Gaia-X « vit toujours » et « arrive à des étapes très concrètes »
« Money time »
Lancé en fanfare, il y a maintenant plus de trois ans, Gaia-X est aux abonnés absents ou presque depuis plusieurs mois. Thierry Souche, CTO de l’hébergeur OVHcloud et membre du conseil d'administration de Gaia-X, nous explique où en est le projet. En deux mots ? « Money time ».
Le 04 décembre 2023 à 18h06
5 min
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En juin 2020, Bruno Le Maire et son homologue allemand, Peter Altmaier, organisaient une conférence de presse commune sur la « concrétisation » du projet Gaia-X. On verra plus loin que le terme « concrétisation » n’était pas forcément le meilleur choix du moment.
Les promesses de l’époque
Le projet était de proposer une place de marché pour les services liés au cloud (stockage, IA, etc.). Les cloud providers pourraient y proposer leurs services, tandis que les utilisateurs viendraient y faire leurs courses.
La volonté affichée était de simplifier la vie des PME, avec une règle d’or : « il ne doit pas y avoir de coût caché lorsqu’une entreprise souhaite sortir ses données de chez un prestataire pour basculer sur un autre fournisseur ». Une pique aux géants américains dont les conditions générales d’utilisation et les tarifs ne sont pas toujours (voir rarement) limpides.
Nous avons déjà consacré tout un dossier au lancement de Gaia-X, qui réunissait alors un grand nombre d’acteurs affichant tous une volonté de proposer une solution européenne. Force est de constater que le soufflé est rapidement retombé.
- Gaia-X : genèse et ambitions du projet européen
- Cloud : le projet européen Gaia-X « ne veut pas réinventer la roue »
- Entre sac de « nœuds » et auto-descriptions, comment Gaia-X pourrait révolutionner le multi-cloud
- Comment fonctionnent les groupes de travail de Gaia-X et que font-ils ?
Les acteurs américains et chinois entrent dans la danse
Toujours en 2020, des dents ont commencé à grincer quand Palantir – spécialiste américain du traitement des données, qui travaille avec des gouvernements, des services de renseignements et la DGSI (entre autres…) – et Salesforce (entre autres) ont rejoint le projet Gaia-X. Aujourd’hui, Gaia-X compte 377 membre des quatre coins du globe : des États-Unis au Japon, en passant par la Chine et le Moyen-Orient.
En 2021, Scaleway – « membre co-fondateur » – claquait la porte. À la même période, Michel Paulin (CEO d’OVHcloud) montait au créneau à propos des sponsors de l'évènement annuel du consortium européen : Alibaba, Huawei ou encore Microsoft. Un choix qu’il qualifiait « de mauvais goût » étant donné les politiques de ces acteurs sur la gestion des données.
En avril 2022, Denis Planat (directeur général de Jaguar Network, qui appartient à iliad, comme Free et Scaleway) parlait même « d’une tromperie en quelque sorte, le mot n’est pas trop fort ». Ambiance…
« Je peux vous confirmer que Gaia-X vit toujours »
Depuis, c'est assez calme et le projet Gaia-X ne fait pas beaucoup parler de lui. Lors du Summit 2023 d’OVHcloud (membre fondateur de Gaia-X), nous avons posé la question de savoir si le projet avait toujours un avenir ? Thierry Souche, CTO de l’hébergeur et membre du conseil d'administration de Gaia-X, nous répond que oui : « Je peux vous confirmer que Gaia-X vit toujours. On travaille énormément pour faciliter un marché des données ».
« Gaia-X est passée d’une phase assez normative à une phase dans laquelle on délivre des assets open source ». En production, ils permettent de « concrètement mettre en œuvre les premiers "data spaces", comme on les appelle ». Ces espaces de données se retrouvent dans chaque secteur d’activité.
Le but est de « fédérer son propre écosystème d’acteurs et offrir des possibilités de partage, de circulation et d’augmentation des données, à partir du catalogage et de la mise à disposition de jeux de données ainsi que d’un ensemble de services de data-science mutualisés », explique Prometheus-X, l’espace de données pour l’éducation.
Thierry Souche nous affirme que Gaia-X « arrive à des étapes très concrètes […] On sort des phases où l'argent public et la subvention alimentent le système. On entre dans les phases qui sont vraiment tirées par le business, par des acteurs qui veulent mettre en place des data spaces ».
Il donne un exemple : « Vous travaillez avec Airbus, vous êtes une petite entreprise. Vous n'allez pas vous créer toute une plateforme codée par vos soins pour mettre vos données dans l'écosystème d’Airbus. C'est le genre de solution qui très très concrètement commence à apporter de la valeur des acteurs de data sets ». « On est dans ce qu’on appelle money time », ajoute-t-il.
« Après beaucoup d’années de normes […] On rentre enfin dans les phases beaucoup plus tangibles. Il est temps, parce qu’il y a beaucoup d'acteurs qui commencent à s'impatienter que la donnée en Europe soit un asset valorisé par les européens », conclut-il. Rendez-vous dans quelques mois pour voir si la mayonnaise prend correctement et si, cette fois-ci, Gaia-X ne va pas se faire phagocyter par les acteurs chinois et américains.
Gaia-X « vit toujours » et « arrive à des étapes très concrètes »
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Les promesses de l’époque
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Les acteurs américains et chinois entrent dans la danse
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« Je peux vous confirmer que Gaia-X vit toujours »
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 04/12/2023 à 21h52
-> quelq'un pourrait me traduire ça ? Je comprends rien...
Le 04/12/2023 à 23h05
Le 04/12/2023 à 23h43
Depuis le début Gaia-X est du vent, et ça semble le rester.
Là, il semblerait qu'il décrit le fait de normaliser l'échange de données entre partenaires économiques. Ce qui a toujours été fait soit par un tableau Excel, soit à la va comme j'te pousse.
Je doute que ça change grace à Gaia-X.
Le 05/12/2023 à 10h16
Encore un projet qui sera enterré sans tambour ni trompettes lorsque les comptes seront définitivement vide.
Tellement habituel...
Modifié le 09/12/2023 à 19h36
Ces données sont pour certain cas assez lourds si on les échangeait "à l'ancienne" (genre un gros fichier contenant un export complet d'une base de données, le tout échangé en sftp). Aujourd'hui on préférera un flux de données, de préférence en mode delta, avec une architecture plus souple (event driven). On échange uniquement que ce qui a changé, pas la totalité des données.
Mais tout le monde ne sait pas faire ça (où a les moyens de faire ça) et un petit fabriquant, super bon dans son domaine (avionique), peut galérer à mort pour recevoir/envoyer ces données dans ce nouveau contexte.
Avoir une solution sur étagère proposée par un acteur comme Gaia-X, sous-condition d'être validé par Airbus, est effectivement un gain de temps pour ce genre d'acteur.
Maintenant, il faut voir concrètement la qualité de tout ça et si ça peut se maintenir dans le temps.
Le 05/12/2023 à 10h22
Cette qualité de novlangue, ça ferait jouir tellement de manager IT.....
Le 06/12/2023 à 01h21
Si ça avançait vraiment il y aurait déjà des systèmes de stockage, des hyperviseurs, gestionnaires de containers, BDD SQL et noSQL, overlay réseau, système de facturation.
Là il n'y a rien, du vent. Même le rgpd est plus digeste que leurs histoires de spaces.
Ce truc est malheureusement devenu une blague style Duke Nukem entre ingés ayant bossé dessus.
Le 11/12/2023 à 15h03
Pour certains, c'était un moyen politique, d'autres un projet purement tech, ou encore un outil de lobbying.
Bref, comme dans beaucoup de projets de cette ampleur, l'objectif de Gaia-X s'est affiné dans le temps une fois l'effervescence des premiers trimestres passés.
La dernière fois que j'ai fais les "dessous de Gaia-X", ça m'a pris 2h. Bien plus que je ne pourrais dire dans un commentaire ici et qui implique pas mal de géopolitique.
Dans les faits, le projet avance et joue son rôle.
Techniquement, on bosse sur du knowledge graph à base de verifiable credentials, des RDF embeddings, l'utilisation de remote workload attestation et de policy reasoning automatic.
Des sujets passionnants surtout combinés ensemble.
Pierre
Gaia-X CTO