Statut de l’hébergeur : le gouvernement réformera ou ne réformera pas ?
Nuance ou précipitation ?
Le 10 juin 2015 à 08h20
6 min
Droit
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Réformera ou réformera pas ? Pour faire court, en avril dernier, le gouvernement a adressé une note à Bruxelles pour solliciter la réforme du statut (européen) des hébergeurs. Hier, à l’Assemblée nationale, Axelle Lemaire révèle que cette réforme n’est pas soutenue par le gouvernement.
Hier, Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique était auditionnée au sein de la commission des affaires européennes dans le cadre des travaux préparatoires au conseil des ministres. Une réunion fixée au 12 juin ayant pour sujet la question des télécommunications. Elle a ainsi affirmé, tel que l’a rapporté notre confère Samuel Le Goff, que « la remise en cause du régime des hébergeurs ne fait pas partie des positions soutenues par le gouvernement français. »
Seul souci, comme l’a pointé Pascal Rogard, directeur général de la SACD, le gouvernement français milite bien pour une réforme de ce statut. En témoigne la note pour Bruxelles que les autorités françaises ont adressée en avril dernier, reprenant docilement les positions des sociétés de gestion collective. Là, le gouvernement assure que depuis l’adoption en 2000 de la directive sur la société de l’Information, trop d’intermédiaires n’ont plus le rôle « technique, automatique et passif » tel que défini par le texte.
Ainsi, certains de ces hébergeurs « jouent désormais un rôle central dans l’accès aux contenus protégés en Europe tout en restant placés largement hors du champ d’application des obligations du droit d’auteur et des droits voisins, notamment en matière de rémunération de la création. Ces intermédiaires de l’internet peuvent interagir à divers degrés sur l’offre de contenu proposé : [ils] jouent des rôles divers, allant de la présentation, la sélection, la promotion, l’affichage, la mise en ligne, la distribution, à la valorisation de contenus, par exemple en tant que régie publicitaire ». Bref, le temps serait venu de réformer tout ça, afin de faciliter leur responsabilité sur les contenus (paroles, images, sons, et autres fichiers) mis en ligne par des tiers et stockés dans leurs serveurs. Comment ?
Un couac ?
De ce couac, tel que le qualifie Électron Libre, on peut imaginer deux principales explications. D’un, les services d’Axelle Lemaire semblent avoir été tout simplement négligés, contournés, délaissés par la ministre de la Culture. Le dossier touche pourtant de plein fouet au numérique, et donc à ses cordes. La réforme du statut des hébergeurs ne serait là considérée que comme une excroissance contrariante des intérêts des seules industries culturelles. Du coup, ses partisans n’ont pas estimé nécessaire d’en souffler mot à la secrétaire d’État, feignant, à tout le moins, de ne rien comprendre aux retombées d’une telle réforme sur l’économie ou la liberté d’expression, vous savez, ce truc encore encensé lors des attentats contre Charlie Hebdo.
De deux, le gouvernement jouerait sur un terrain plus vicieux. Il ne s’agit pas de réformer à proprement parler le statut des hébergeurs, en clair l’existant, mais d’ajouter une nouvelle catégorie. Nuance. C’est en tout cas l’explication donnée par Georges Etienne Faure, conseiller technique numérique au cabinet du Premier ministre, sur son fil Twitter personnel. L’enjeu serait ainsi de créer un nouveau statut, par exemple celui des « plateformes ». Il permettrait de traiter autrement ceux qui ne sont plus considérés comme hébergeurs, en forgeant un nouveau régime de responsabilité plus direct sur les contenus stockés, dénoncés par titulaires de droits.
Imposer un principe de loyauté
Mais qu’est-ce qu’une plateforme face à un hébergeur ? Pas d’explication officielle pour l’instant, mais selon les préconisations du Conseil d’État, seraient qualifiés de plateforme tous les « services de référencement ou de classement de contenus, biens ou services édités ou fournis par des tiers, partagés sur le site de la plateforme. Une telle définition couvrirait l’ensemble des acteurs usuellement considérés aujourd’hui comme des plateformes : moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites de partage de contenus (vidéos, musique, photos, documents, etc.), places de marché, magasins d’applications, agrégateurs de contenus ou comparateurs de prix. »
La définition est ainsi suffisamment vaste pour embrasser un grand nombre d’acteurs qui joueraient aujourd'hui cependant selon le Conseil d’État « un rôle d’intermédiaire actif dans l’accès à des contenus » (p. 272 de son dernier rapport annuel, sur le numérique). ce statut « ter », entre éditeur et hébergeur, imposerait le respect d’un principe général de loyauté, avec notamment une information sur les critères de classement et de référencement, une définition des critères de retrait de contenus licites en termes clairs, accessibles à tous, et non discriminatoires, et concernant les utilisateurs commerciaux, une notification préalable, avec un délai de réponse raisonnable, des changements de la politique de contenus ou de l’algorithme susceptibles d’affecter le référencement ou le classement.
S’y ajouterait également la mise en œuvre du notice and stay down, qui viserait aussi les hébergeurs, afin de contraindre un temps durant ces acteurs à empêcher la remise en ligne d’un contenu une première fois notifié. Un mécanisme reposant sur un système de filtrage des contenus, non des URL, avalisé juridiquement par la justice européenne et sollicité également par le rapport Imbert Quaretta sur la lutte contre la contrefaçon en ligne.
Au-delà du méli-mélo franco-français, la balle est désormais dans le camp de Bruxelles. Remarquons cependant que la fameuse obligation de loyauté, soutenue par le Conseil d’État, a déjà trouvé un certain écho au gouvernement la semaine dernière, puis lundi, chez des députés socialistes.
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Un couac ?
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Imposer un principe de loyauté
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 10/06/2015 à 08h30
Du coup, ses partisans n’ont pas estimé nécessaire d’en souffler mot à
la secrétaire d’État, feignant, à tout le moins, de ne rien comprendre
aux retombées d’une telle réforme sur l’économie ou la liberté
d’expression, vous savez, ce truc encore encensé lors des attentats
contre Charlie Hebdo.
The terrorists already won et les ayants droits s’en frottent déjà les mains. J’aime bien comment la phrase est tournée " />
Quel intérêt de cacher leurs intentions quand on voit la réac côté français sur le rapport Rada?
Le 10/06/2015 à 08h43
Rappelons la définition de l’hébergeur (par exemple sur wikipedia : Wikipedia
Maintenant, demandons-nous si tous ceux qui se réclament aujourd’hui du statut de l’hébergeur correspondent à cette définition. Si non, demandons-nous s’il ne serait pas pertinent de réfléchir à une nouvelle catégorie, tout en conservant le statut et la protection de l’hébergeur pour les vrais hébergeurs.
Voila, c’est pas si dur à expliquer, en fait.
Le 10/06/2015 à 08h45
Le rapport Reda, oui :)
https://www.laquadrature.net/fr/campagne-reda
Le 10/06/2015 à 08h47
Allez …c’est reparti …
Le terme “film d’anticipation” ne sera plus … les pourris politicards le mettent en place …merci.
Le 10/06/2015 à 08h57
mais selon les préconisations du Conseil d’État, seraient qualifiés de plateforme tous les « services de référencement ou de classement de contenus, biens ou services édités ou fournis par des tiers, partagés sur le site de la plateforme. Une telle définition couvrirait l’ensemble des acteurs usuellement considérés aujourd’hui comme des plateformes : moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites de partage de contenus (vidéos, musique, photos, documents, etc.), places de marché, magasins d’applications, agrégateurs de contenus ou comparateurs de prix. »
On leur a jamais appris que pour expliquer une notion, il ne faut pas utiliser cette notion dans la définition ?
De plus, c’est tellement vague, que ça doit englober 90% du web (chiffre à la louche hein ^^)
Le 10/06/2015 à 08h59
Est ce que du coup, si un hébergeur laisse l’accès à son FTP ouvert (ou ne met pas de “index.html” dans ses dossiers) est ce qu’il entre dans le cadre d’une plate-forme ? En effet, si l’arborescence est accessible, alors il y a bien “classement de contenus, biens ou services “.
Le 10/06/2015 à 08h59
Je suis maintenant hébergé au Danemark, qu’ils aillent se faire voire ailleurs et si l’Europe emboîte le pas français, j’irais encore plus loin.
Ça en devient tellement contraignant que ça en fait / fera fuir plus d’un.
Le 10/06/2015 à 08h59
D’un, les services d’Axelle Lemaire semblent avoir été tout simplement négligés, contournés, délaissés par la ministre de la Culture.
personne ne peut croire à pareille vilénie
" />
Le 10/06/2015 à 09h01
Le 10/06/2015 à 09h18
Woups désolé et je peux plus éditer
Le 10/06/2015 à 09h35
[HS] Je t’ai envoyé un mp sur le forum " /> [/HS]
Le 10/06/2015 à 09h39
D’un, les services d’Axelle Lemaire semblent avoir été tout simplement négligés, contournés, délaissés par la ministre de la Culture.
Étrangement , je sens que c’est cette première proposition qui est valable.
Quand on regarde l’historique d’Axelle Lemaire, on se demande encore comment ça se fait qu’elle soit en place, pas parce qu’elle ne fait rien (on n’en sait rien ça) mais parce que son travail semble réduit à néant par les autres ministres
La présentation et le lancement des discussions publiques sur le projet de loi sur le numérique qu’elle devait mettre en œuvre sont continuellement reportés.
Plusieurs fois, des éléments devant faire partie dudit projet sont adoptés dans d’autres projets de loi (notamment de Macron).
Et ses propres déclarations sont en contradiction avec les autres ministères.
Bref, perso à sa place (et connaissant ses margoulins de supérieurs), je serais pas tranquille.
Ça ne m’étonnerait pas que ce “couac” sonne le glas de ses fonctions au gouvernement.
Le 10/06/2015 à 10h14
Vous faites comme si le cinéma du 11 janvier avait avoir avec une quelconque réalité, liberté d’expression, union nationales, droits de blasphème et de caricature, pas d’anti musulman, etc…..
Car il est pourtant évident que les terroristes, sont ceux qui sont au pouvoir. Et que les autres, sont l’arbre qui cache la forêt, idiots utiles des premiers si tant est qu’on pense qu’ils en sont indépendants….
Juste que les gens n’ont pas peur, ne sont pas terrorisés parce qu’ils sont inconscients et irresponsables, trop imbus d’eux même, de leur confort qu’ils pensent immuable…. comme si c’était un droit…..
Car une telle duplicité à la tête des instances dirigeantes et un tel aveuglement de la part de la masse de citoyens devrait foutre les jetons à n’importe qui qui a la tête sur les épaules. On est quand même dans un bus qui fonce à toute bringue sur une fin d’autoroute avec un conducteur aveugle, qui s’occupe de compter ses clopes et taxer celles des autres plutôt que s’occuper de ce pour quoi il occupe la place du chauffeur.
Le 10/06/2015 à 10h16
Le 10/06/2015 à 10h20
Le 10/06/2015 à 10h49
Le ministère de la Culture, The House of Black and White…
Le 10/06/2015 à 10h50
Au-delà du méli-mélo franco-français
C’est notre Gloubi-Boulga " />
Le 10/06/2015 à 17h21
Pour faire court, en avril dernier, le gouvernement a adressé une note à
Bruxelles pour solliciter la réforme du statut (européen) des
hébergeurs. Hier, à l’Assemblée nationale, Axelle Lemaire révèle que
cette réforme n’est pas soutenue par le gouvernement.
Si je résume le raccourci, le gouvernement sollicite une réforme qui n’est pas soutenue par le gouvernement.
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Le 10/06/2015 à 18h46
En fait, 1984 de G. ORWELL n’aurait jamais dû être écrit … c’est devenu le mode d’emploi de nos politiciens.
" />
Le 10/06/2015 à 21h02
Le 11/06/2015 à 11h03
Le 11/06/2015 à 11h09
T’en fais pas je passe souvent sur le forum " /> et merci encore :)
Le 11/06/2015 à 12h26