Sixième censure constitutionnelle de la loi sur l’état d’urgence
#angélisme
Le 12 janvier 2018 à 09h30
5 min
Droit
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Hier, le Conseil constitutionnel a censuré une nouvelle disposition de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence. Celle concernant les zones de protection ou de sécurité. C’est la sixième censure visant le texte de 1955, dans sa rédaction postérieure aux attentats du Bataclan.
Les assurances des ministres de l’Intérieur sur la solidité de la loi sur l’état d’urgence sont, décision après décision, réduites à peu de chose. En témoigne cette nouvelle décision rendue hier par les neuf Sages qui vise l’instauration des zones de protection.
L'article 5 de la loi de 1955 autorise le préfet à instituer dans le département « des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé », dès lors que le département en question est soumis à un péril imminent ou une calamité publique.
Les associations La cabane juridique / Legal Shelter et le réveil voyageur, rejointes par le GISTI, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France, ont néanmoins attaqué cette disposition par une question prioritaire de constitutionnalité.
Au regard des conditions de mise en œuvre, jugées bien trop légères, elles estimaient qu’il y aurait atteinte à la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée, au droit de mener une vie familiale normale, au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, outre encore une violation à l’article 34 de la Constitution qui fixe le domaine de compétence du législateur.
Atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir
Il faut dire que, comme le rappelle Le Monde, la préfète du Pas-de-Calais avait utilisé cet article pour instaurer une zone de protection dans la « jungle » de Calais. « Elle justifiait alors l’interdiction d’accéder au camp de migrants par des risques d’actions violentes d’activistes, les No Border », expliquent nos confrères.
Grâce à ce texte très généreux pour les pouvoirs du préfet, les associations, les avocats, mais aussi les journalistes s’étaient vus interdits d’accès.
Le Conseil constitutionnel a sans surprise suivi ces conclusions, reprochant au législateur de n’avoir soumis ces zones de protection ou de sécurité à aucun autre encadrement. En particulier, « il n'a pas défini la nature des mesures susceptibles d'être prises par le préfet pour réglementer le séjour des personnes à l'intérieur d'une telle zone et n'a encadré leur mise en œuvre d'aucune garantie. »
Il en a déduit très logiquement une absence de conciliation entre d’une part la sauvegarde de l'ordre public et d'autre part la liberté d'aller et de venir.
Cette décision n’est d’ailleurs pas une surprise puisqu’elle est dans la veine d’une précédente censure visant la possibilité pour l’autorité administrative d’interdire le séjour d’une personne dans un département durant l’état d’urgence.
Des zones de protection aux périmètres de protection
Cette décision est d'une certaine manière datée. Avec la loi du 11 juillet 2017, le législateur a rectifié l'article 5 ici sanctionné, en expliquant que le but de ces zones est « de prévenir des troubles à la sécurité et à l'ordre publics ». De plus, les mesures doivent impérativement tenir compte « de la vie familiale et professionnelle des personnes susceptibles d'être concernées ». le Conseil constitutionnel n'a pas eu l'occasion d'examiner cette nouvelle rédaction.
Surtout, la loi sur « l’état d’urgence permanent » du 30 octobre 2017 a décalqué dans le droit commun ces zones, rebaptisées désormais « périmètres de protection ». Les dispositions sont beaucoup plus détaillées, mais on ne peut présager de leur conformité puisqu’elles n’ont toujours pas davantage été auscultées par le juge (sur ce point, voir cette procédure en cours).
Des censures à la pelle
La décision d’hier est en tout cas la sixième censure de la loi de 1955 depuis sa réactivation après les attentats du Bataclan. « Les deux tiers du dispositif législatif étaient illégaux, jauge maître Spinosi dans les colonnes du Monde, ce qui prouve en passant que les menaces sur les libertés n’étaient visiblement pas tout à fait de l’angélisme. »
On retrouvera ci-dessous un panorama des six censures en question :
- 2 décembre 2016 : Perquisitions dans le cadre de l’état d’urgence n°3 (décision)
- 19 février 2016 : Perquisitions et saisies administratives (décision)
- 16 mars 2017 : Assignation à résidence (décision)
- 9 juin 2017 : Interdiction de séjour (décision)
- 1er décembre 2017 : Contrôles d'identité, fouilles de bagages et visites de véhicules (décision)
- 11 janvier 2018 : Zones de protection (décision)
Ajoutons une septième décision en date du 23 septembre 2016 qui concerne cependant un texte antérieur à la loi du 20 novembre 2015, « relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions », votée après les attentats du Bataclan.
Sixième censure constitutionnelle de la loi sur l’état d’urgence
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Atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir
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Des zones de protection aux périmètres de protection
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Des censures à la pelle
Commentaires (21)
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Abonnez-vousLe 12/01/2018 à 09h46
J’aime le ton acide de l’article. " />
Le 12/01/2018 à 10h16
Toutes ces belles censures qui vont dans le bon sens.
On a besoin de plus de juges (et tout le personnel qui va avec) pour répondre rapidement aux besoins opérationnels des forces de l’ordre (et leur dire non aussi, hein) et pas du tout d’ignorer l’existence des juges et de donner le pouvoir à une administration…
Le problème, c’est que c’est long à former un juge et que personne n’a lancé ni le renforcement des moyens de formations, ni les recrutements… Le manque de vision à moyen terme de nos gouvernements est bien triste.
Le 12/01/2018 à 10h23
Le 12/01/2018 à 10h24
C’est pas déconnant en même temps.
Et sérieusement, on peut quand même noter que c’est quelqu’un de droite, dans ce cas Nicolas Sarkozy, qui a fait mettre en place le principe des QPC, qui ont presque “révolutionnées” le droit.
Sinon a force de tester ils vont bien réussir à faire passer des textes valables ces branquignols …
Le 12/01/2018 à 10h28
c’est confirmé, le Conseil Constitutionnel est un repaire de gauchistes cosmopolites capitulards.
Jeanne, au secours!
Le 12/01/2018 à 10h34
Wikipedia: “Le Conseil constitutionnel français est composé de neuf juges nommés
pour neuf ans et renouvelés par tiers tous les trois ans[…] Les membres sont désignés respectivement par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, à raison d’un tiers chacun”
Le 12/01/2018 à 10h35
Le 12/01/2018 à 10h40
Tu plaisantes, regarde la composition du conseil constitutionnel. On fait difficilement plus à droite… En faite, pour instaurer cet états d’urgence, il faudrait réformer la constitution, sauf que la on verrait très clairement l’aspect autoritaire de cette loi. Je pense que le gouvernement le savait parfaitement, mais ne pouvait pas renoncer politiquement à cette réforme… Le conseil constitutionnel sert de prétexte à ce renoncement.
Le 12/01/2018 à 10h42
Parmi les 9 en place 2 ont été nommé par hollande, 1 par sarkozy et 0 pour macron.
Le 12/01/2018 à 10h43
On arrive à importer des médecins étrangers, mais autant le corps humain est le même sur toute la planète, autant le droit français, c’est un truc qu’on trouve que chez nous…
Pas le choix, la seule solution, c’est de mettre du budget dans la justice à de nombreux niveaux.
Le 12/01/2018 à 11h14
C’est pas grave, on tentera une 8e fois " /> Ca finira bien par passer ! #RoccoStyle
Le 12/01/2018 à 11h20
Pire: s’ils sont contre les mesures prises contre le terrorisme par nos chers gouvernements, c’est qu’ils sont pour le terrorisme " />
Le 12/01/2018 à 11h29
Si j’ai bonne mémoire, c’est en ce fondant sur cette disposition qu’il avait été tenté d’empêcher les avocats (de l’ADE notamment) d’aller aider les migrants
Le 12/01/2018 à 12h26
Ainsi que Gaspard Glanz de Taramis News
Le 12/01/2018 à 12h41
Le préfet Papon aurait soutenu cette proposition d’Hollande/Macron/Valls dignes successeurs de Pétain " />
Le 12/01/2018 à 12h55
Le 12/01/2018 à 12h59
Comment censurer un journaliste…. Vive taranis.
Le 12/01/2018 à 13h13
J’ai eu pas mal de dentistes étrangers qui s’étaient installés en France, mais, ça fait un moment qu’ils s’étaient installés quand même. Et puis c’est une poignée, pas une généralité, il faut quand même aller à la fac passer les équivalences, et ils sont pas obligés d’aimer bosser avec la sécu !
Les gens formés en droit étranger, ça court pas les rues quand même, au final, je suis d’accord, la seule solution viable, c’est de former des gens sur place et pour ça, il faut donner envie aux lycéens de s’y orienter, ouvrir des places dans les filières de formations (c’est aussi vrai pour le droit que les médecins) et ouvrir des postes pour ces personnes (ça s’applique plus à la justice qu’à la médecine, mais l’influence de l’état sur la médecine est importante quand même).
J’ai rarement rencontré des gens qui rêvaient d’être juge (ou sinon, ils voulaient être judge dredd), et ceux qui voulaient être médecin ont pris cher sur les deux premières années de fac (aussi bien par la sélection que par les abandons qu’elle provoque).
Si le gouvernement cherche du boulot pour s’occuper, c’est quand même deux sujets hyper utiles.
Le 12/01/2018 à 13h17
Le 12/01/2018 à 14h37
Le 15/01/2018 à 16h35
Censure, pelle… de quoi enterrer une idée ? " />