Avec sa News Initiative, Google veut rendre les éditeurs plus dépendants de ses services
Et lutter contre les fausses nouvelles
Le 21 mars 2018 à 08h35
5 min
Internet
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L'annonce était attendue, elle est tombée hier : Google ouvre les vannes de son dispositif d'abonnement à la presse payante. L'offre s'accompagne de plusieurs services qui aideront les éditeurs (et leurs lecteurs) à rester au sein de l'écosystème maison. Le tout enrobé de lutte contre les fausses nouvelles.
En plein débat sur les fausses nouvelles et alors que Facebook est empêtré dans le scandale Cambridge Analytica, le géant de la recherche veut tirer son épingle du jeu et se présenter comme un partenaire vertueux des producteurs de contenus.
Un écosystème, dont la vigueur financière est jugée nécessaire à la bonne santé de la société, qui bénéficie déjà de ses largesses : « l'année dernière, nous avons distribué 12,6 milliards de dollars à nos partenaires et renvoyé dix millions de clics par mois sur les sites des éditeurs gratuitement » indique Philipp Schindler, Chief Business Officer pour Google.
On peut y voir un message à ceux qui essayent de mettre en place un droit voisin en Europe. Mais cette petite musique douce oublie au passage que ce sont le plus souvent les gros partenaires, au plus près des tendances de Google, qui obtiennent une bonne partie de ce « gâteau ».
Le combat pour une presse de qualité
Après avoir évoqué ses différents programmes tels qu'AMP, le Google News Lab, le changement des règles en matière de contenu payant ou son fonds de soutien Digital News Initiative, la société annonce le lancement de la Google News Initiative. Elle met 300 millions de dollars sur la table (la répartition n'est pas détaillée), pour ce programme d'une durée de trois ans.
Cette nouvelle marque ombrelle doit symboliser les efforts du moteur en matière de soutien au journalisme de qualité, payant et innovant. Ce après des années de promesses sur le sujet, aux résultats parfois mitigés, comme on peut le voir facilement dans les résultats de recherche ou Google News.
Mais cette fois, c'est la bonne, promet la plateforme américaine qui dit vouloir « bâtir un avenir meilleur pour le journalisme » et se focaliser sur la question de la diffusion de fausses informations, à coup d'algorithmes surentrainés et de partenariats. Outre la mise en avant de sources « vérifiées », Google lance le Disinfo Lab et MediaWise. Le premier est en partenariat avec First Draft, le second avec le Poynter Institute, l'université de Stanford et la Local Media Association.
Pour soutenir le combat des journalistes, Google avance la solution open source Outline, qui fait partie de l'incubateur Jigsaw d'Alphabet, tout comme Google Shield. L'éditeur veut leur fournir une solution clé en main pour l'installation d'un VPN à travers leurs serveurs ou ceux de tiers.
Faire passer les abonnements par Google
Dans le même temps, le programme S'abonner avec Google Play est lancé, pour faire de la société un partenaire de choix pour l'abonnement à des médias en ligne. Un changement de position intéressant pour Google, à qui ces revenus échappent presque totalement, contrairement aux dispositifs publicitaires où il est assez présent.
De quoi relancer le débat sur la dépendance aux plateformes, puisque l'abonnement sera géré et payé depuis le compte Google de l'utilisateur, tout comme sa connexion. L'objectif affiché est de proposer une solution en un clic, le tout facilité par l'utilisation de la technologie AMP, également poussée par Google.
En France, Le Figaro, Les Echos et Le Parisien sont partenaires. Ces deux derniers, appartenant au groupe LVMH, ont d'ailleurs obtenu un financement du fonds DNI de Google lors de son dernier round afin de revoir leur dispositif d'abonnement. Le Figaro et Les Echos ont récemment annoncé des solutions techniques autour d'Assistant et des enceintes connectées Home.
Les éditeurs intéressés peuvent se faire connaître via un formulaire.
Les services de Google largement mis en avant
La société pousse ses capacités de machine learning, de traitement des données et l'infrastructure de DoubleClick pour séduire ses partenaires. Cette dernière solution commence par exemple à intégrer la notion de « potentiel à s'abonner » pour proposer ou non un abonnement.
Google Analytics est aussi mis à contribution avec le service News Consumer Insights, assurant à Google que les éditeurs continueront à utiliser ses solutions de mesure d'audience plutôt que celles de la concurrence, récoltant au passage les données des internautes. Des segments de lecteurs seront ainsi composés afin, là aussi, de distinguer les abonnés des abonnés potentiels et autres lecteurs fidèles de ceux qui ne sont que de passage.
L'utilisateur abonné à un média verra son contenu en priorité dans les résultats de recherche, qu'il se soit abonné via Google ou non. Le média devra néanmoins participer au programme et l'utilisateur être connecté à son compte Google pour que tout cela fonctionne, bien entendu.
De quoi assurer au géant américain d'être le grand gagnant puisqu'il gère l'abonnement, dispose des données, propose une mise en avant publicitaire avancée et prend une commission au passage. Le tout avec des conditions qui pourront évoluer dans le temps.
Ce, alors que Bruno Le Maire s'inquiétait récemment des pratiques de sociétés comme Google au sein de leurs stores, vis-à-vis des développeurs d'applications.
Avec sa News Initiative, Google veut rendre les éditeurs plus dépendants de ses services
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Le combat pour une presse de qualité
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Faire passer les abonnements par Google
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Les services de Google largement mis en avant
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 21/03/2018 à 09h06
Ah ah ah et quand ils seront enchaînés ils feront moins les cons à vouloir taxer les GAFA sur les images, les articles, les liens, Google News, les bandes passantes, les éclipses solaires, etc
A moins de vouloir se prendre un “Ah au fait on multiplie notre commission par 2. Mais vous pouvez partir sans problème, sans aucune donnée :)”
Le 21/03/2018 à 09h43
En France, Le Figaro, Les Echos et Le Parisien sont partenaires. Ces deux derniers, appartenant au groupe LVMH, ont d’ailleurs obtenu un financement du fonds DNI de Google lors de son dernier round afin de revoir leur dispositif d’abonnement. Le Figaro et Les Echos ont récemment annoncé des solutions techniques autour d’Assistant et des enceintes connectées Home.
Heuuu, c’est pas ces derniers qui critiquaient google en raison de leur dépendance à celui-ci et sa manie de faire ce qui lui chante?
Pour lutter contre, ils ont donc rien trouvé de mieux que d’accroitre encore plus leur dépendance à google et lui verser une com en plus pour chaque abonnement.
Je crois que ça n’étonnera personne si ces journaux coulent d’ici quelques temps.
(bon en même temps, pour le figaro, ce ne sera pas une grande perte)
Le 21/03/2018 à 09h45
Quand ils se rendront compte que ce n’est pas dans leur intérêt d’être trop dépendant de Google, Facebook et consorts car ils peuvent modifier unilatéralement les conditions des contrats (et ce n’est pas un média français qui aura beaucoup de poids pour faire des négociations), il sera trop tard. Enfin pour moi, il est déjà trop tard pour certains médias, cf leurs réactions lorsque Facebook a modifié quels types de contenus étaient mis en avant. Mais bon, qu’ils continuent de faire l’autruche, ils ne faudrait surtout pas qu’ils remettent en cause leur modèle économique, s’ils coulent, c’est la faute au piratage. Quoi, on n’est pas trolldi aujourd’hui?
Le 21/03/2018 à 10h08
nous sommes en 52 après l’invention d’Internet, et une petite tribu d’irreductibles resiste toujours à coups de canards et de CADAstrike :)
Le 21/03/2018 à 10h10
abus des acteurs => régulation => abus des régulateurs => dérégulation => abus des acteurs => …
Que ce soit sur les offres, la neutralité, l’hébergement, les news, le téléchargement, les licences, … j’ai l’impression qu’on est dans un cercle sans fin de régulation/dérégulation à chaque fois qu’il y a un abus des acteurs/régulateurs.
Le 21/03/2018 à 12h52
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Le 21/03/2018 à 14h09
c’est le problème avec les toxicos: faut augmenter les doses sinon ils savent plus comment ils s’appellent.
la perfusion de l’Etat ne suffisant plus, ils ont trouvé un nouveau dealer.
là le dealer a un nouveau produit avec un joli package, et ils en redemandent.
ils jouent sur les deux tableaux, demandant plus aux pouvoir publics pour ne pas être dépendant des GAFAM, tout en se perfusant chez Google et Facebook pour grappiller quelques abonnés.
Le 21/03/2018 à 18h37
Le problème n’est pas que du côté des éditeurs de presses. Il est également côté consommateurs. Si les consommateurs d’information ne passent plus que par facebook ou google, ce n’est pas surprenant que les éditeurs (ou leurs financiers) cherchent à capter cette part de marché pour survivre, même si il faut partager.