Au Sénat, coup de semonce contre la mise en Open Data des décisions de justice
C'est là que le Bas blesse
Le 13 octobre 2017 à 09h00
5 min
Droit
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Le Sénat s’apprête à examiner une proposition de loi visant à encadrer plus strictement la publication, en Open Data, des décisions de justice. Un véritable coup de semonce à l’heure où un groupe de travail prépare justement la mise en œuvre de cette réforme prévue par la loi Numérique.
C’est peu de le dire : la mise en ligne de l’intégralité des décisions rendues par les juridictions civiles et administratives suscite de nombreuses réticences – tant sur un plan éthique que technique.
Le gouvernement Valls, qui s’était décidé à avancer sur ce dossier au Sénat, en dernière ligne droite des débats sur la loi Numérique, en avait d’ailleurs fait les frais. Les élus de la Haute assemblée avaient en effet amendé la réforme voulue par l’exécutif, de telle sorte qu’une « analyse du risque de ré-identification des personnes » soit opérée avant chaque mise en ligne.
Et ce quand bien même il était déjà prévu que cette diffusion se fasse « dans le respect de la vie privée des personnes concernées », c'est-à-dire après anonymisation (comme c'est le cas pour les quelques décisions qui sont d'ores et déjà publiées notamment sur le site Légifrance).
Le Sénat avait déjà obtenu l'instauration d'analyses du risque de ré-identification
Cette initiative avait suscité l’ire d’Axelle Lemaire, la secrétaire d’État au Numérique. « Autant renoncer carrément à l'Open Data des décisions de justice ! » s’était emportée la locataire de Bercy. Et pour cause : « La publicité des jugements est déjà un principe général du droit. L'Open Data n'est que son prolongement, sous forme réutilisable. Il n'y a aucun risque d'atteinte à la vie privée ni de ré-identification des personnes, le Conseil d'État et la Cour de cassation, comme la CNIL, l'ont dit », avait-elle fait valoir.
La suite est connue. Cette disposition a malgré tout été maintenue dans le texte final, mais il a été précisé lors des discussions en commission mixte paritaire que cette « analyse de risque » ne se ferait pas « au cas par cas ». Elle a simplement vocation à constituer « un canevas à prendre en compte pour la mise en ligne des décisions de justice ».
Des garanties toujours insuffisantes, estime-t-on au Palais du Luxembourg
Certains sénateurs continuent cependant de se montrer inquiets. Le 24 octobre prochain, la Haute assemblée examinera une proposition de loi du président de la commission des lois, Philippe Bas, « pour le redressement de la justice ». Au travers de ce texte, largement inspiré d’un rapport sénatorial datant d’avril 2017, l’élu Les Républicains soutient que la loi Numérique n’apporte pas « toutes les garanties nécessaires » à la protection des données personnelles des justiciables, mais aussi des professionnels du droit.
« Au-delà de l'anonymisation de la décision, des informations non nominatives permettent tout de même d'identifier les parties, en raison de leurs qualités ou de la nature du contentieux », s’insurge Philippe Bas.
Le parlementaire considère d’autre part qu’en l’état, les dispositions issues de la loi Numérique risquent selon lui de « faire courir un risque de perturbation de l'office du juge et du cours normal de la justice » :
« Dans les nombreuses affaires jugées à juge unique, les décisions publiées pourraient permettre de connaître le profil de chaque juge. Plus largement, il serait possible de dresser un profil moyen des jugements rendus par chaque juridiction dans tel ou tel type de contentieux. Il peut en résulter un risque de « forum shopping », si les critères de l'affaire s'y prêtent, c'est-à-dire la faculté pour le justiciable de choisir le tribunal le plus à même de satisfaire sa demande, en fonction de sa jurisprudence, mais aussi un risque d'atteinte à la liberté d'appréciation du magistrat et indirectement à l'impartialité des juridictions. »
Pour éviter ces « dérives possibles », le président de la commission des lois propose de compléter les articles 20 et 21 de la loi Numérique. Concrètement, il s’agirait de préciser que les modalités de mise à disposition des décisions de justice « préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions ». Axelle Lemaire en tomberait de sa chaise.
Certains pourraient d’ailleurs objecter que de nombreuses décisions de justice (notamment celles de la Cour de cassation) sont régulièrement mises en ligne – et ce depuis plusieurs années – sur le site Légifrance, après occultation du seul nom des parties.
Un signal clair dans l’attente des décrets de la loi Numérique
Ce coup de semonce n’intervient pas à n’importe quel moment. La Chancellerie a lancé au mois de mai un groupe de travail chargé de plancher sur la mise en Open Data des décisions de justice, en vue de préparer au mieux les décrets d’application prévus par la loi Numérique – et qui n’ont donc toujours pas été pris. Cette mission présidée par le juriste Loïc Cadiet doit justement rendre ses conclusions « fin octobre ». Autant dire qu’il s’agit donc d’un signal assez clair...
Au Sénat, coup de semonce contre la mise en Open Data des décisions de justice
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Le Sénat avait déjà obtenu l'instauration d'analyses du risque de ré-identification
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Des garanties toujours insuffisantes, estime-t-on au Palais du Luxembourg
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Un signal clair dans l’attente des décrets de la loi Numérique
Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 13/10/2017 à 17h35
Il faut dire que certains ne cessent de jouer avec le feu;
https://www.franceinter.fr/justice/la-justice-predictive-revolution-ou-simple-fantasme
Le 13/10/2017 à 17h54
Le 14/10/2017 à 09h16
Que c’est beau : l’important n’est pas l’information mais qui y a (ou pas) accès.
Les “affinitées” de tel tribunal ou de tel juge sont des secrets de polichinels dans la professions (cela ne veut pas dire qu’il sont forcément mauvais ou bon, mais qu’ils peuvent avoir une appréciation, lorsque le cas est limite, dans tel ou tel direction).
Bien entendu, pour le “savoir”, il faut cotoyer et suivre les dossiers. Ou alors rester dans le tribunal (les séances sont publiques, sauf cas particulier) et se faire sa propre opinion.
Bref, c’est du corporatisme de bas étage “on a une information qui est “compliquée” à savoir actuellement, elle est “publique” mais on veut la rendre “privée” pour continuer à avoir un avantage par rapport au simple citoyen.
Et c’est d’ailleurs dommage car cela permettrait de mettre en exergue d’autres biais dans les jugements (par exemple la probabilitée plus ou moins importante d’être condamnée suivant l’heure du jugement)…
De toute façon, il ne faudra pas attendre à ce que les juges et avocats et politiciens essaient de corriger leur biais et faire une justice plus objectifs. Il y a déjà un certain nombre d’étude scientifiques sur ces points, ils les ont consciensieusement mis sous le tapis. (De toute façon, justice et science, ça fait 2).
Le 14/10/2017 à 11h02
Le 14/10/2017 à 11h29
Le 14/10/2017 à 15h13
Le 14/10/2017 à 17h34
Le 14/10/2017 à 18h28
Le 14/10/2017 à 21h53
Ok, je vois …
Quand j’apporte des faits vérifiables, sans jamais supposer quoi que ce soit sur toi, ce sont des “invectives”
Quand tu me traites de complotiste et “devine mes gouts” , ce sont des “explications”.
Quand je t’oppose des faits scientifiques (renseigne toi su les biais et pourquoi la méthode scientifique existe), ce n’est pas des faits vérifiables, mais uniquement une humeur parce “tes explications me déplaisent”.
C’est dingue comment on a absolument pas le même vocabulaire, et visiblement le ltlf http://www.le-tresor-de-la-langue.fr/definition/invective), et wikitionnary (https://fr.wiktionary.org/wiki/invective) n’ont pas le même que toi.
(oui je serais fort curieux de savoir où je t’ai invectivé, car ce n’était nullement mon intention. Pensant qu’on peut tout se dire si on est respectueux et sans s’envoyer des noms d’oiseaux.
Ainsi donc si je t’ai violenté ou injurié , je serais fort intéressé, ne serait ce que pour m’excuser et éviter de reproduire les termes qui ont pu te blesser.
).
Amuses-toi bien dans ta bulle et bon week end :)
Le 13/10/2017 à 10h00
“C’est là que le Bas blesse”
il faut mettre des collants (pour garder ces données) " />
Le 13/10/2017 à 10h31
« C’est là que le Bas blesse »
J’irai même jusqu’à avancer que « C’est là où le bât blesse », quitte à passer pour un âne. :)
Le 13/10/2017 à 10h48
Bas de contentieux donc ?
Le 13/10/2017 à 10h50
Le 13/10/2017 à 11h30
Je dis juste qu’au Sénat, ce sujet fait des Bas et je te rejoins dehors, en plus il fait beau. " />
Le 13/10/2017 à 13h44
Dans un sens, il n’as pas tord dans son commentaire. S’il peut en sortir quelque choses de positifs montrant une justice plus clémente ou plus forte en fonction des lieu.
Il y a un risque, non négligeable de remettre en cause l’impartialité des juges, une certaines méfiance (déjà plus ou moins existante) vis à vis de la justice et de faire appel à la juridiction qui peut nous offrir le plus de chance de nous être favorable.
Après ces données et statistique, ainsi que ce travail d’analyse, les cabinet d’avocat “important” doivent déjà potentiellement déjà le faire. Tout comme au niveau local, les avocats connaissent les pratiques de tel ou tel juge.
Les arguments portant sur les juridictions nationales (cours de cassation) par exemple sont un peu fallacieux, car ces décisions ont justement une porté nationales et servent de base dans les différents tribunaux. En revanche, les décision des tribunaux prennent en compte parfois des spécificité des régions qui s’efface dans d’autre.
Le 13/10/2017 à 14h30
Le Second degré, c’est trop dur à supporter? " /> (vous savez que j’aime faire de l’humour, même parfois à contretemps)" />