Les CNIL européennes demandent des clarifications sur l’euro numérique
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Le 19 octobre 2023 à 12h02
7 min
Droit
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Trois mois après la publication des propositions de règlement relatives à l’euro numérique, le Comité européen de la protection des données et le Contrôleur européen de la protection des données publient un avis conjoint dans lequel ils demandent moult précisions aux législateurs.
Fin juin, la Commission européenne publiait deux propositions de règlements relatifs à l’euro numérique. L’un concerne directement la création d’un euro numérique, l’autre vise (entre autres) à sauvegarder le rôle de la monnaie fiduciaire (le cash).
Alors que les deux ans d’enquête menée par la Banque centrale européenne (BCE) sur la faisabilité du projet d’euro numérique s’achèvent, le Comité européen de la protection des données (EDPB, qui œuvre à la coopération des CNIL de l’Union) et le Contrôleur européen de la protection des données (EDPS, la CNIL à l’échelle des institutions européennes) publient un avis commun sur les deux propositions de lois.
- On vous explique le b.a.-ba de l’euro numérique
- Les caractéristiques de l’euro numérique ne correspondent pas aux recommandations des CNIL
- Le Contrôleur européen de la protection des données se réaffirme en contre-pouvoir
Ils se déclarent notamment en faveur de la création d’une obligation qui garantirait la pseudonymisation de toutes les données de transactions susceptibles de circuler jusqu’aux banques centrales et à la BCE.
La surveillance de la BCE, sujet de discorde
Dans le contexte « hautement compétitif » des paiements numériques, les deux entités y soulignent que l’intérêt d’une monnaie numérique unifiée réside principalement dans la confidentialité qu’elle apporterait.
Elles saluent néanmoins très rapidement le maintien réaffirmé de la monnaie fiduciaire par la Commission, la recherche d’un niveau élevé de protection de la vie privée et la perspective que dessine le texte d’un « mode offline » – ce dernier est pensé pour minimiser le traitement de données personnelles liées à l’euro numérique et pour intégrer la protection des données par défaut dans le fonctionnement du nouveau moyen de paiement.
Bien qu’elles soient positives, ces remarques introductives mettent déjà le doigt sur plusieurs des sujets qui suscitent le scepticisme. En septembre, face à plusieurs députés, l’actuelle présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde a admis que l’euro numérique ne serait pas « entièrement anonyme comme c’est le cas avec un billet de banque ». Elle a expliqué que c’était impossible (dans la mesure où « l’argent laisse une trace sur la blockchain »), mais qu’un travail de fond était tout de même réalisé pour garantir la vie privée.
La dirigeante a surtout souligné qu’un anonymat complet serait « contraire à l’objectif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme », mais que l’euro numérique ne créerait pas pour autant une « BCE Big Brother ». De fait, Christine Lagarde a indiqué que ce seraient les banques commerciales qui auraient accès à certaines données, comparant cela à la situation actuelle, où ces mêmes banques peuvent accéder à et analyser les transactions réalisées par leur intermédiaire.
Travaux préparatoires de la BCE
Si les textes juridiques seront classiquement discutés et approuvés par les États membres et le Parlement européen, c’est la BCE qui a réalisé le gros du travail technique, rappelle Euractiv. Par la voix de Fabio Panetta, qui appartient à son directoire, elle concluait en avril de la nécessité de rendre l’euro numérique simple à utiliser et disponible en magasin, en ligne et entre personnes.
L’idée, ancrée dans les deux textes proposés par la Commission, n’est pas de contraindre à l’utilisation de l’euro numérique, mais bien de créer une nouvelle possibilité de paiement, que la Commission comme la BCE déclarent nécessaire à l’heure du tout connecté.
Dans sa communication d’avril, la BCE se prononçait en faveur de l’obligation, pour les commerçants proposant déjà divers moyens de paiement numérique non unifiés d’accepter aussi les paiements en euro numérique. Autre point nécessaire à l’accès universel à nouvelle forme de monnaie : il faudrait, selon l’institution, que l’euro numérique soit disponible dans chaque banque, pour éviter que quiconque (consommateur ou marchand) n’ait besoin de changer de banque pour pouvoir utiliser cette nouvelle forme de monnaie.
Pour inciter à son usage, la BCE proposait enfin quatre piliers d’incitation à l’euro numérique :
- en rendre l’usage quotidien gratuit, dans la mesure où il s’agira d’un bien public ;
- rémunérer les intermédiaires pour leur service de la même manière qu’ils le sont en cas d’usage d’autres moyens numériques de paiement ;
- créer des garanties qu’aucun commerçant ne soit surfacturé par les intermédiaires s’ils sont obligés de proposer et d’accepter l’euro numérique ;
- et faire de l’Eurosystème le gérant des normes communes de paiements et des activités de règlement, pour consacrer « le statut de bien public de l’euro numérique » et fonctionner, finalement, comme c’est déjà le cas pour les espèces.
Démontrer la proportionnalité de diverses mesures
Dans leur avis commun, l’EDPB et l’EDPS saluent la gestion « décentralisée » de l’euro numérique qu’ancrerait le texte de la Commission. Même si celui-ci serait administré par les intermédiaires financiers plutôt que directement par l’Eurosystème, et comme c'est leur rôle, les deux entités enfoncent tout même le clou sur diverses questions de vie privée.
Elles demandent notamment de clarifier, dans le texte législatif, la manière dont l’euro numérique doit être distribué. Elles regrettent aussi que l’adoption d’une approche « sélective de la vie privée » ait été écartée pour ce qui concernait les paiements de faible montant.
Elles s’inquiètent de la « nécessité et de la proportionnalité » de créer un identifiant unique spécifique aux usagers de l’euro numérique. En l’état, celui-ci est défini comme un « identifiant créé par un prestataire de services de paiement distribuant l'euro numérique qui différencie sans ambiguïté les utilisateurs de l'euro numérique, mais qui n'est pas attribuable à une personne physique ou morale identifiable par l'Union européenne », ce sur quoi l’EDPB et l’EDPS demandent précision.
Les deux estiment par ailleurs que le texte actuel manque d’information sur la manière dont les fournisseurs de services de paiement géreront les données sensibles qu’ils auront à traiter.
Sur la question de la lutte contre la fraude, enfin, l’EDPB et l’EDPS estiment que la proposition de loi manque encore de précision et de justification sur quelle entité gérera quelle partie de la détection et de la prévention de la fraude.
Beaucoup de sujets à creuser, donc… ce qu’on ne manquera pas de suivre, ne serait-ce qu’en vous proposant bientôt un décorticage plus précis de la proposition de régulation.
Les CNIL européennes demandent des clarifications sur l’euro numérique
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La surveillance de la BCE, sujet de discorde
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Travaux préparatoires de la BCE
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Démontrer la proportionnalité de diverses mesures
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 19/10/2023 à 12h35
Je dois surement, ne pas être suffisamment compétent (un seul mot). Mais je ne comprends absolument pas cette idée d’euro numérique. C’est déjà le cas avec l’euro actuellement est est déjà numérique et est transformé que partiellement en élément physique (billets et pièces) au besoin.
Cela fait des décades que la monnaie n’est plus corrélée avec un élément physique (Or etc.)
Me trompe-je ?
Le 19/10/2023 à 13h11
Aujourd’hui l’argent qui figure sur ton compte en banque est de la monnaie scripturale dont le montant est garanti par ta banque.
L’objectif de l’euro numérique c’est de pouvoir transférer de l’argent numériquement directement d’un acteur A à un acteur B sans passer par un intermédiaire, exactement comme pour les espèces.
On parle d’utiliser la blockchain comme support technologique de l’euro numérique mais d’autres méthodes pourraient également être envisagées.
Le 19/10/2023 à 13h51
Mais comprend le principe de décentralisation que l’on retrouve pour le Bitcoin etc, mais justement le but c’est de plus avoir de main mise étatique sur le sujet. Donc cette euro “numérique” à l’initiative de l’EU. Je ne comprends pas le but.
Même décentralisé, il y a tjrs un tiers de confiance.
Et le but même de l’EURO, est la stabilité des courts de valeur, en conséquence mettre en place un truc qui est à l’opposé du but de la monnaie de référence …
Comme déjà dit je ne comprends pas…
Le 22/10/2023 à 20h59
Le but, inavoué: le contrôle total de chaque euro, traçable depuis sa création.
Pour faire quoi?
Par exemple établir un contrôle CO2 et donc empêcher la dépense dans un service si ton quota de CO2 est dépassé.
Ou alors de l’argent coup de boost: a dépenser dans les x mois sinon il disparait.
Ou un fonctionnement par bon de rationnement: x% de ton salaire en logement en pas 1 euro de plus, x% max dans des services/biens venant de l’étranger (pour la balance commerciale).
Bref les possibilités sont légions.
Le 19/10/2023 à 13h01
Pourquoi Lagarde parle de blockchain alors qu’aucune décision n’est prise sur la technologie aujourd’hui ? (question 23) :
Le 19/10/2023 à 13h43
Pour ma part, j’ai oublié quel est le but recherché par la mise en place d’un euro numérique. À quel besoin est ce que ça répond ? Quel problème est-ce censé résoudre ?
Le 19/10/2023 à 14h31
Dans le cadre du Bitcoin oui, mais ici on s’affranchit plutôt des intermédiaires bancaires que de l’Etat (qui permet d’être garant de la stabilité du cours, contrairement au Bitcoin : 1€ num = 1€, ça changera uniquement par rapport aux autres devises, mais comme pour une pièce d’1€).
Aujourd’hui, si je veux donner 1€ à quelqu’un en dématérialisé, je dois forcément donner d’abord cet euro à une entreprise/banque pour qu’elle organise le transfert puis que le destinataire récupère l’argent (et chacun se prend sa petite commission derrière, soit de façon visible sur la transaction, soit via les frais bancaires). Demain, on aura directement des “porte monnaie européens” qui pourront faire des transferts entre eux comme on peut déposer des fichiers d’un SFTP à un autre, sans passer par une banque.
Pour les transactions entre particuliers, y’a déjà des tas de services qui sont “sans frais”, mais c’est uniquement pour capter les clients et leur faire réaliser des transactions avec des pros, qui eux sont facturés. Là ça va permettre de l’étendre aussi aux entreprises, et d’un particulier à une entreprise.
Dans l’idée, ça peut reléguer la banque à un service de prêt/épargne qui gère plus du tout de comptes courants.
Le 20/10/2023 à 07h40
Je suis d’accord mais qui s’assure de la réalité et de la conformité de la transaction ?
Car avec le Bitcoin (en exemple) se sont les mineurs qui sont rémunéré (soit par le minage d’un bitcoin ou par la perception du frais de minage) mais là qui va assuré se rôle ?
La conformité et la réalité de la transaction est assuré par le calcule mais à condition que personne n’est plus de 50% de la puissance nécessaire car sinon c’est le risque qu’une chaîne puissent être pervertie…
Pour la stabilité du cour, il faut que cette euro “numérique” soit géré par la Banque Centrale Européenne, et donc in finie cela ne change pas grand chose au système actuel.
J’ai très probablement fait une erreur de raisonnement mais en l’état je ne la vois pas.
Le 19/10/2023 à 14h55
Je ne suis pas un spécialiste, mais du peu que j’en connais, les gens ne réalisent pas a quel point le système actuel est complètement archaïque.
Tout parraît automatisé mais en réalité une grande partie du système repose sur de nombreuses vérifications humaines et sur des recours légaux en cas de soucis. Au delà d’un certain montant, chaque transaction est vérifiée par trois employés de banque pour éviter les erreurs et les fraudes internes. Des camions d’or ou de billets de valeur élevée voyagent entre institutions financières pour compenser les transactions.
La cryptographie permet aujourd’hui de remplacer un grand nombre de ces vérifications humaines et opérations physiques par des systèmes cryptographiques.
Le 19/10/2023 à 17h37
Jusqu’à ce qu’on trouve une faille et que tout s’effondre…
Le 19/10/2023 à 19h40
Apple a construit la plus grande capitalisation mondiale sur un système cryptographique moderne plus sécurisé que les opérations de la plupart des banques, avec des coûts de fonctionnement beaucoup plus faibles grâce à la crypto.
Les banques dépendent du système légal en réalité très fragile.
Apple protège sa propriété intellectuelle et utilise le système légal aussi, mais en pratique c’est la crypto qui protège aujourd’hui leurs intérêts peut-être plus que la loi.
Le 20/10/2023 à 06h28
Une idée ?
Le 20/10/2023 à 08h30
Pour ma part si j’ai besoin de ce service, j’irai sûrement demander à ma banque parce que j’estime qu’elle est la mieux placée pour faire ça.
Ça ressemble donc plus à un changement de paradigme / technologie qu’à un contournement du système bancaire actuel.
Le 20/10/2023 à 08h53
L’UE va développer et fournir une application. On pourra l’utiliser même hors connexion pour faire des paiement entre citoyens ou payer un commerçant (physique ou en ligne). A priori, on pourra aussi avoir une carte bancaire au lieux de l’application (bon point). Il y aura une interface avec notre banque pour recharger.
Je ne sais pas en revanche si on pourra recharger en espèce. Il nous faudra un compte en banque de toute façon pour recevoir notre salaire. C’est vraiment juste une version numérique des billets, avec certains inconvénient en moins.
Je me demande si par exemple un commerçant (ou une association) pourra se passer d’un terminal carte bancaire payant et utiliser ça à la place (pour un petit commerce), dans ce cas ça peut être bien.
L’article de Mathilde Saliou dit que par rapport à la carte bancaire “[L’Euro numérique] permettra des transactions plus rapides, voire instantanées, car ne requérant pas de règlement interbancaire. Son principal intérêt serait donc de se passer d’intermédiaire entre le vendeur et le payeur”, donc ça ne va pas trop révolutionner nos vies !
Après, il faudra penser à recharger ce porte monnaie, et dans la mesure où beaucoup de commerces prennent déjà la carte pour des montants très faibles, ça ne changera pas grand chose au quotidien.
Le 20/10/2023 à 10h58
Merci pour les précisions. En soit l’avenir dépendra de l’adoption du système. Pourquoi pas verser le salaire directement en euro numérique…
Pour ce qui est de pas changer nos vies, oui et non.
Le monde de l’intermédiaire c’est un univers très opaque qui se prend une petite marge discrète sur des milliards de transactions. Et encore, elle est même pas toujours discrète.
Fondamentalement oui ça sera pareil, tu vas taper ton numéro et ton argent va partir de l’autre côté. Mais en réalité, quand un vendeur doit filer x% du montant de la transaction à son intermédiaire, c’est bien l’acheteur qui les financent dans le prix d’achat.
Ici 1€ qui subit 40 transactions vaudra toujours 1€ à l’arrivée.
Le 20/10/2023 à 12h39
Le 23/10/2023 à 12h41
Ça veut réessayer Monéo en Europe tiens