L’astéroïde Dimorphos serait un tas de gravats « complètement remodelé » par l’impact de DART
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En cas de risques de collision d’un géocroiseur potentiellement destructeur de monde, les scientifiques ne comptent pas sur Harry Stamper d’Armageddon pour sauver la Terre. Il n’y a pas 36 solutions : il faut dévier l’astéroïde de sa trajectoire. La mission DART est une répétition générale. Elle sera suivie par Hera pour mesurer l’étendue des dégâts… qui pourrait être plus importante que prévu.
Le 01 mars à 09h40
7 min
Sciences et espace
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DART (Double Asteroid Redirect Test) est une mission conjointe des agences spatiales américaines (NASA) et européenne (ESA). Son but : tester notre capacité à dévier la trajectoire d'un astéroïde. En trame de fonds, pouvoir se défendre si un géocroiseur devait menacer la Terre. Rappel important : aucune menace n’a été identifiée pour le moment, il s’agit d’un exercice !
Viser à 11 millions de km avec un projectile à 22 000 km/h
Le déroulement de la mission est on ne peut plus simple : lancer à grande vitesse – près de 22 000 km/h – un impacteur (une sonde spatiale) sur la surface de l’astéroïde Dimorphos. Ce « petit » corps de 160 m de diamètre orbite autour d’un autre astéroïde (Didymos). Il mesure, pour sa part, 780 m de diamètre. L’opération s’est déroulée à 11 millions de km de la Terre, il fallait donc bien viser.
Mission réussie et déviation accomplie. L’impact a notamment généré une « queue » de 10 000 km de long. Des publications scientifiques sont arrivées dans les semaines qui ont suivi. Elles ont notamment confirmé que l'impact « et le changement d'orbite de Dimorphos qui en a résulté démontrent que la technologie des impacteurs cinétiques est une technique viable pour défendre la Terre si nécessaire ».
Une nouvelle étude vient de paraître. « L’une des premières caractéristiques que la mission Hera recherchera est le cratère laissé sur Dimorphos […] Néanmoins, une nouvelle étude de simulation d’impact publiée dans Nature Astronomy suggère qu’aucun cratère ne sera trouvé », explique l’Agence spatiale européenne.
Hera va venir observer les dégâts
Les scientifiques ont déjà pu observer que l’orbite de Dimorphos autour de l’astéroïde Didymos a été diminuée de 33 minutes, avec une précision de ± une minute. De nombreuses questions restent néanmoins en suspens, notamment comment l’astéroïde dans son ensemble a réagi à l’impact du vaisseau spatial.
La suite se prépare donc avec la mission Hera de l’ESA. Elle va se rendre, elle aussi, auprès de l’astéroïde Dimorphos, mais pas pour la frapper une nouvelle fois. La sonde doit examiner de près sa structure et la trajectoire de l’astéroïde. Le lancement de Hera est programmé pour la fin de l’année. La sonde devrait arriver sur place deux ans plus tard, fin 2026.
Ce qui intéresse notamment les astrophysiciens, c’est le « facteur bêta ». Wikipédia explique qu’il s’agit du « rapport entre la poussée totale et celle résultant directement de l'impact ». La poussée totale est plus importante que celle de DART, car l’astéroïde a projeté de la matière dans l’espace lors du choc. Pour connaitre le facteur bêta, il faut se rendre sur place pour mesurer avec précision la masse de Dimorphos. C’est justement le but de Hera.
En attendant, des simulations sur ordinateurs
Les scientifiques ne restent pas les bras croisés en attendant. Une équipe de chercheurs a utilisé une simulation informatique (Bern Smoothed Particle Hydrodynamics, développé pendant 20 ans par l’université de Berne) pour avoir une idée du résultat.
Ce logiciel transforme les « corps » en millions de particules avec de nombreuses variables comme la gravité et la densité. « Il a été validé par des expériences en laboratoire et a également été utilisé pour reproduire un test d’impact d’astéroïde existant – lorsque le vaisseau spatial japonais Hayabusa2 a percuté l’astéroïde Ryugu en 2019 ».
L’Agence spatiale explique avoir lancé pas moins de 250 simulations au total, « reproduisant les deux premières heures après l’impact ». Si certaines variables sont connues (masse de la sonde DART, forme de l’astéroïde, déviation orbitale, taille de la queue), d’autres ne le sont pas. C’est le cas de la porosité de l’astéroïde, de sa cohésion globale, de la densité et de l’emplacement des roches au point de l’impact, etc.
Dimorphos ne serait qu’un « tas de gravats »
Les scientifiques ont ensuite ajouté quelques « hypothèses raisonnables » à leur recette. Ils ont ensuite regardé quels résultats de la simulation correspondaient le mieux à la réalité observée. Première conclusion, Dimorphos est qualifié de « rubble pile ». On pourrait le traduire par un tas de gravats (officiellement, on parle d’agrégat gravitationnel). La structure serait « maintenue par la gravité extrêmement faible de l’astéroïde plutôt que par sa force de cohésion ».
Cela expliquerait « l’efficacité étonnamment élevée de la déviation orbitale de DART ». En effet, les scientifiques s’attendaient à 10 minutes de moins pour faire le tour de Didymos. Or, la déviation est de 32 minutes (trois fois plus), avec une marge d’erreur d’une minute seulement.
L’ESA propose une expérience de pensée (qu’on peut facilement reproduire chez soi). Faites tomber de la farine et du sable sur une surface plane. Les deux formeront une pyramide, mais celle du tas de farine sera plus haute que celle du sable, avec un angle des arêtes plus important.
Dimorphos pourrait être « complètement remodelé »
Sur Terre, « la force de gravité est telle que le cratère se produit brièvement avec un cône de 90° environ ». Sur DART, la situation est bien différente et l’angle mesuré était aux alentours de 160°. De plus, « le cratère a continué à s’étendre, parce que la gravité et la cohésion matérielle sont très faibles ». Une animation est disponible ici.
« Il est probable que le cratère se soit agrandi pour englober l’ensemble du corps, de sorte que Dimorphos a fini par être complètement remodelé. En conséquence, Hera ne sera probablement pas en mesure de trouver un cratère laissé par DART », explique Sabina Raducan de l’Institut de physique de l’Université de Berne.
« Nos simulations suggèrent que Dimorphos a eu sa forme initiale de soucoupe volante émoussée du côté de l’impact : si vous pensiez que Dimorphos ressemblait à un M&M, maintenant, on a l’impression qu’on lui a fait un croc dedans ».
L’Agence spatiale européenne pense que « 1 % de la masse totale de Dimorphos a été projeté dans l’espace par l’impact de DART, grâce à sa faible vitesse de libération de seulement 10 cm/s [elle est de 11,2 km/s ou 40 320 km/h sur Terre, ndlr]. Et environ 8 % de la masse de l’astéroïde a été déplacée autour de son corps ». La vitesse de satellisation est plus faible que celle de libération. Sur Terre, par exemple, elle est de 7,9 km/s (28 440 km/h).
Quoi qu’il en soit, cela ne change rien pour la mission Hera. Elle est prête depuis plusieurs mois et doit décoller à la fin de l’année. Elle ira rendre visite à Dimorphos et l’examinera sous toutes les coutures possibles pour caractériser au mieux l’astéroïde. Les scientifiques pourront alors affiner leurs algorithmes pour coller le plus possible à la réalité des observations, et ainsi se préparer si un astéroïde devait venir menacer la vie sur Terre.
L’astéroïde Dimorphos serait un tas de gravats « complètement remodelé » par l’impact de DART
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Viser à 11 millions de km avec un projectile à 22 000 km/h
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Hera va venir observer les dégâts
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En attendant, des simulations sur ordinateurs
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Dimorphos ne serait qu’un « tas de gravats »
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Dimorphos pourrait être « complètement remodelé »
Commentaires (9)
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Abonnez-vousLe 01/03/2024 à 10h00
de prime abord, sans avoir trop fait attention à la légende sous les animations, je me demandais pourquoi il y en avait 2 côte-à- côte ... c'est de la stéréoscopie ! l'animation est en 3D !
(louchez légèrement pour arriver à la voir directement - louchez de façon progressive jusqu'à se faire confondre "au centre" les 2 animations)
Le 01/03/2024 à 10h14
Le 01/03/2024 à 12h29
Modifié le 01/03/2024 à 12h36
(Pour ceux qui veulent se faire très mal à la tête, sa thèse est là: https://spiral.imperial.ac.uk/handle/10044/1/1333)
Et pour la petite histoire, il l'avait commencée en 1971 (après la formation officielle de Queen mais avant la sortie du premier album) mais a évidemment dû la mettre de côté. Longtemps. Très. Puisqu'il ne l'a achevée qu'en 2007.
Le 01/03/2024 à 16h04
Le 01/03/2024 à 15h22
Le 01/03/2024 à 10h49
Le 01/03/2024 à 15h28
Le 01/03/2024 à 16h03
Reste quand même que cette mission à validé beaucoup de concept qui restait théoriques.