Neutralité du net en Europe : la Commission ITRE reporte son vote
Et ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle
Le 25 février 2014 à 07h20
5 min
Droit
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Hier soir, à Strasbourg, la Commission industrie, transports, énergie (ITRE) du Parlement européen votait les dispositions du Paquet Télécom de Neelie Kroes portant sur l'itinérance et la neutralité du net. Un vote très attendu, mais qui a finalement accouché d'une souris, puisque repoussé, probablement de deux semaines.
LIBE vs ITRE
Que ce soit des deux côtés de l'Atlantique, la question de la neutralité du net est sur toutes les lèvres ces dernières semaines. En Europe, le Paquet Télécom de Neelie Kroes, qui traite de nombreux sujets et qui a pour ambition principale de créer un marché unique des télécoms, est étudié par les différentes commissions afin que chacune propose ses amendements. Il faut dire que le texte de base va officiellement dans le sens de la neutralité du net, tout en laissant la porte ouverte à des exceptions que certains estiment dangereuses. Le texte pourrait ainsi autoriser les opérateurs à gérer leur trafic selon certains cas (en savoir plus).
Le 12 février dernier, la Commission des libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) avait proposé de très nombreux amendements au texte initial, allant dans le sens d'une véritable neutralité. La Commission a ainsi explicitement rappelé que l'innovation et l'activité économique avaient pour facteur clé le « traitement égal du réseau, sans discrimination, restriction ou ingérence, indépendant de son expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l'appareil, du service ou de l'application, conformément au principe de neutralité du net ».
Un autre amendement de LIBE précise parfaitement que dans un internet ouvert, les opérateurs ne doivent pas bloquer, ralentir, dégrader les contenus, « sauf pour un nombre limité de contenus techniquement raisonnable, clairement défini et non motivé commercialement par des mesures de gestion de trafic ». Ce dernier point est primordial quand on sait que le texte de base indique que les opérateurs peuvent limiter les vitesses et les volumes de données à transférer contractuellement, et qu'il leur est possible de gérer le trafic de manière « raisonnable, » un concept relativement flou.
La problématique des services spécialisés
Hier, c'était au tour de la Commission industrie, transports, énergie (ITRE) d'entrer en scène. Selon la Quadrature du Net, le risque était grand de voir des amendements franchement différents de la Commission LIBE être votés, créant ainsi un internet à deux vitesses. Il faut dire que cette dernière Commission a défendu ardemment la liberté du net, alors que l'ITRE est plutôt concernée par l'industrie. Les intérêts des opérateurs sont ainsi bien plus écoutés et suivis. Selon LQDN, les amendements de compromis de l'ITRE (entre le texte initial et les amendements de LIBE) auraient notamment pu permettre aux opérateurs de :
- dégrader certains types de flux (par exemple le P2P), tout en permettant à d'autres types de flux de bénéficier d'une distribution normale ;
- conclure des accords avec des fournisseurs de services Internet (par exemple YouTube ou Netflix), pour leur assurer un traitement privilégié en tant que soi-disant services spécialisés.
Nous pourrions toutefois noter que le compromis de l'ITRE est en quelque sorte un pas en avant par rapport à la situation actuelle, alors que les opérateurs signent tous des accords avec des sites internet bafouant déjà la neutralité. Néanmoins, la notion de « services spécialisés », telle que citée par l'ITRE, et qui pourraient être avantagés par les opérateurs, est suffisamment floue pour que la Commission laisse craindre le pire.
D'autant plus que Luigi Gambardella, président de l'ETNO (association regroupant plusieurs grands opérateurs européens) et vice-président de Telecom Italia, n'a pas hésité à déclarer que « le principe voulant que tous les types de trafic Internet soient traités de la même façon n'est plus adéquat avec la façon dont Internet fonctionne aujourd'hui, à l'heure où les différents types de trafic ont des besoins différents et ont besoin d'être gérés efficacement ».
Le calendrier chamboulé, le Paquet Télécom en danger ?
Le fameux vote de l'ITRE a toutefois été reporté, que ce soit sur l'abolition des frais d'itinérance pour le mobile en Europe, ou encore la neutralité du net. Le vote pourrait avoir finalement lieu début mars. Notez que les députés européens s'appuieront sur la décision de l'ITRE pour débattre et voter. Ce report pourrait donc avoir de lourdes conséquences sur le calendrier.
Ce nouveau délai fait en tout cas les affaires de la Quadrature du Net ou encore de SaveTheInternet.eu, qui militent pour que les citoyens fassent pression sur leurs députés européens, ceci à l'aube de nouvelles élections. Des élections qui risquent d'ailleurs de retarder le Paquet Telecom, voire de l'annuler, certaines personnalités majeures du dossier (dont Neelie Kroes) risquant de manquer à l'appel.
Retrouvez notre édition de 14h42 sur la neutralité du net ci-dessous :
Neutralité du net en Europe : la Commission ITRE reporte son vote
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LIBE vs ITRE
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La problématique des services spécialisés
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Le calendrier chamboulé, le Paquet Télécom en danger ?
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 25/02/2014 à 07h33
Encore les salauds de groupes de pression citoyens " /> si ils se contentaient de regarder la merdasse que l’on passe à la télé on pourrait voter nos lois destructrice de libertés tranquillement " />
Le 25/02/2014 à 08h35
J’ai cru lire : “Ivre, la Commission reporte son vote”..
" />
Le 25/02/2014 à 08h42
petit HS : quand on voit le sondage sur le 20minutes (57% des sondés estiment la surveillance sur internet justifiée), on sent que le changement de mentalité, c’est pas pour maintenant…
Le 25/02/2014 à 09h01
Selon LQDN, les amendements de compromis de l’ITRE (entre le texte initial et les amendements de LIBE) auraient notamment pu permettre aux opérateurs de :
Dans la pratique, ça va être dur d’appliquer ça sans provoquer une concurrence déloyale entre les acteurs.
Le P2P n’est pas réservé aux pirates. Des entreprises utilisent des réseaux P2P pour gérer leur trafic.
le principe voulant que tous les types de trafic Internet soient traités de la même façon n’est plus adéquat avec la façon dont Internet fonctionne aujourd’hui, à l’heure où les différents types de trafic ont des besoins différents et ont besoin d’être gérés efficacement
Parler de congestion de tuyaux pour quelques services centralisés est ridicule, beaucoup d’acteurs réduiraient leur bande passante en utilisant des technos P2P, faut juste arrêter les stéréotypes débiles et utiliser des technos adéquates…
Tout ça n’est pour les FAIs qu’un moyen pour faire payer les acteurs, et permettre une mise en concurrence dans la régulation des tuyaux.
Le 25/02/2014 à 10h12
A rendre tout commercial, il est un fait qu’Internet n’est plus un milieu favorable au partage " />
Le 25/02/2014 à 10h15
Le 25/02/2014 à 10h19
Le 25/02/2014 à 11h05
Le 25/02/2014 à 11h36
Le 25/02/2014 à 11h42
Le 25/02/2014 à 13h30
Le 25/02/2014 à 13h33
Le 25/02/2014 à 13h38
Le 25/02/2014 à 15h23
Je veux bien que les échantillons donnent des tendances, mais 1017 personnes, sans déconner…
Je n’y accorde donc aucun crédit : en gros il y a 580 personnes en France qui ne sont pas gênées par la surveillance… Pas de quoi s’inquiéter, ni fouetter un lolcat " />
Le 25/02/2014 à 16h22