrente ces dernières années pour une dématérialisation de la propagande électorale. Les économies attendues avaient dernièrement été estimées à 414,3 millions d’euros « sur la période 2018 - 2022 » (ce qui incluait visiblement toutes les élections, dont les présidentielles et législatives).
Restera maintenant à voir comment ces dispositions seront accueillies par les parlementaires. L'Assemblée comme le Sénat ont toujours catégoriquement rejeté cette dématérialisation lors de la précédente législature, notamment par crainte d'une montée de l'abstention. Il faudra toutefois attendre « l'automne » pour que les projets de loi ordinaire et organique soient examinés par les députés, a précisé hier la ministre de la Justice.
La dématérialisation de la propagande électorale au programme de la réforme constitutionnelle
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Des circulaires mises en ligne et affichées en mairie
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Mise en œuvre prévue pour 2022
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« Pas d’obstacle constitutionnel » à la réforme, selon le Conseil d’État
Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 24/05/2018 à 12h25
Perso la propagande politique papier…. A pars être utilisée pour allumer un barbecue … Ça me fera ni chaud ni froid de la voir disparaître.
Le 24/05/2018 à 13h25
Le 24/05/2018 à 13h46
Le 24/05/2018 à 18h49
Le 24/05/2018 à 21h46
Enfin, si on veut vraiment faire des économies sans réduire l’information politique aux diffusions des privilégiés dans les mass-media, mieux vaut parler du bulletin unique (http://bulletinunique.org/ )
Le 25/05/2018 à 07h18
Le mieux serait surtout qu’il y ait une plateforme électorale centralisée où chaque parti publie ses intentions avec historisation des modifications dans les documents à laquelle tout un chacun pourrait se référer et qui regrouperait également la liste des maires signataires pour les candidatures, les budgets de campagne justificatifs et remboursements afférents, les effectifs revendiqués de chaque boutique ainsi que leur contact pour les gens qui cherchent à copiner avec un chef quelconque.
Le mail c’est pas fiable et pas pratique.
Le 24/05/2018 à 09h51
Pourquoi ne pas faire d’opt-in. Les courriers sont envoyés aux domiciles des personnes inscrites sur les listes électorales. Il serait tout à fait possible de demander aux personnes qui le souhaitent de faire une demande d’inscription pour les recevoir par mail ou bien de le proposer lors de l’inscription suite à un déménagement par exemple.
Et j’aime bien ces millions qu’on nous balance à la gueule : 1,27€ par an et par français ! A elle seule l’élection présidentielle coûte entre 3 et 3,5€ par français…
Le 24/05/2018 à 10h01
« Les électeurs disposeront de deux bulletins (déposés dans deux
Pour l’opt-in, ça risque de ne pas dépasser quelques % de volontaires : la plupart des gens s’en foutent (déjà qu’1 sur 2 ne vote pas), ou ne voudront pas filter leur e-mail pour cela. C’est le meilleur moyen pour que rien ne bouge, et que l’idée soit abandonnée, faute de participants.
Le 24/05/2018 à 10h03
Le 24/05/2018 à 10h04
Oui, ça fait 10 ans qu’on en parle… En attendant il est toujours d’actualité, malgré les rengaines à l’approche de chaque élection…
Le 24/05/2018 à 10h06
La dématérialisation est effectivement dans l’air du temps, mais il ne s’agit pas d’agir par dogmatisme non plus, ou en profiter pour mettre cela dans le panier d’une opération de communication plus globale (cf. “La start-up nation”)
La numérisation n’est pas forcément la panacée, surtout si elle mal pilotée. Il suffit de voir le foutoir innommable encore en cours avec les cartes grises : on est passé d’1⁄2 journée de queue en préfecture plus quelques jours d’attente pour recevoir le carte, à une démarche en ligne “immédiate”, mais des mois d’attente pour avoir le précieux sésame.
Le 24/05/2018 à 10h26
Cette réforme de l’Assemblée nationale est une rigolade : on fait exactement la même erreur démocratique que celle des élections locales en incorporant une “dose” (homéopathique) de proportionnelle dans une élection qu’on souhaite irrévocablement garder au mode de scrutin majoritaire. Comme si conférer 5% ou 10% de députés en plus aux partis d’opposition était une mesure positive (on appelle plutôt ça, diviser l’opposition pour mieux régner). Autant garder la simplicité du scrutin actuel, plutôt que de faire un gloubi-boulga électoral pour rien.
Cas pratique : le président est fraîchement élu. On sait déjà que le scrutin législatif majoritaire et le scrutin à 15% de proportionnelle seront favorable au Président.
Dans ce contexte générique, prenons l’hypothèse que le parti politique du président de la république remporte 20% des voix au 1er tour des législatives par circonscription (scrutin majoritaire) et 20% des voix au scrutin par liste nationale (à la proportionnelle), les 3 (simple hypothèse) autres partis obtienant 15% 10% et 5%.
Résultats de cette dose homéopathique de scrutin à la proportionnelle : le parti du président de la république ajoute à sa majorité ordinaire, 20% des 15% des sièges réserves aux élus à la proportionelle. Ce qui renforce sa majorité tout en donnant quelques sièges supplémentaires à des micro-partis politiques qui auront (peut-être) la chance de pouvoir constituer un groupe parlementaire qui ne servira qu’à blablater pendant le temps de parole ridicule que le réglement de l’Assemblée nationale leur accordera.
Le 24/05/2018 à 10h36
Désolé pour les erreurs de frappe dans mon commentaire précédent.
Le 24/05/2018 à 12h15
C’est amusant parce que j’ai reçu la propagande électorale de Sarkozy par mail avant le mandat pour lequel il a été élu.
Le 24/05/2018 à 12h15
La censure médiatique du CSA ne suffit plus : il faut maintenant empêcher la propagande des eurosceptiques d’atteindre les français dans leur boîte aux lettres.
Le 24/05/2018 à 12h22
C’est pas la sincérité des scrutin qui pose problème, mais celle des élus " />
Concernant les économies, gageons que ces sommes ne seront en réalité pas économisées mais seront reversées aux différents parties en fonction de leurs “résultats”.
Par contre, suite à une telle décision, il n’est pas exclu que le manque à gagner des imprimeries soit compensée par une sorte de taxe sur le papier vierge et qu’une commission chargée de surveiller les photocopieuses soit instaurée sur les fonds publics…