Décret Sunshine entre les labos et les médecins : l’avis de la CNIL
Suite et faim
Le 30 mai 2013 à 13h34
5 min
Droit
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Le ministère de la Santé n’aura pas attendu la délibération de la CADA réclamée par nos soins. Il a finalement publié l’avis de la CNIL sur le fameux décret Sunshine. On sait désormais pourquoi la CNIL a mis des bâtons dans les roues de ce mouvement favorable à la transparence dans les liens entre labo et médecins.
Ce décret dit « Sunshine » est celui censé lever le voile dans les liens entre laboratoires et les médecins, ainsi que toute la profession médicale. Cette publication est cependant contrariée.
Selon ce texte fraichement publié, tous les cadeaux des labos devront être déclarés sur un site Internet unique dès lors que leur montant sera supérieur à 10 euros. Même chose pour les contrats liant les uns aux autres. Du moins, le décret oblige-t-il à ne mentionner que l’existence de ces contrats entre deux parties, pas plus. Mieux, lorsqu’un médecin aura lui-même facturé un labo en contrepartie de sa prestation, rien ne transpirera sur le site !
Le décret avait été publié sans l’avis de la CNIL qu’il mentionne sans détail. Nous avions lancé une procédure CADA pour obtenir ce précieux document après un refus de la CNIL de nous le transmettre. Finalement, le ministère de la Santé vient de le publier (l'avis PDF, fichier modifié le 28 mai 2013), ce qui met fin sur-le-champ à notre procédure. La CNIL n’aura donc pas à suivre l’avis CADA. Ouf !
Cet avis est intéressant à plus d’un titre. En substance, la CNIL explique nécessaire « de concilier l’objectif de transparence voulu par le législateur et la protection des données personnelles prévues par la loi du 6 janvier 1978. »
Que retenir ?
Plutôt 10 euros que un euro
La CNIL a milité pour que le seuil de publication des cadeaux soit relevé de 1 à 10 euros. « Il importe en effet que la divulgation de l’ensemble des informations (…) ne porte pas atteinte à la vie privée des personnes concernées ». Avec un seuil réduit à un euro, le projet de texte aurait presque imposé « une obligation générale de déclaration et de publicité de tout avantage consenti par les entreprises intéressées. »
Transparence et vie privée : l'exemple des agriculteurs
La CNIL prend appui sur une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne du 9 novembre 2010, déjà mentionnée dans nos colonnes. La Cour de Luxembourg a en effet jugé que l’obligation de publication des noms des personnes physiques bénéficiaires d'un fonds agricole ainsi que des montants perçus était une mesure disproportionnée : « la publication sur un site Internet des données nominatives relatives aux bénéficiaires (…) constitue, en raison du fait que ces données deviennent accessibles aux tiers, une atteinte au droit des bénéficiaires concernés au respect de leur vie privée, en général, et à la protection de leurs données à caractère personnel, en particulier. »
Du bout des lèvres, le gardien des données personnelles admet qu’ici « cette publication pourrait néanmoins être justifiée au regard de l’objectif de prévention des conflits d’intérêts susceptibles d’intervenir dans le domaine sanitaire ». Apprécions le conditionnel.
Captcha et Robots.txt pour verrouiller le site Internet public
Au titre de ce fameux équilibre entre vie privée et transparence, la CNIL a bien réclamé le verrouillage du site Internet public listant les cadeaux des labos aux médecins ou l’existence des contrats. Elle a spécialement demandé « que le décret soit modifié afin de préciser que les responsables de traitement qui procèdent à la mise en ligne des données à caractère personnel sont tenus de mettre en place des mesures visant à empêcher les moteurs de recherche externes de procéder à une indexation des données directement identifiantes ». Comment ? Elle propose que ce responsable joue avec le fichier Robots.txt, protocole d’exclusion des moteurs. Elle suggère aussi que l’accès à chaque fiche soit verrouillé par un captcha (voir nos commentaires chez Arrêt sur Images). C'est là qu'elle place le fameux équilibre entre la vie privée et la transparence...
Moralité ? Le patient pourra connaître les petits cadeaux faits par tel labo à son médecin de famille. Il saura s’il existe un contrat entre l’un et l’autre mais jamais son détail. Enfin, il ne pourra connaître ce contrat si son cher médecin a facturé ce labo. Ce captcha rendra surtout impossible le traitement automatisé des dizaines de milliers de fiches à venir pour qui voudrait esquisser l’état des liens de tel labo avec le secteur de la santé.
Décret Sunshine entre les labos et les médecins : l’avis de la CNIL
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Plutôt 10 euros que un euro
Commentaires (14)
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Abonnez-vousLe 30/05/2013 à 13h51
Pétard mouillé " />
Le 30/05/2013 à 13h56
ah ben merci pour l’éclaircissement, j’ai lu le rapport CNIL mais j’avais raté les news sur le décret (et donc les subtilités). " />
Le 30/05/2013 à 14h04
C’est déjà une avancée.
On peut dejà savoir si le médecin entretient une relation avec un labo.
Ce captcha rendra surtout impossible le traitement automatisé des dizaines de milliers de fiches à venir pour qui voudrait esquisser l’état des liens de tel labo avec le secteur de la santé
Ca ne va pas être un soucis, bon nombre de bots peuvent repondre par eux mêmes a des captcha.
Il y a même queuqu’un qui a réussit a automatiser la frappe du MdP sur l’acces client de LCL.
Je vois dans cet article que la CNIL a vraiment a coeur la protection des données personnelles. On ne peut pas lui en vouloir pour ça.
Quel intérêt a t-elle de lutter âprement contre ce décret ?
(je n’ai, par contre, toujours pas saisi, pourqui la CNIL ne voulait pas diffuser le document)
Le 30/05/2013 à 14h16
Enfin, il ne pourra connaître ce contrat si son cher médecin a facturé ce labo.
Donc dans la pratique, les médecins vont facturés des labos sur la base de contrats assez vagues pour ne pas que leurs avantages soient publiés…
Le 30/05/2013 à 14h26
Le 30/05/2013 à 14h31
la publication sur un site Internet des données nominatives relatives aux bénéficiaires (…) constitue, en raison du fait que ces données deviennent accessibles aux tiers, une atteinte au droit des bénéficiaires concernés au respect de leur vie privée, en général, et à la protection de leurs données à caractère personnel, en particulier.
Seules les agriculteurs en société sont donc concernés. Mais comme il est très facile de remonter aux gérants et autres actionnaires, cela revient donc à révéler indirectement le nom des bénéficiaires.
De plus, c’est une décision hypocrite qui biaise la perception que le public peut avoir des bénéficiaires parce que les sociétés en agriculture sont généralement des structures plus importantes que celles en exercice individuel (c’est la raison pour laquelle la formalisation en société a été choisie d’ailleurs).
Pour être parfaitement logique, on devrait publier la liste des bénéficiaires de toutes les subventions et autres prestations sociales dispensées par nos politiques avec l’argent de ceux qui travaillent, afin de s’assurer que les bénéficiaires n’en profitent pas pour les ‘remercier’ plus tard : cela serait dommage de passer à côté d’un conflit d’intérêts d’une telle ampleur …
Le 30/05/2013 à 14h37
Le 30/05/2013 à 14h38
Le 30/05/2013 à 15h18
Le 30/05/2013 à 15h22
ouais c’est un miroir aux alouettes : ça changera la forme mais pas le fond.
Le 30/05/2013 à 15h26
Le 30/05/2013 à 20h33
Et encore des intérêts privés que l’on camoufle derrière un paravent.
Circulez ! Y-a rien à voir !
Perso, cela ne me choque même plus sachant pour qui roulent les politiciens.
Le droit favorise les assurances, les banques, … et les institutions. De l’autre, une régression du droit social (pour favoriser les marges en dégageant les CDI), bientôt régression des droits des consommateurs face aux télécoms (pour assurer les emplois en France), … La grande braderie par des socialistes.
On sort le carnet de chèque de la France pour favoriser/cacher/dissimuler encore des intérêts privés sans aucune contre parti … Le site est financé par qui à votre avis ? Voilà cela ne me choque même plus.
Un site paravent, une façade d’une hypocrisie bien française pour un pays au fond du trou. Mais rassurez vous, le contribuable sera là pour prendre ses médoc de la mort et consommer à fond pour une vie brève.
Labo et leurs victimes … qui va gagner ? Allez on tient le pari ? " />
Le 30/05/2013 à 21h11
Il n empêche quand terme de droit là CNil est dans son rôle. Il aurait peut être fallu que ce soit le site dû conseil de l ordre qui diffuse cette info…
Le 01/06/2013 à 00h09
Ca fait deja une dizaine d’annees que les pratiques ont depasse ce texte de loi: Je connais certains medecins qui font passer les cadeaux des labos par des associations a buts diverses. C’est donc invisible pour cette nouvelle loi.