Tempête en vue pour la distribution sélective face au bulldozer des plateformes comme eBay ou Amazon ? Un dossier en gestation à la Cour de justice de l’Union européenne ouvre la question des restrictions de vente des produits de luxe dans ces univers.
Mercredi, la Cour de Luxembourg débutera l'examen de l’affaire Coty Germany, du nom d’un fournisseur de produits cosmétiques de luxe en Allemagne. Ses contrats ont en effet été taillés au plus près pour éviter toute vente dans les espaces de vente visiblement peu à la gloire de ses prétentions.
Ses détaillants agréés ont des contraintes d’agencement dans les espaces physiques. Sur Internet, le site vitrine doit également respecter plusieurs obligations afin que « le caractère luxueux des produits soit préservé » résument les services de la CJUE. « Par ailleurs, il est précisé qu’il est interdit au détaillant agréé d’avoir recours de façon visible à des entreprises tierces non agréées pour les ventes par Internet des produits contractuels. »
De l'interdiction des produits de luxe sur Amazon ou eBay
L’un des distributeurs agréés, Parfümerie Akzente, a néanmoins refusé une modification contractuelle programmée en 2012 visant à mettre en musique ces obligations. Elle entend vendre les produits Coty Germany sur Amazon.fr, ce que cette dernière refuse.
Saisi de ce litige contractuel, le tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main a questionné la Cour de justice si l’interdiction sur les différentes problématiques soulevées par ces restrictions au regard du droit de la concurrence de l’Union. Il s’agira de savoir si, concrètement, cette restriction des ventes est, ou non, justifiée.
L’affaire sera examinée mercredi par l’avocat général, lequel rendra un avis. Son analyse juridique est destinée à éclairer la Cour dans son arrêt attendu dans plusieurs semaines, sans que celle-ci soit liée par ses conclusions. La décision pourrait avoir de lourds effets sur les plateformes en ligne si la Cour en déduit que ces clauses sont interdites.
Commentaires (28)
#1
La décision pourrait avoir de lourds effets sur les plateformes en ligne si la Cour en déduit que ces clauses sont interdites.
Et aussi sur les Apple Store? On pourra voir pousser des Cheap Apple Store ? " />
#2
c’est peut-être à cause du lundi matin et du manque de sommeil du week-end, mais je n’ai pas tout compris à la problématique et à qui attaque qui pour quoi :p
#3
#4
C’est pas tout à fait ça…
Parfümerie Akzente est un revendeur de la marque de luxe Coty Germany.
Coty Germany impose à tous ses revendeurs des contraintes “esthétiques” pour avoir le droit de vendre ses produits: agencement pour les magasins et design, certainement, pour le web.
Parfümerie Akzente souhaite vendre en ligne sur Amazon qui n’est pas agréé par Coty Germany.
La question porte sur le fait que “Est-ce que Coty Germany a le droit d’imposer de telles règles à ses revendeurs ?”
#5
Merci pour cette précision, qui me semble capitale. Je comprenais pas pourquoi/comment une marque pouvait interdire ces ventes.
Par le biais de contraintes contractuelles de présentation, graphisme, espace disponible, méthode de vente (un conseiller spécialisé), effectivement, ça doit être possible (aujourd’hui).
Ca voudrait dire que si Amazon (ou rdc, ou cdiscount ou tout autre) pouvait se plier aux règles, ce serait possible de vendre. Intéressant !
#6
Merci :)
" />
#7
merci, pour cet “éclairage” !
#8
Effectivement, on pourrait penser que si Amazon satisfaisait les règles imposées par Coty Germany, le revendeur (Parfümerie Akzente) pourrait vendre sur le marketplace Amazon.
Maintenant, il reste à savoir si une telle clause est “légale” en terme de droit européen…
#9
espérons qu’on aura un CSS de luxe dédié à la vende d’objets de luxe et un CSS normal dédié à la vente d’objets normaux sur amazon.
Avec des polices d’écriture style arabesque ou gothique, un fond doré à faire baver un émir, avec une musique hors de prix en fond de page, toussa toussa, quoi " />
#10
#11
Ou alors tu interdis à Mme Michu les billets >50€
#12
À priori il n’y a pas de problème de concurrence vu que tous les vendeurs sont soumis à la même règle..
Je me trompe?
#13
C’est déjà fait dans certains magasins qui refusent certaines coupures.
Par contre, pour payer des costumes hors de prix, toutes les coupures sont acceptés (cf. Fillon) " />
#14
Il peut y en avoir entre les revendeurs physiques (magasins) et les “démat” (web) et peut-être même entre les démats (pureplayers vs marketplace).
#15
#16
Suffit de limiter les ventes aux clients Amazon premium.
#17
#18
" />
Cependant, un commerçant n’est pas tenu d’accepter les paiements en espèces si le client n’a pas l’appoint.
#19
En vérité, un commerçant est obligé d’accepter les paiement en espèces (sinon, c’est refus de vente), mais pas de rendre la monnaie : C’est effectivement au débiteur de faire l’appoint.
#20
#21
dans la limite de certains montants et si le paiement se fait avec moins de 50 pièces :)
#22
Ce qui est cocasse dans l’affaire c’est que Les Parfums Coty sont une Multinationale Française.
Donc leur filiale Allemande “Coty Germany” empêche un de leur distributeur de vendre en France sur Amazon.fr.
Pour information, les parfums Coty ont été fondé par René Coty qui est devenu Président de la République Française.
#23
Y a pas un parfum Chirac “Bruit & Odeur” aussi? " />
#24
C’est autant un problème de concurrence qu’un problème de refus de vente.
Les contrats de distribution sélectives, qui ne se limitent pas qu’au secteur du luxe, impose au revendeur (qu’il soit online ou magasin) de répondre à des caractéristiques / contraintes spécifiques (stock minimum de produit, présentation, formation des vendeurs,…).
Dans quasiment tous les cas, le contrat n’autorise la revente par un revendeur A à un revendeur B (ce qu’on appelle rétrocession) que si les deux revendeurs ont signé le contrat de distribution sélective.
Pour le cas de cette news, le revendeur allemand (A) veut vendre à un revendeur français (B) mais le revendeur B n’ayant pas signé un contrat avec la marque, le revendeur A n’est pas autorisé à vendre au revendeur B.
Ce que cherche donc le revendeur A vis-à-vis de la marque, c’est prouver l’illégalité de cette clause particulière du contrat.
#25
ça …aussi, c’est clair (re-merci, aussi) !
#26
Merci Marc pour le suivi de ce dossier. Les conclusions de l’Avocat général viennent d’être rendues publiques.
Sans surprise, il considère que cela ne contrevient
Aussi, il incombe à la juridiction
Par
#27
Intéressant les conclusions.
ça valide clairement ce genre de contrat
#28
Le droit n’étant pas binaire, il convient d’être prudent, surtout qu’il s’agit uniquement des conclusions de l’avocat général et pas l’arrêt de la Cour de Luxembourg :
individualisé. Par conséquent, cela interdisait toute vente par les distributeurs agréés sur internet. La CJUE considéra alors la clause comme non proportionnée. Aussi, la Ch commerciale de la Cass rejette le pourvoi en septembre 2013 (cf l’arrêt).
Cette rédaction est conforme aux Lignes directrices sur les restrictions verticales 2010/C 130⁄01 publiées par la Commission européenne le 19 mai 2010. Son point 52 énonce : “le fournisseur peut exiger que ses distributeurs ne recourent à des plateformes tierces pour distribuer les produits contractuels que dans le respect des normes et conditions qu’il a convenu avec eux pour l’utilisation d’Internet par les distributeurs”
Dans ce sens la décision du Conseil de la concurrence, N° 07- D-07 du 8 mars 2007 (celle qui a donné lieu au contentieux Pierre Fabre, cf p.6 à 13) :
un fabricant pouvait valablement refuser d’agréer les sites de
mise en relation car ces plateformes n’apportaient pas, en
l’espèce, de garanties suffisantes concernant la qualité et
l’identité des vendeurs, ce qui pouvait faciliter des reventes illicites
hors réseau ou la vente de produits contrefaits et nuire ainsi à
l’image du réseau concerné.
Ces critères de sélection objective peuvent être par exemple la présentation valorisante des produits et l’absence d’autres produits pouvant déprécier l’image de marque de la tête de réseau (TPIC,12/12/1996, Aff. 7-87⁄92, Yves Saint Laurent Parfums et Givenchy).
Enfin, pour finir, les clauses dans l’affaire Caudalie était rédigées comme suit :
-article 1 : “ Seul un distributeur agréé disposant d’un point de vente physique et respectant l’ensemble des critères de sélectivité sera en droit de vendre en ligne les produits Caudalie sur son site internet.” -article 5 : “Le DISTRIBUTEUR s’engage à créer sur son site web un espace spécialement dédié à la marque CAUDALIE”. Pour aller plus loin , Cf la décisions de l’Autorité de la concurrence des 23 juillet 2014.