Libertés numériques : les parlementaires planchent sur une charte à valeur constitutionnelle
Une question de principes
Le 11 juin 2018 à 13h54
6 min
Droit
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À l’approche de la réforme constitutionnelle, députés et sénateurs ont lancé un groupe de travail commun dédié aux droits et libertés « à l'ère numérique ». L’objectif : réfléchir à l’introduction d’une charte, semblable à celle insérée dans la Constitution en 2004 afin de protéger l’environnement.
Plutôt que d’amender le texte suprême par à-coups, en introduisant tantôt des dispositions sur la protection des données personnelles, tantôt sur la neutralité des réseaux, ne vaudrait-il mieux pas instaurer une charte à valeur constitutionnelle abordant spécifiquement les « dossiers numériques » ? Telle est la question sur laquelle planche depuis quelques semaines le groupe de travail sur les « droits et libertés constitutionnels à l'ère numérique ».
Créé à l’initiative des présidents des deux assemblées, Gérard Larcher pour le Sénat et François De Rugy pour le Palais Bourbon, cette sorte de commission « mixte » devra rapidement se mettre au travail : le projet de loi constitutionnel présenté début avril par le gouvernement sera débattu dès le 26 juin à l’Assemblée nationale, en commission des lois.
« C'est presque une mission flash »
Pour l’instant, la dizaine de parlementaires siégeant dans cette instance n’a eu que quelques réunions – dont une jeudi dernier, qui les a conduit à mener leur première audition.
« C'est presque une mission flash », nous explique le député Jean-Michel Mis (LREM). Les deux co-présidents de ce groupe de travail sont néanmoins spécialistes des dossiers numériques.
La députée Paula Forteza, qui a œuvré ces derniers mois en tant que rapporteure du projet de loi sur le RGPD, est depuis septembre dernier à la manœuvre au sein du groupe de travail sur la « démocratie numérique ». Le sénateur Christophe-André Frassa fut quant à lui rapporteur du projet de loi Numérique, en 2016.
On retrouve également dans cette instance Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture du Sénat, ou bien encore Patrick Chaize, en pointe sur les sujets « télécoms ». Côté Assemblée, figure notamment la députée Cécile Untermaier, présidente du groupe de travail sur la démocratie numérique.
Ancrer de grands principes dans la Constitution
« Nous avons avancé sur l'idée que nous ne souhaitions pas toucher chaque article de la réforme constitutionnelle en rajoutant simplement le mot numérique pour donner une coloration à nos travaux. Nous nous sommes plutôt inspirés de ce qui avait été fait en 2004, c'est-à-dire d'ajouter au bloc de constitutionnalité une charte dédiée au numérique », raconte Jean-Michel Mis.
Lors de la réunion de la semaine dernière, Christophe-André Frassa a fait valoir que cette piste était probablement « préférable », « étant donné l'ampleur et le travail déjà accompli » sur le sujet.
Mais quels sont donc les grands principes qui pourraient être expressément protégés par cette charte à valeur constitutionnelle, au même titre par exemple que ceux posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? Les parlementaires s’intéressent actuellement à six thématiques :
- La protection des données personnelles
- La neutralité des réseaux
- Le droit d'accès à Internet
- Le droit à l'information
- Le droit à l'éducation et à la formation au numérique
- L'encadrement des traitements et des décisions individuelles automatisées
« Ce sont des sujets qui font consensus, et qui ont souvent été traités par la loi ou au niveau européen. L'idée c'est vraiment de les inscrire au niveau constitutionnel pour pouvoir faire un ancrage plus fort », nous explique Paula Forteza.
À l’image de la charte de l’environnement, qui a conduit à l’annulation de certains actes au nom du principe de précaution, cette « charte numérique » pourrait être mobilisée lors de différents recours juridictionnels.
Le groupe de travail Assemblée/Sénat voit également dans ce texte la possibilité de reprendre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, jugée parfois « erratique » car dispersée dans de nombreux arrêts (pas forcément bien connus du grand public).
Une telle reconnaissance est enfin vue comme un rempart face à certains aléas politiques, de nombreux parlementaires ayant en tête la politique de Donald Trump sur la neutralité du Net. « Si l'on introduit quelque chose dans la Constitution, il ne faut pas se louper car on n'aura pas l'occasion de réviser sur une matière qui évolue plus vite que nous », a au passage souligné Christophe-André Frassa lors de la réunion de jeudi dernier.
« Ces principes sont aujourd'hui constitutionnellement protégés »
Auditionné la semaine dernière par le groupe de travail, Laurent Cytermann, maître des requêtes au Conseil d’État, a quant à lui prévenu les députés et sénateurs :
« Quand il y a eu la charte de l'environnement, il n'y avait rien dans le bloc de constitutionnalité : aucun principe à dimension environnementale auquel le juge constitutionnel ou les juges ordinaires pouvaient se raccrocher. Sur le numérique, je crois vraiment que ce n'est pas le cas. Il y a, sur le droit à la protection des données personnelles, sur le droit d'accès à Internet, un véritable ancrage constitutionnel, une véritable protection constitutionnelle, sur la base de principes existants – qui fait que ces principes sont aujourd'hui constitutionnellement protégés. »
« Ça ne suffit pas du tout à épuiser la discussion », a-t-il néanmoins poursuivi. « Il peut y avoir d'autres bonnes raisons de les consacrer plus explicitement, mais c'est une différence importante. »
Pas d'opposition de principe de la part du gouvernement
Interpellée sur ce sujet lors d’une audition à l’Assemblée nationale, mercredi 6 juin, la ministre de la Justice n’a pas fermé la porte à une telle charte. Nicole Belloubet a simplement déclaré que le gouvernement serait « évidemment très attentif à la portée des principes qui seront proposés, à leur pérennité dans un contexte de très fortes évolutions technologiques et à leur articulation avec nos engagements européens et évidemment internationaux ».
« On a plutôt pris ça pour un signe d'ouverture positif », nous glisse un membre du groupe de travail.
Echange avec Mounir Mahjoubi, Secrétaire d’État chargé du numérique, sur l'opportunité d'inclure la protection de certains droits et libertés numériques dans la Constitution. #DirectAN #ReformesAN pic.twitter.com/4yr8GYz8AS
— François de Rugy (@FdeRugy) 6 juin 2018
Le secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, a par ailleurs échangé sur ce thème avec François De Rugy la semaine dernière. Le président de l’Assemblée nationale avait pour mémoire annoncé en début d’année qu’il souhaitait constitutionnaliser la neutralité des réseaux et le droit à l’information (voir notre article).
Libertés numériques : les parlementaires planchent sur une charte à valeur constitutionnelle
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« C'est presque une mission flash »
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Ancrer de grands principes dans la Constitution
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« Ces principes sont aujourd'hui constitutionnellement protégés »
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Pas d'opposition de principe de la part du gouvernement
Commentaires (18)
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Abonnez-vousLe 11/06/2018 à 20h52
omg, qu’est ce qu’ils vont nous pondre encore…
Le 11/06/2018 à 22h28
On est à deux doigts de mettre de la censure dans la constitution… C’est ce qu’ils feront soyez en sûre.
Le 12/06/2018 à 08h07
Plutôt que d’amender le texte suprême par à-coups, en introduisant tantôt des dispositions sur la protection des données personnelles, tantôt sur la neutralité des réseaux, ne vaudrait-il mieux pas instaurer une charte à valeur constitutionnelle abordant spécifiquement les « dossiers numériques » ?
Le 12/06/2018 à 08h09
Tous les éléments du “bloc de constitutionnalité” (soit la Constitution et ses “annexes”, de type Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais aussi charte de l’environnement) ont la même valeur juridique. Et peuvent donc être mobilisés devant la justice, comme expliqué dans l’article :)
Le 12/06/2018 à 08h45
Le 12/06/2018 à 08h47
Je suis d’accord dans le sens où un texte juridique ne s’applique seulement à la condition que des gens (citoyens, institutions de l’État, ONG, lobbies, entreprises, etc) s’en servent réellement.
Cependant il faut dire que les principes et les valeurs que comporte une constitution (que ce soit le préambule de la constitution, les chartes, les notions incluses dans les articles eux-mêmes de la Constitution) sont des principes et non des règles.
D’ailleurs, bien souvent la loi sert typiquement à limiter les droits fondamentaux selon des contextes et des modalités précises (sans pour autant annuler des principes inscrits à la Constitution).
Le 12/06/2018 à 08h48
“L’objectif : réfléchir à l’introduction d’une charte, semblable à celle
insérée dans la Constitution en 2004 afin de protéger l’environnement.”
Insérée dans la Constitution ? Intégrée dans le bloc de constitutionnalité mais pas insérée dans la Constitution " />
Le 12/06/2018 à 09h56
Le 12/06/2018 à 10h10
Voyez svp avec mes collègues qui me reprochent de trop faire de “jargon juridique/parlementaire” " />
Le 12/06/2018 à 10h20
Le 12/06/2018 à 10h56
Un peu HS mais puisqu’on en parle, Juste un “détail” :
On entend dire un peu partout que Bayer a racheté Monsanto et va faire disparaître le nom de cette marque ayant une réputation trop mal perçue par plein de monde.
Quoi que puisse faire et être Mosanto, je trouve ça assez cocasse, car :
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bayer se livre au trafic d’êtres humains en achetant des déportés du camp d’Auschwitz pour servir de cobayes dans le cadre d’expérimentations à prétention médicale et de caractère confidentiel31.
Cinq lettres signées par les responsables de Bayer et destinées aux dirigeants du camp d’Auschwitz, rédigées en avril et mai 1943, ont été découvertes par un régiment de l’Armée soviétique lors de la libération du camp d’Auschwitz32, pour l’achat de « lots de femmes »33 déportées.
Des extraits de ces lettres sont lus dans deux documentaires réalisés par Émile Weiss, le dernier volet de la trilogie documentaire Destruction sur le camp d’Auschwitz, et également dans Criminal Doctors - Auschwitz34, France, 2013, ainsi que dans un documentaire réalisé par Daniel Cling et Pascal Cling, Il faudra raconter35 en 2005.
La première lettre indique le besoin de femmes déportées, en tant que cobayes pour expérimenter un soporifique. La deuxième stipule que le prix de « 200 marks est exagéré ; nous offrons 170 marks par sujet, nous avons besoin de 150 femmes. » La troisième demande : « Veuillez donc faire préparer un lot de 150 femmes saines. » La quatrième indique : « Nous sommes en possession du lot de 150 femmes. Votre choix est satisfaisant, quoique les sujets soient très amaigris et affaiblis. Nous vous tiendrons au courant des résultats des expériences. » Enfin, la cinquième et dernière lettre retrouvée mentionne : « Les expériences n’ont pas été concluantes. Les sujets sont morts. Nous vous écrirons prochainement pour vous demander de préparer un autre lot33. ».
Je dis ça je dis rien, mais c’est quand même bizarre que cette société Bayer ait pu résister à ça… " />
Le 12/06/2018 à 11h03
Le 12/06/2018 à 11h45
Le 12/06/2018 à 12h14
fake news ! c’est à cause des Chamtrail et du fluor dans le dentifrice !
(bon après, ton propos et le mien ne sont pas mutuellement exclusifs " />)
Edit : Après lecture rapide du début, je souris un peu…
des trucs du genre “On observe en effet une chute de 14 points entre 1999 et 2013, avec un score moyen de 100.”… Une des composantes de la définition même du QI est que sa moyenne vaut 100 " />
Je vais lire le reste mais je n’y accorderai pas plus de crédibilité que ça (on va dire une confiance-à-priori maximale de 5.5⁄10 )
Le 12/06/2018 à 12h21
On peut dire la même chose de toute société industrielle durant la 2de Guerre mondiale : il n’y a pas eu beaucoup de Oskar Schindler parmi les industriels. On pourrait aussi citer la marque Volkswagen (littéralement, la voiture du peuple) créée sous le régime nazi et qui existe toujours (n’ont pas eu l’idée ou ressenti la nécessité de changer de nom). La collaboration au régime nazi a quand même servi de prétexte à la nationalisation de Renault dans l’après-guerre, c’est déjà ça.
Le 12/06/2018 à 12h39
Je sais bien que bien du temps s’est écoulé et que pas mal d’individus ou sociétés ayant activement contribué aux horreurs de cette époque s’en sont très bien sortis. Par exemple un certain Von Braun, nazi notoire qui est devenu un héro national aux US…
Sans compter tous ceux du domaine scientifique qui ont été discrètement récupérés par pas mal de pays…
Ainsi va l’histoire dont la mémoire est à géométrie très variable et certains collabos avérés et très actifs de France ont eu ensuite une belle carrière politique, un certain papon par exemple (entre autres)… " />
Le 12/06/2018 à 12h46
Le 12/06/2018 à 12h57
Je ne savais pas pour le dentifrice… " />
J’avais bien décelé un peu d’ironie dans tes propos, c’est pour ça que je suis resté “calme”… " />
Sans tomber dans la paranoïa je trouve qu’il y a quand même pas mal de trucs inquiétants en ce moment.
Entre des “clowns” qui arrivent de plus en plus aux commandes de grandes puissances (plus ceux qui y sont déjà depuis pas mal de temps) et les problèmes environnementaux divers qu’on ne peut pas décemment ignorer à tous prix, ça commence à faire beaucoup je trouve…
L’avenir nous dira quoi (ou pas)… " />