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Plateformes : le Conseil constitutionnel censure la présomption de « non-subordination »

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Plateformes : le Conseil constitutionnel censure la présomption de « non-subordination »

Le 30 décembre 2019 à 13h44

Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du projet de loi Mobilités qui visaient à introduire une présomption de « non-subordination » au profit des plateformes de VTC et de livraison recourant à des chartes. Une « bonne nouvelle » pour le Conseil national du numérique.

C’est un sérieux revers pour la majorité. Et une mauvaise nouvelle pour les grandes plateformes (Uber, Deliveroo...), menacées par de nombreuses décisions assimilant certains des travailleurs auxquels elles recourent à des salariés.

Afin d’encourager les plateformes « à prendre des engagements pour améliorer les conditions de travail des conducteurs VTC ou des livreurs », sans que celles-ci n’aient à craindre de requalification du contrat en salariat, le législateur a souhaité que celles-ci puissent instaurer des chartes déterminant notamment les modalités d’exercice de leur « responsabilité sociale ».

Le principe des chartes confirmé par les « Sages »

Ces documents, pris sur la seule base du volontariat, pourront (entre autres) préciser :

  • Les « conditions d’exercice » des travailleurs, telles que les « règles » gouvernant la mise en relation avec les utilisateurs.
  • Les mesures « visant à permettre aux travailleurs d'obtenir un prix décent pour leur prestation de services »
  • Les éventuelles « garanties de protection sociale complémentaire négociées par la plateforme », et dont les travailleurs peuvent bénéficier.
  • Les modalités selon lesquelles les travailleurs sont informés de tout changement relatif aux conditions d’exercice de leur activité professionnelle.

Particularité du dispositif ? Le projet de loi prévoyait qu’une fois homologués par l’administration, les engagements pris par les plateformes ne puissent « caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs ». Tout litige aurait ainsi relevé de la compétence du tribunal de grande instance, non du conseil de prud’hommes.

Cette réforme, qui inquiétait le Conseil national du numérique, a également provoqué des remous sur les bancs de l'opposition, notamment au PS et au groupe LFI, qui l’ont donc déférée auprès du Conseil constitutionnel à l’issue de la navette parlementaire.

Les élus de gauche dénonçaient notamment une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, le texte « limitant les éléments pouvant être pris en compte par le juge pour caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et ses travailleurs en cas d'homologation de la charte ».

De plus, de cette restriction au pouvoir du juge découlait, selon eux, une violation du droit pour chacun d'obtenir un emploi « dès lors qu'elle priverait les travailleurs en lien avec une plateforme des garanties dont ils pourraient bénéficier s'il s'avérait qu'ils se trouvent effectivement dans une relation salariée avec cette plateforme ».

Le législateur a « méconnu l’étendue de sa compétence »

Au travers d’une décision rendue le 20 décembre dernier, le Conseil constitutionnel leur a donné gain de cause, retenant que le législateur avait « méconnu l'étendue de sa compétence » en permettant aux plateformes de fixer des règles relevant normalement du domaine de la loi. 

« Les dispositions contestées permettent aux opérateurs de plateforme de fixer eux-mêmes, dans la charte, les éléments de leur relation avec les travailleurs indépendants qui ne pourront être retenus par le juge pour caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique et, par voie de conséquence, l'existence d'un contrat de travail » soulignent les neufs « Sages », les yeux rivés sur l’article 34 de la Constitution, qui confie au seul législateur le soin de fixer « les principes fondamentaux du droit du travail ».

Les juges ont ainsi censuré les dispositions prévoyant que le « respect des engagements pris par la plateforme » dans une charte ne pouvait caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique.

Le reste du dispositif a néanmoins été confirmé par le Conseil constitutionnel. Les plateformes de VTC et de livraison pourront ainsi mettre en place des chartes, sur la base du volontariat, et les faire homologuer par l’administration. Mais  leur seul « établissement » (et donc leur existence) ne pourra « caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs ».

« Cette censure partielle est une bonne nouvelle » a réagi le Conseil national du numérique, pour qui « cela signifie concrètement que, si le juge pense que la situation le justifie, il [pourra] toujours requalifier en salariés les travailleurs des plateformes qu’on considère comme des indépendants… Et même utiliser pour cela des éléments qui figurent dans les chartes. »

Droit au refus d'une course, « droit à la déconnexion », etc.

La loi Mobilités, qui a été publiée au Journal officiel le 26 décembre dernier, impose en outre aux plateformes de communiquer à leurs chauffeurs et livreurs, avant chaque prestation, « la distance couverte » et « le prix minimal garanti dont ils bénéficieront, déduction faite des frais de commission ».

Surtout, le texte précise que ces chauffeurs et livreurs ne pourront faire l’objet « d’une quelconque pénalité » s’ils refusent une proposition de prestation. Est également spécifié : « Les travailleurs choisissent leurs plages horaires d’activité et leurs périodes d’inactivité et peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité. Les plateformes ne peuvent mettre fin au contrat lorsqu’un travailleur exerce ce droit. »

Autre mesure : les plateformes telles qu’Uber ou Deliveroo devront publier sur leur site Internet « de manière loyale, claire et transparente », différents indicateurs relatifs à la « durée d’activité » et au « revenu d’activité » de leurs utilisateurs, tels que perçus au cours de l’année civile précédente. Le législateur espère que cette transparence conduira in fine à un rééquilibrage favorable aux nombreux indépendants, bien souvent auto-entrepreneurs, travaillant par l’entremise de célèbres applications.

Le Conseil national du numérique estime toutefois que cela demeure insuffisant, et plaide pour une « vraie régulation ».

Commentaires (6)

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La disruption a ses limites, dirait-on, et en même temps cela risque quand même d’exploser.

Bonne année 2020.

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Des infos sur la manière et par qui ont été introduites ces dispositions par la REM?

Projet de loi initial ? Amendement?

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C’était par un amendement de la rapporteure (LREM de mémoire), voté en première lecture à l’Assemblée (comme expliqué dans un des articles vers lesquels je renvoie quand je parle du CNNum).

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Plus ça avance, plus j’ai l’impression que l’on réinvente la législation du “TAXI”….

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Xavier.B a écrit :



C’était par un amendement de la rapporteure (LREM de mémoire), voté en première lecture à l’Assemblée (comme expliqué dans un des articles vers lesquels je renvoie quand je parle du CNNum).



effectivement si tu penses à Uber mais cela concerne, je pense, principalement deliveroo et uber eat.



Personnellement, j’étendrai bien le débat au monde de la construction immobilière qui abuse abondament d’auto-entrepreneurs qui bossent dans des conditions précaires pour enrichir les dix strates de sous-traitanceescavagisme au dessus d’eux (ceux qui prennent leur dime sans apporter de valeur ajoutée).



Soyont clairs, ce ne sont pas Uber et consort qui ont inventé cet esclavagisme moderne; Ils ont juste numérisé le concept.


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wanou a écrit :



effectivement si tu penses à Uber mais cela concerne, je pense, principalement deliveroo et uber eat.



Personnellement, j’étendrai bien le débat au monde de la construction immobilière qui abuse abondament d’auto-entrepreneurs qui bossent dans des conditions précaires pour enrichir les dix strates de sous-traitanceescavagisme au dessus d’eux (ceux qui prennent leur dime sans apporter de valeur ajoutée).



Soyont clairs, ce ne sont pas Uber et consort qui ont inventé cet esclavagisme moderne; Ils ont juste numérisé le concept.





+1



Et pas que dans le monde immobilier !

Il y a énormément de domaines où les compétences internes sont externalisés au maximum : Informatique, aviation, … même dans le coeur de métier. PSA gagne plus d’argent avec sa banque qu’en vendant des voitures…

Pour moi c’est l’une des conséquences de la vision négative de l’industrie par les élites dirigeantes : Gros, lourds, syndiqué, normes environnementales, …



Quand on est une grosse industrie historique, et qu’on t’explique qu’avec la sous-traitante ce n’est PLUS ton entreprise (donc tes cadres, ton conseil d’administration et ton équipe dirigeante) qui est responsable de rien si les bon mots sont écrits sur le papier, et que ca va te faire gagner des milliards, ben le calcul est vite fait.

Alors évidemment les avocats ne parlent pas de la perte de compétence en interne (et donc de la perte de valeur de l’entreprise), du turn-over, de la violation des normes environnementales et sociétales et de la perte de clients locaux qui s’en suis (obligeant ensuite à aller écouler la sur-production à l’étranger).  Et l’état se garde bien d’intervenir - encore que ça commence à changer , merci le Rana Plaza.

 Et quelque part en achetant ces produits ou services sans se poser de question on est un peu tous responsable.


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  • Droit au refus d'une course, « droit à la déconnexion », etc.

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