Faute de mise en ligne, circulaires et instructions menacées d’abrogation
Économie (de) circulaires
Le 08 janvier 2019 à 08h47
5 min
Droit
Droit
Dorénavant, toute instruction et circulaire n’ayant pas été mise en ligne dans les quatre mois suivant sa signature sera « réputée abrogée ». Quant aux textes diffusés mais erronés, ils pourront, sauf exception, devenir opposables à l’administration.
Voilà qui pourrait inciter les administrations à rendre le droit plus accessible aux citoyens. En vertu d’un décret d’application de la récente loi sur le « droit à l’erreur », paru fin novembre au Journal officiel, toutes les « instructions » et « circulaires » doivent dorénavant être diffusées sur Internet – faute de quoi, « leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés ».
Menace d'abrogation automatique au bout de quatre mois
Cette obligation était en réalité déjà applicable depuis 2009 pour les circulaires et instructions ministérielles. Le Conseil d’État a d’ailleurs eu l’occasion de le rappeler au ministère de l'Intérieur il y a tout juste un an : en l'absence de publication, le texte concerné demeure inapplicable.
La véritable nouveauté réside dans le fait qu’en l’absence de diffusion sur Internet « dans un délai de quatre mois à compter de leur signature », toute circulaire ou instruction (même non ministérielle) sera dorénavant « réputée abrogée ». Ce qui aura des conséquences plus lourdes qu'une simple inapplicabilité pour les administrations concernées : celles-ci devront notamment relancer le processus de validation du texte en question si elles souhaitent qu'il produise des effets.
Bien qu’entré en vigueur le 1er janvier 2019, ce décret s’applique à l’ensemble des circulaires et instructions (y compris à celles antérieures à la réforme). Celles « signées avant cette date sont réputées abrogées au 1er mai 2019 si elles n'ont pas, à cette dernière date, été publiées », est-il d'ailleurs précisé.
Des textes éparpillés sur différents sites officiels
Mais où doit-on se rendre pour trouver ces fameuses instructions et circulaires ? C’est là que l’affaire se corse... Il n’existe pas de site regroupant tous ces textes.
Pour les circulaires et instructions « adressées par les ministres aux services et établissements de l'État », la publication doit se faire sur « circulaires.legifrance.gouv.fr ». Il n’en va cependant pas de même pour des textes émanant de collectivités territoriales ou d’administrations de type Pôle emploi, comme le reconnait implicitement la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des finances :
« Désormais, en application de l’article R. 312 - 7 du CPRA, l’ensemble des instructions et circulaires qui n’ont pas été publiées sur les supports prévus aux actuels articles R. 312 - 4 (recueils des actes administratifs pour les services déconcentrés de l’État), R. 312 - 5 (bulletin officiel ou registre pour les collectivités territoriales), R. 312 - 6 (bulletin officiel ou registre établissements publics et autres personnes morales), R. 312 - 8 (circulaires.gouv.fr pour l’État) et au nouvel article D. 312 - 11 (sites dédiés [voir détail ci-dessous, ndlr]) sont réputées abrogées. »
Bercy indique néanmoins que le décret « simplifie le régime de publication des circulaires ministérielles », puisqu’il vient « supprimer la règle de la double publication au bulletin officiel et sur « circulaires.legifrance.gouv.fr » qui existait avant [sa] publication ».
Qu’elles émanent d’un ministre ou non, toutes les circulaires et instructions devront être accessibles via un site indiquant « la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site ».
Des interprétations potentiellement opposables à l'administration
Les internautes ont par ailleurs vocation à être informés d’une des nouveautés introduites par la loi sur le « droit à l’erreur ». La mention suivante devra en effet être intégrée, afin d’informer les citoyens que ces circulaires et instructions peuvent désormais être opposables à l’administration :
« Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. »
Le gouvernement souhaitait qu’en complément au « droit à l’erreur », les individus ou entreprises qui se soient conformés de bonne foi à des interprétations juridiques ne puissent faire l’objet « d’aucune sanction » ni de la part de l’administration, « ni à la demande de celle-ci à raison de faits ou de comportements que ces instructions et interprétations autorisaient expressément ». Un régime qui rappelle celui existant en droit fiscal.
Comme l’explique Bercy, les administrés pourront se prévaloir de ces textes, « même lorsqu’ils sont illégaux ». Et ce à condition toutefois de ne pas entrer dans le cadre des réserves évoquées précédemment.
Faute de mise en ligne, circulaires et instructions menacées d’abrogation
-
Menace d'abrogation automatique au bout de quatre mois
-
Des textes éparpillés sur différents sites officiels
-
Des interprétations potentiellement opposables à l'administration
Commentaires (18)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 08/01/2019 à 09h08
Serait ce la fin du Journal Officiel ?
Le 08/01/2019 à 09h17
Oula, ça va en changer des choses, surtout avec les circulaires URSSAF qui sont souvent impossibles à trouver.
Le 08/01/2019 à 10h37
Il n’est déjà plus sur papier depuis le 1er janvier 2016.
Légifrance est le site sur lequel on retrouve les lois.
Le 08/01/2019 à 12h01
Il y a que moi que ça choque qu’il n’y ai qu’un seul site en https sur leur listing?" />
Le 08/01/2019 à 12h07
Intéressant, reste à voir sur qui la charge de la preuve reposera: la logique serait sur l’administration, car à l’inverse le Justiciable se retrouve à devoir produire une preuve négative (probatio diabolica), chose par définition délicate surtout si le site où on sait que la circulaire devrait être n’est pas clairement identifié (et faire établir par constat d’huissier l’absence de publication sur toutes les pages d’un site voire de plusieurs, est économiquement inenvisageable).
Le 08/01/2019 à 12h30
Ne connaissant pas le milieu, j’ai du mal à visualiser ce qui peut faire que la plublication d’un texte soit si longue.
Parle t-on de texte de loi, votés ? Cela signifie t-il que des textes débattus et votés n’entrent jamais en application ? Si c’est bien de cela que l’on parle, je tombe de haut :-p
Le 08/01/2019 à 12h43
Oui.
Le 08/01/2019 à 12h57
Le 08/01/2019 à 14h14
Une loi votée et non complétée par un décret d’application ne sert pas à grand chose. Elle permet tout juste aux députés et/ou membres du gouvernement de passer dans les journaux pour dire que c’est une grande avancée, mais c’est tout.
Le 08/01/2019 à 15h11
il serait plus sage de dire : il n’y a qu’une url complète indiquant le https.
Par exemple diplomatie.gouv.fr est en https.
Le 08/01/2019 à 15h17
Ou bien, si on veut taper sur quelqu’un d’autre que le fonctionnaire pour changer, l’absence de volonté politique de rendre disponible la réglementation (qui se traduit concrètement par l’absence de moyens pour faire cette tâche), voire dans certains cas la volonté politique non assumée de rendre inaccessible la réglementation pour en entraver le plus possible le respect.
Bon ok, je tape sur le politique, c’est pas plus glorieux que taper sur le fonctionnaire.
Le 08/01/2019 à 15h17
Y’a pas un site type ‘ gouvernement-français.fr ’ qui regrouperais tous les trucs de l’état ? .
Plus la caf, L’ANPE etc…. , parce-que tout ça c’est bien chiant, 20 trucs différents c’est pas tjrs facile a retenir.
Le 08/01/2019 à 15h32
Oui enfin, là, c’est pas du fonctionnaire dont je parle, mais du haut-fonctionnaire.
Les différences avec le fonctionnaire classique sont que le haut-fonctionnaire est beaucoup (beaucoup, beaucoup) plus payé, et qu’il est une caricature du fonctionnaire dans ce qu’il y a de pire.
Et c’est aussi une caricature du parisianiste dans ce qu’il y a de pire (attablé à la terrasse du café dès 16h30 à la sortie du boulot au bord d’une avenue polluée, embouteillée et klaxonnante à l’envi)
Après, entre ce haut-fonctionnaire et le politique d’un ministère, on ne sait pas vraiment qui est chargé de faire publier ces décrets, chacun se tirant la bourre pour éviter de prendre la moindre responsabilité…
Ça parait cliché, mais pour avoir connu des gars bossant dans un ministère (éducation), on comprend assez vite l’état de déliquescence de nos institutions.
Le 08/01/2019 à 16h14
Le 08/01/2019 à 16h15
Le 08/01/2019 à 17h38
Je comprends mieux. Thx !
Merci aussi Dedrak :)
Le 08/01/2019 à 17h59
Mouais. Il y en a toujours des comme ça, mais je doute que ce soit la majorité.
En tout cas dans le ministère où j’ai travaillé, j’ai vu plus de hauts fonctionnaires bourreaux de travail que glandeurs (on ne devient pas haut fonctionnaire pas hasard non plus, les concours pour l’être on tendance à sélectionner les gens qui aiment travailler).
Le 09/01/2019 à 04h30
Tiens il y a de fausses circulaires sur les réseaux sociaux:
Le Monde
Avec cette mesure de bon sens l’État prend sa responsabilité, charge à lui detravailler dans les délais.