Seagate, Western Digital : deux géants dans un mouchoir de poche
Disques durs et concurrence molle ?
Le 31 janvier 2018 à 08h00
8 min
Économie
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Avec quelques jours d'écart, Seagate et Western Digital, les deux principaux fabricants de disques durs, ont publié leurs résultats financiers pour le deuxième trimestre de leur exercice 2018. Comme nous avons pu le constater, il n'y a pas que sur l'agenda de publication de leurs comptes que les deux adversaires se suivent de très près.
La traditionnelle valse des publications de résultats trimestriels a débuté il y a maintenant une semaine et les présentations destinées aux investisseurs ou aux analystes s'enchaînent à un rythme effréné. Ces derniers jours, Seagate et Western Digital, les deux ogres qui se partagent plus de 80 % du marché des disques durs, ont tous deux publié leurs résultats financiers pour le deuxième trimestre de leur exercice 2018.
En plus d'avoir des parts de marché très proches (de l'ordre de 40 %, laissant les miettes restantes à Toshiba), les deux entreprises se trouvent confrontées aux mêmes problèmes et tentent de se diversifier de la même manière pour réduire leur dépendance à un marché du disque dur en pleine contraction depuis plusieurs années. C'est pourquoi, en plus de revenir sur les résultats des trois derniers mois de Seagate et de Western Digital, nous avons choisi d'établir aujourd'hui un état des lieux du marché des disques durs, au travers de l'historique financier de ces deux entreprises.
Seagate joue le maintien
Chez Seagate, les trois derniers mois ont été plutôt tranquilles. Le fabricant affiche un chiffre d'affaires relativement stable, à 2,914 milliards de dollars, contre 2,894 milliards un an plus tôt (+ 0,7 %). Sa marge brute recule quant à elle de 0,7 point sur un an, pour s'établir à 30,1 %, un des niveaux les plus hauts observés ces six dernières années pour l'entreprise.
Le résultat net est par contre en net recul. Il atteint 159 millions de dollars, soit presque deux fois moins que l'an dernier à la même période. Il n'y a toutefois pas besoin d'aller chercher la raison de cette variation très loin. L'an dernier, Seagate n'avait provisionné que 13 millions de dollars pour payer ses taxes, contre 212 millions cette année. Sur cette somme, 208 millions sont provisionnés au titre du rapatriement d'environ un milliard de dollars de liquidités aux États-Unis (nous y reviendrons).
Il y a toutefois un point sur lequel le constructeur progresse nettement : sur la capacité des disques durs livrés au dernier trimestre. Au total, ce sont 87,5 Eo (soit 87,5 millions de To) d'espace de stockage qui ont trouvé preneur ces trois derniers mois, contre 68,2 Eo un an plus tôt. La taille moyenne des disques livrés est elle aussi en nette hausse, puisqu'elle atteint 2,2 To, contre 1,9 To non seulement l'an dernier, mais aussi au trimestre précédent.
On notera tout de même que la taille des disques livrés varie fortement en fonction de leur destination. Ainsi, ceux ciblant les marchés des ordinateurs de bureau et portables n'affichent qu'une capacité moyenne de 1,1 To (contre 1 To l'an dernier). À l'extrême opposé, les datacenters optent en moyenne pour des modèles de 4,3 To, contre seulement 3 To il y a un an.
De quoi relativiser l'importance des annonces du constructeur, lancé dans une course à l'échalote avec Western Digital afin de présenter les plus gros disques durs possibles. L'an dernier, la marque annonçait vouloir produire des modèles de 16 To d'ici 18 mois, mais force est de constater qu'en raison de l'inertie du marché, ces capacités sont encore loin de représenter le gros des ventes.
Effet Trump chez Western Digital
Du côté de Western Digital, le deuxième trimestre a été plutôt productif, comme en témoigne les 5,336 milliards de dollars de chiffre d'affaires enregistré, en hausse de 9 % par rapport à l'an dernier. La marge brute atteint 37,7 %, soit 6,4 points de mieux qu'au deuxième trimestre de l'exercice précédent. C'est d'ailleurs le score le plus élevé enregistré ces six dernières années pour WD.
Cependant, chiffre d'affaires et marges en hausse ne sont pas synonymes d'explosion des bénéfices cette fois-ci, bien au contraire. Western Digital affiche en effet des pertes nettes de 823 millions de dollars, à opposer aux 235 millions de bénéfices enregistrés l'an dernier.
Pour comprendre ce chiffre, il faut là aussi se pencher sur la ligne « Income tax expense » du bilan de l'entreprise. L'an dernier, WD avait provisionné 86 millions de dollars à cette fin, contre 1,597 milliard cette année. Pourquoi autant ? Tout simplement parce que le fabricant a décidé de profiter du « tax break » instauré par l'administration Trump. Pour rappel, cette mesure permet aux entreprises américaines de rapatrier aux États-Unis le cash « off-shore » qu'elles détiennent, ce avec un taux d'imposition de seulement 21 %, contre 33 % habituellement.
L'opération coûtera 1,657 milliard de dollars à l'entreprise (qui par prudence table sur un taux moyen à 28 %), qui seront réglés selon un échéancier s'étalant jusqu'à juillet 2026. En contrepartie, elle pourra rapatrier sur le sol américain près de 5 milliards de dollars de liquidités.
Comme son concurrent, Western Digital a connu une nette croissance de la capacité de stockage totale livrée à ses clients. Le fabricant a ainsi sorti 95,3 Eo de stockage sur 42,3 millions de disques durs de ses usines, contre 77,8 Eo sur 44,8 millions de supports au deuxième trimestre de l'exercice précédent. La capacité moyenne des disques livrés par WD évolue d'ailleurs exactement dans les mêmes proportions que Seagate, passant de 1,737 To à 2,253 To sur cette période.
Copiés et collés
Les similitudes entre les deux entreprises sont loin de se limiter à ces quelques données sur deux trimestres. Nous sommes remontés jusqu'au début du premier trimestre de leur exercice 2012, il y a six ans, au moment des fameuses inondations qui avaient provoqué de subites hausses du prix du stockage en raison de l'indisponibilité de plusieurs usines.
Sur la capacité totale des disques durs vendus chaque trimestre par exemple, les deux concurrents sont au coude à coude depuis six ans. Seagate n'est passé devant son rival que lors des mois qui ont suivi les inondations, mais reste depuis à quelques longueurs seulement de Western Digital. Sur la capacité moyenne des disques livrés, les similitudes sont encore plus nettes, puisque à quelques exceptions près, les deux courbes se superposent quasi parfaitement.
Sur les volumes de disques vendus, là encore, les deux rivaux affichent des tendances très proches, et leurs parts de marché respectives n'ont évolué que marginalement ces dernières années. On regrettera toutefois que Seagate ne communique plus sur ses volumes de ventes de disques durs depuis le deuxième trimestre de son exercice 2017, empêchant ainsi de voir si la tendance se confirme sur les douze derniers mois.
Les deux marques ont également communiqué à leurs investisseurs le prix de vente moyen de leurs produits, mais depuis maintenant un an, Western Digital est la seule à encore le faire. Néanmoins, les quelques données disponibles, bien qu'incomplètes dans le cas de Seagate, restent très intéressantes.
Non seulement, le tarif moyen pratiqué par les deux sociétés est souvent presque identique, mais en plus son évolution est restée très mesurée depuis la fin de la crise causée par les inondations . Chez Seagate, entre 2013 et 2017, il est resté dans une fourchette comprise entre 58 et 67 dollars, contre 58 à 63 dollars chez Western Digital.
Enfin, il reste un dernier point sur lequel les deux concurrents observent une évolution semblable : la taille de leurs effectifs. Tous deux ont assez nettement taillé dans leurs forces vives ces dernières années. Des 57 879 personnes présentes chez Seagate au début de l'exercice 2013, il n'en reste plus que 40 966, soit 29,2 % de moins. Chez Western Digital, les effectifs sont passés de 103 111 personnes (après l'intégration des équipes de SanDisk), à 71 300 sur la même période (- 30,8 %).
Aussi nombreuses que puissent être ces ressemblances, il reste prématuré de parler d'entente entre les deux constructeurs. Tous deux subissent les mêmes effets que le marché qu'ils maîtrisent, il est donc assez logique qu'ils se rendent coup pour coup, aussi bien sur le plan commercial que sur celui des innovations techniques, et qu'ils vendent leurs produits aux mêmes clients, qui ont a fortiori les mêmes exigences. Il ne reste plus qu'au troisième larron, Toshiba, d'essayer de faire bouger ces lignes, mais avec les moyens dont il dispose actuellement, la partie est loin d'être gagnée.
Seagate, Western Digital : deux géants dans un mouchoir de poche
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Seagate joue le maintien
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Effet Trump chez Western Digital
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Copiés et collés
Commentaires (19)
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Abonnez-vousLe 31/01/2018 à 08h53
J’ai l’impression que les prix commencent à baisser depuis peu et surtout avec des promos.
On voit les modèles Ironwolf très souvent à prix réduit et les gamme Red ont de temps en temps des promos sympathiques.
Le 31/01/2018 à 09h09
Le résultat est logique, les gros consommateurs de DD sont des serveurs et si je devais faire un RAID miroir je prendrait deux DD de marque différentes pour limiter le mode commun de défaillance.
Le 31/01/2018 à 09h51
Généralement on prend la même marque et le même modèle pour avoir les mêmes perfs mais des séries différentes pour éviter que ca tombe en panne en même temps.
Jamais vu de serveurs livrés avec des disques de marques différentes en tous cas.
Le 31/01/2018 à 10h40
Il n’y a que moi que ça choque de lire résultats du 2e trimestre 2018????
Le 31/01/2018 à 10h41
En tant que particulier comment fait-on pour acheter des disques durs de séries différentes ?
Le 31/01/2018 à 10h44
Visiblement, c’est un coup de génie ce “tax break” quand on voit le nombre de société prêtes à rapatrier leurs fonds aux USA. On a une estimation de combien ces taxes supplémentaires vont rapporter ?
Le 31/01/2018 à 10h50
Leur année d’exercice est à cheval sur 2017⁄2018 et doit commencer au 1er juillet. C’est donc bien leur second trimestre de l’année (non calendaire) qui finira en 2018.
Edit : j’ai vérifié pour Western Digital, mais ça doit être la même chose pour Seagate.
Edit 2 : après vérification, c’est bien aussi le cas pour Seagate.
Le 31/01/2018 à 10h57
c’est tordu comme système.
La formulation est totalement incohérente, des résultats devant se faire sur le passé, c’est l’année 2017 qui devrait être utilisée…
Le 31/01/2018 à 11h06
Tu évite les promotions où les disques sont venu par pair, ce sont souvent deux disques de la même série.
Ensuite tu achète chez deux revendeurs… Ou alors tu contact le revendeur et tu stipule bien ton exigence (au prés du service commercial par exemple)
Le 31/01/2018 à 11h08
Si ils avaient nommé l’année 2017, tu aurais fait la remarque inverse pour les résultats du prochain trimestre qui aurait été nommé 3ème trimestre 2018 alors qu’il s’étend du 1er janvier 2018 au 31 mars 2018.
OK on pourrait aussi la nommer 2017-2018.
En France aussi, on peut choisir une année qui n’est pas calendaire, je n’ai jamais prêté attention au nommage de l’année.
Le 31/01/2018 à 11h11
oui, 17-18 serait plus cohérent.
Le 31/01/2018 à 12h24
Chaque boite numérote ses trimestres comme elle le souhaite. Chez Nvidia par exemple, le Q4 FY18 s’étale de novembre 2017 à janvier 2018.
Ce qui me vaut a chaque fois une dizaine de signalements d’erreur par mail, alors qu’il suffirait de cliquer sur un lien pour voir que je ne me suis pas planté " />
Le 31/01/2018 à 12h38
C’est le principe de l’année fiscale rien n’oblige à ce qu’elle coïncide avec l’année civile.
Le 31/01/2018 à 14h01
Tu peux acheter sur deux sites différents ou alors tu attends quelques semaines entre la 1ere et la 2nd commande
Le 31/01/2018 à 14h03
Le 31/01/2018 à 14h07
D’où ma première suggestion.
Le 31/01/2018 à 14h09
Perso, j’ai pris 4*3TB en 1 seule fois, mais dans la gamme NAS (WD RED).
J’ai reçu des séries différentes.
J’ai peut-être eu du bol, ou parce que c’est une série orientée NAS ils font d’eux-même des mixes.
Le 31/01/2018 à 15h29
Le 05/02/2018 à 12h40