La BD au secours de la vulgarisation scientifique et de la lutte contre les fake news
Avec des images tout est plus simple ?
La semaine dernière se tenait le 51e festival international de la bande dessinée d'Angoulême. À cette occasion, le CNRS a publié dans son Journal un article intitulé BD et science : pourquoi la recherche rêve de bulles. On y découvre les liens entre la science et la bande dessinée, ainsi que les messages que cela permet de faire passer.
Le 29 janvier à 11h49
6 min
Sciences et espace
Sciences
« De nombreux scientifiques adoptent ce support comme outil de médiation, voire d’écriture de leurs recherches », explique le Centre national de la recherche scientifique. Il nous propose une interview maison de Boris Pétric, anthropologue et directeur de recherche au CNRS.
Un partenariat gagnant-gagnant
Il commence par rappeler que le phénomène des bandes dessinées consacrées à la science est « relativement nouveau, même si les rapports entre recherche et dessin sont bien plus anciens ». Les deux parties y trouvent leur intérêt.
D’un côté le monde de la BD qui peut étendre son champ d’action et ainsi booster ses ventes, de l’autre les scientifiques « qui ont envie de se lancer dans cette aventure ». Ils peuvent en effet toucher de nouveaux publics et faire passer des messages à un plus grand nombre.
Toucher de nouveaux publics, avec une approche différente
La bande dessinée a aussi l’avantage de toucher une large partie de la population, de tous les horizons socioculturels : « 50 % d'acheteurs de BD âgés de plus de 40 ans, 52 % de femmes, 53 % de parents, 54 % de citadins et 54 % de CSP+ », c’est-à-dire venant des classes moyennes supérieures, selon les chiffres mis en avant par le CNRS.
En plus d’être accessible, « la BD fournit des moyens efficaces pour lutter contre d’autres formes de récits, comme les fake news, qui contredisent les études scientifiques […] Il y a un réel enjeu social à ce que les scientifiques s’emparent de la BD pour montrer comment se fabriquent le savoir et les données scientifiques, tout en évitant des discours à charge, très polarisés. À mes yeux, la seule manière de contrer la désinformation, c’est de s’approprier les nouveaux outils », explique Boris Pétric.
Sortir du jargon scientifique
L’écriture d’un récit scientifique sous la forme d’une bande dessinée oblige à prendre le sujet de manière totalement différente d’une publication scientifique. Cette dernière est en effet très normée, mais aussi difficile d’accès pour le commun des mortels.
« D’une certaine façon, écrire en BD nous prémunit de devenir des techniciens, des professionnels de l’expertise, en nous obligeant à sortir d’un langage scientifique ésotérique, notre fameux jargon », explique le directeur de recherche du CNRS.
De plus, « la BD doit, dans une seule bulle, synthétiser des informations qui, autrement, occuperaient des pages, voire des dizaines de pages ». Les scientifiques doivent ainsi « accepter de réduire et densifier la réalité dans une bulle ». Cela demande donc un vrai travail de synthèse et de simplification, sans tomber dans l’excès évidemment.
Des exemples de BD luttant contre fake news et fake sciences
Un exemple marquant de la science sous forme de bandes dessinées est certainement Dans la combi de Thomas Pesquet (publié en novembre 2017, avec 540 000 ventes fin 2023) de Marion Montaigne. Nous devons également à cette dernière la série Tu mourras moins bête… (…mais tu mourras quand même), avec le professeur Moustache et Nathanaël.
Il en existe bien d’autres. La bibliothèque sciences techniques et sport de l’université de Poitiers propose une sélection de huit bandes dessinées « pour résister » face aux fake news et fake science. On y retrouve un livre qui a déjà plus de dix ans : Fables scientifiques de Darryl Cunningham (2012). Il y « déconstruit minutieusement certains des mythes et théories pseudo-scientifiques propagés par des conspirationnistes, souvent relayés par des journalistes peu scrupuleux qui sacrifient la fiabilité de l’information au nom du sensationnel ».
Il y a également Crédulité & rumeurs : faire face aux théories du complot et aux fake news, de Gérald Bronner (2018) et, dans les plus récents, Cerveaux augmentés (humanité diminuée ?) de Miguel Benasayag et Thierry Murat. Tous sont disponibles à la BU de Poitiers et à la vente.
Bien évidemment, n’hésitez pas à partager dans les commentaires les bandes dessinées sur la science qui vous ont marqué, afin d’en faire profiter le reste de la communauté.
Déjà cinq éditions de Sciences en bulles
Depuis plusieurs années, une bande dessinée Sciences en bulles est publiée à chaque édition de la Fête de la science. Elles sont disponibles en accès libre et nous avons ajouté les liens vers les PDF dans les paragraphes suivants.
Le but est toujours le même : « rendre les travaux des jeunes chercheurs accessibles à tous à travers un format original et ludique : la bande dessinée ». La dernière édition en date (2023) s’intéresse au sport avec dix petites BD. On y parlement notamment de comment les prothèses des athlètes handisport peuvent aider à améliorer les performances.
En 2022, c’était Réveil climatique : l’heure de l’action a sonné !, avec de nombreuses questions d’actualité, comme l’indique l’université de Lyon : « Les insectes peuvent-ils nous aider à mieux appréhender le changement climatique ? Surveiller notre planète grâce à l’intelligence artificielle ? Le jeu vidéo pour expérimenter catastrophes et reconstructions ? Du sel pour stocker l’énergie de demain ? Construire la justice climatique par le débat citoyen : une utopie ? »
Héloïse Chochois, illustratrice spécialisée dans la bande dessinée et la vulgarisation scientifique, est la dessinatrice et scénariste des deux dernières éditions. Auparavant, c’étaient peb & fox (tous deux issus d’un cursus universitaire en sciences sociales) qui étaient aux commandes.
En 2021, le sujet était Eurêka ! l’émotion de la découverte. Le but était d’inviter « chercheurs et citoyens à se retrouver autour du plaisir de résoudre les grandes énigmes de la nature, de l’homme et de la société ».
En 2020, Sciences en bulles parlait de Planète nature, avec des associations parfois surprenantes : « Comment le pollen peut-il nous aider à reconstituer l’histoire des écosystèmes et l’impact de l’Homme ? Comment l’ours peut-il nous aider à aller sur Mars ? Comment les animaux dans le discours littéraire d’antan peut nourrir les réflexions d’aujourd’hui ?… ».
Enfin, en 2019, on retrouve la première édition de Sciences en bulles avec « 12 sujets de recherches universitaires conduites par des doctorants au cours de leurs thèses ».
La BD au secours de la vulgarisation scientifique et de la lutte contre les fake news
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Un partenariat gagnant-gagnant
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Toucher de nouveaux publics, avec une approche différente
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Sortir du jargon scientifique
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Des exemples de BD luttant contre fake news et fake sciences
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Déjà cinq éditions de Sciences en bulles
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 29/01/2024 à 13h40
Le 29/01/2024 à 13h47
Le 29/01/2024 à 17h46
Le 29/01/2024 à 13h52
Le 29/01/2024 à 18h59
Le 01/02/2024 à 15h35
Le 29/01/2024 à 13h49
La BD est un excellent moyen de vulgariser car un dessin peut synthétiser plusieurs pages de descriptions rébarbatives.
Sachant qu'il est plus facile de craindre ou de réfuter ce qu'on ne connait / maitrise pas, c'est un super moyen de faire reculer les mensonges / idées reçues sur des sujets scientifiques.
Le 29/01/2024 à 22h32
Le 29/01/2024 à 14h21
Le 29/01/2024 à 15h07
Le 29/01/2024 à 15h28
https://www.dargaud.com/bd/le-monde-sans-fin-miracle-energetique-et-derive-climatique-bda5378080
Je suppose que ça peut être qualifié de vulgarisation scientifique.
Le 29/01/2024 à 22h33
Le 30/01/2024 à 16h57
Le 29/01/2024 à 16h09
Très bonne illustration en tous cas !
Le style du dessin original est bien respecté, en plus. Bravo Flock !
Le 29/01/2024 à 16h24
Le 29/01/2024 à 18h30
Mais c'est pas gentil de comparer Flock à une IA. Il risque de mal le prendre et tu pourrais avoir ton pseudo ou ton avatar glissé subrepticement dans une vignette : 'faut faire gaffe ! 😜
Le 29/01/2024 à 18h51
Modifié le 29/01/2024 à 20h00
Mais quand j'utilise de tels arguments quand on parle d'IA, on me dit que les IA n'ont pas le droit de faire des œuvres ressemblantes et que c'est de la contrefaçon ou du plagiat, même si ce n'est pas strictement identique (même si l'utilisateur le demande pour faire un pastiche).
Je voulais juste souligner en parlant ici de contrefaçon de façon provocatrice, que la question n'est pas si simple quand on parle d'IA en prenant un exemple d'un dessin fait par un humain.
Il ne faut y voir aucune attaque personnelle te concernant.
Modifié le 29/01/2024 à 21h27
Le débat n'est pas clos concernant l'iA, cependant je te dirais malgré tout que l'on peut transposer un certain nombre des points que j'ai soulevé plus haut sur cette technologie :
Déjà, il faut pouvoir qualifier convenablement l'auteur : c'est celui qui écrit le prompt ou c'est le modèle entrainé de l'iA ? les deux ?
Ensuite, il faut pouvoir qualifier son intention.
De mon humble expérience, j'ai quand même la sensation que le commanditaire (celui qui rédige le prompt) n'a que peu de contrôle sur la génération d'image : il dispose principalement de ce qu'on lui propose et il avance ainsi. Il ne finit jamais par obtenir exactement ce qu'il souhaite, mais il se satisfait de ce qu'il obtient.
Par ailleurs, si tu demandes simplement un clown et que tu obtiens une copie de pellicule de Joachim Phoenix dans the Joker, il y a forcément un problème de l'ordre du droit d'auteur, qu'on le veuille ou non.
L'ia n'a pas d'intention. Ce qu'elle sortira comme image peut finir en pastiche de part l'intention de celui qui prompte ou de l'usage qui sera fait de cette image, mais l'image en elle-même, dénuée de cette intention n'est qu'une copie générée parfois au plus proche de quelque chose d'existant (et protégé).
ça ne tranche pas toute la question, mais la difficulté d'y répondre vient peut-être en partie de ce processus "créatif" délégué.
Je dis ça et pourtant personnellement je ne suis pas un grand défenseur du droit d'auteur, qui pour moi doit plus tenir du bon sens moral qu'autre chose. l'ia ne m'inquiète pas non plus, c'est un outil.
La différence de démarche dans le processus créatif selon moi ne permet pas de comparer frontalement, en l'état, production humaine et celle faite par ia.
Modifié le 29/01/2024 à 21h54
En France, visiblement c'est le tribunal qui examine en cas de plainte et détermine si l'oeuvre attaquée est une inspiration, ou un plagiat. La frontière ne semble pas spécialement définie notamment avec le droit au pastiche que tu cites.
Bref, j'ai hâte de voir ce que donneront les décisions US (qui pour le moment ont simplement statué que l'IA ne peut pas être auteur et qu'un travail d'IA ne peut être déposé, pareil au UK, et je pense aussi en France car l'auteur ne peut être qu'une personne physique ou morale), et j'aimerais bien voir aussi des décisions en France.
Le 29/01/2024 à 16h32
Le 29/01/2024 à 21h06
Dans le même genre "graphique", "La battle du vivant" (Tania Louis, Agatha Liévin-Bazin, Elea Heberle)à l'air très prometteur (mais je ne l'ai pas lu, en tout cas pas encore, mais Tania Louis a partagé plusieurs pages sur son compte Mastodon, sous forme de calendrier de l'Avent).
Le blog dessiné "l'avventura" est très bien aussi (https://www.lemonde.fr/blog/lavventura/) mais en le citant j'ouvre peut-être la boite à Trolls, l'auteur ayant réalisé une BD sur Karine Lacombe. On verra bien.
Le 30/01/2024 à 12h10
:)
Le 30/01/2024 à 22h56
Le #0 (planches de BD consultables en ligne après 2/3 clics) est sorti fin d’année dernière : https://recherche.univ-pau.fr/fr/science-et-societe/ebullition-s.html.
En toute objectivité (c’était mon université il y a tr….. et ma femme est l’héroïne de l’une des histoires 😍🦸♀️), les illustrations et le ton humoristique employés rendent la vulgarisation hilarante !!!