Le parlement européen veut lutter contre l’addictivité des plateformes
There's no escape, I can't wait, I need a hit, baby, give me it
Le 26 octobre 2023 à 08h23
4 min
Droit
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Alors que le design des réseaux sociaux est de plus en plus pointé du doigt parce qu'ils enfermeraient leurs utilisateurs – et notamment les enfants – dans des pratiques addictives, le Parlement européen se prononce pour la mise en place de nouvelles lois au sein de l'Union pour réguler les plateformes qui utilisent ce genre de dispositifs.
Les députés européens veulent que la Commission se saisisse des problèmes liés au design addictif de certaines plateformes, et relèvent que les Digital Services Act (DSA) et Artificial intelligence Act ne seront pas suffisants pour lutter contre la conception des réseaux sociaux qui veulent capter le plus d'attention possible de leurs utilisateurs.
La Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement vient d'adopter [PDF] à une très large majorité (38 pour, une abstention et aucun contre) un rapport appelant à réguler spécifiquement cet aspect des réseaux sociaux en prenant soin particulièrement des jeunes.
Les réseaux sociaux commerciaux ont tout intérêt à garder le plus longtemps possible leurs utilisateurs sur leurs plateformes. C'est comme ça qu'ils peuvent s'assurer que le plus de publicités soient vues, que leurs statistiques scrutées aussi bien par les actionnaires que par les journalistes et les services marketing soient au beau fixe et que leur influence soit la plus importante possible.
Une question qui devient politique
Depuis les révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen sur les pratiques de Meta, les élus américains se sont intéressés à la question et une grande partie des États américains vient d'attaquer le groupe sur ses pratiques toxiques pour garder les utilisateurs.
De son côté, la Commission sénatoriale française sur TikTok avait pointé dans son rapport publié cet été cette question de l'addiction et de l’ « abrutissement » provoqué par le design algorithmique de l’application.
La Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen s'en est donc aussi saisie, « s'alarmant que certaines plateformes et autres compagnies tech exploitent les vulnérabilités psychologiques pour concevoir des interfaces numériques à des fins commerciales qui maximisent la fréquence et la durée des visites des utilisateurs, de manière à prolonger l'utilisation des services en ligne et à créer un engagement avec la plateforme ».
Les dommages potentiels pour la santé mentale
Elle considère que ces mauvaises pratiques devraient être prises en compte dans les prochaines révisions par la Commission européenne de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Si le communiqué de presse du parlement affirme que les députés « appellent à l'interdiction des techniques addictives telles que le défilement sans fin [endless scrolling] ou la lecture automatique » et que la motion incluait initialement cet appel, c'est en fait un peu moins clair dans la version amendée puisque le mot « interdiction » a été enlevée du texte par un amendement.
À la place, celui-ci demande à la Commission une évaluation des effets des systèmes de recommandation basés sur l'interaction sur la dépendance et la santé mentale et l'invite à « clarifier davantage l'évaluation et l'atténuation des risques des VLOP [pour “Very Large Online Platform”, ndlr] en ce qui concerne les dommages potentiels pour la santé causés par la conception addictive des systèmes de recommandation ».
Pressions sur la Commission européenne
Un autre amendement ajoute que les députés européens considèrent « que les entreprises devraient avoir l'obligation de développer des produits et des services numériques éthiques et équitables sans "dark pattern" et sans conception trompeuse ou addictive "by design" (par conception) ».
Selon la députée néerlandaise Kim Van Sparrentak et rapporteure de la Commission, « aucune autodiscipline ne peut vaincre le design addictif auquel nous sommes tous soumis aujourd'hui. L'utilisation problématique des smartphones affecte la capacité d'attention et le développement du cerveau dès le plus jeune âge. C'est l'un des défis de notre époque. Si nous n'intervenons pas maintenant, cela aura un impact énorme sur les générations à venir. Nous disposons déjà de règles strictes en matière de santé et de sécurité pour les aliments, l'alcool et le tabac afin de protéger notre santé. L'UE doit maintenant s'attaquer au design qui crée une dépendance ! »
Ces pressions des députés européens arrivent alors que la Commission mène une évaluation depuis 2022 sur l'opportunité d'une mise à jour de la législation sur la protection sur internet dont les résultats devraient être publiés mi 2024.
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Les dommages potentiels pour la santé mentale
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Pressions sur la Commission européenne
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 26/10/2023 à 09h04
Faisons donc comme pour l’alcool et le tabac : interdisons l’utilisation des smartphones aux plus jeunes (âge à définir en fonction des connaissances scientifiques) et pénalisons la fourniture de smartphones à ces jeunes même par leurs parents. Il faut prendre le mal à la racine !
Le 26/10/2023 à 14h49
c’est dommage d’interdire complétement quand meme.
Mon fils de 12 ans a un smartphone Android et avec le controle parental de google on peut quand meme faire en sorte de limiter le côté addictif : validation des applis installées, limitation du temps par appli, du temps total, heures de repos forcé par jour de la semaine, restrictions des contenus sensibles sur chrome,…
il peut quand meme communiquer avec ses amis sans que ça pose de probleme particulier.
par contre c’est sur que ça négocie sec sur les limites :) mais avec un peu de discussion pour expliquer les choses ça se passe très bien.
je ne connais pas l’écosystème apple mais je pense qu’il y a le meme genre de mécanismes.
par contre c’est sur que ça reste à la discretion du parent tout ça. et il semble que tout le monde ne sait pas que ça existe. le père d’un de ses copains se désespérait du temps passé par son fils sur son téléphone et a pu reprendre la main quand je lui ai montré comment tout ça marchait.
Le 26/10/2023 à 15h51
C’est comme le tabac ou l’alcool en fait ?
Pas plus d’un verre par jour et pas tous les jours et pas plus de 4 cigarettes pour les gamins de 12 ans. Et pour les plus de 16 ans, on double la dose, ils sont presque majeur, si on y réfléchit bien.
Le 27/10/2023 à 23h05
C’est clairement pas comparable sur plein de niveaux, déjà parce qu’il n’y a pas de substance en jeu.
Nos enfants sont sur les réseaux comme beaucoup d’entre nous étions au téléphone, par texto, ou sur MSN, et leur santé mentale ne va pas si mal. Voir par exemple une note en français à ce sujet qui avait fait un peu le tour de la littérature.
Le 28/10/2023 à 07h55
C’est à la rapporteure de la Commission qu’il faut dire cela, moi, je ne fais que réagir à ses dires.
Quant à comparer les SMS et MSN aux réseaux sociaux actuels avec leurs algorithmes conçus pour garder le public sur leur appli/site, comment dire, “C’est clairement pas comparable” comme tu le dis toi-même.
Le 28/10/2023 à 10h13
Ce qui est comparable dans les deux cas, c’est le besoin irrépressible des ados d’être en lien les uns et les autres. Alors oui les algorithmes sont conçus pour faciliter les choses et compter sur l’inertie des personnes, mais quand on interroge les ados et jeunes adultes, on voit que plus ils avancent en âge, plus ils s’en détournent spontanément (ce qui fait selon moi une grosse différence avec la drogue), malgré tous les efforts faits par les plateformes. Et ça aussi c’est comparable avec les anciennes plateformes (soit dit en passant, MSN mettait déjà des choses en place pour garder les utilisateurs le plus longtemps possible, comme le fameux “message lu”, le statut de connexion, la possibilité d’être averti quand une personne spécifique changeait de statut, etc.). Pour la petite anecdote marrante (je trouve ), des fois ils parlent “à mon époque c’était pour moins de conneries et aujourd’hui l’utilisation des jeunes me fait peur” et ils parlent d’il y a… Parfois quelques mois, ou un ou deux ans max, quand TikTok (pour citer celui qui inquiète le plus) était déjà là. Bref tout ça pour dire que dans tout ça les ados s’y retrouvent pas si mal (sans mettre le voile sur tout un tas de dérives et de problèmes qui existent hein c’est pas ça le message non plus), et parfois même mieux que leurs aînés, et on est loin des problèmes sociétaux créés par les drogues, n’en déplaise à la Madame qui ne lira pas ce commentaire (c’est pas clair pour moi de si t’es ironique ou pas quand tu la cites, mais pour bosser sur la qestion, des gens qui font RSN = drogue y en a un paquet).
Le 30/10/2023 à 07h36
Gros document mais qui semble très intéressant. Merci pour le partage !
Le 27/10/2023 à 15h22
Chouette enfin un parent qui assume son rôle de parent. :-)
si les autres pouvaient en faire autant…
Le 26/10/2023 à 09h15
Le 26/10/2023 à 09h36
Le 26/10/2023 à 09h45
“«aucune autodiscipline ne peut vaincre le design addictif auquel nous sommes tous soumis aujourd’hui.”
Il existe pourtant une autodiscipline très efficace, ne pas s’inscrire ou utiliser les plateformes visées.
Le 26/10/2023 à 09h54
Pour moi, le nerf de la guerre est effectivement autour de ça. Le marché de l’audiovisuel est régulé sur le sujet (durée d’une coupure pub, nombre de coupures par heures…), c’est pas du tout le cas sur internet. On peut très bien m’afficher une page web avec 4 pubs ciblées placées autour d’une vidéo de 2min d’un influenceur sponso, le tout avec un pre-roll de 1min… et ça dérange personne.
Pour la partie auto-discipline, j’y croyais à une époque : les parents, la volonté, tout ça. Mais en pratique on peut de moins en moins, car les techniques sont toujours plus agressives :
Le 26/10/2023 à 10h38
Petite pensée pour la santé mentale des parents qui devront accompagner leurs enfants <18 sur tiktok
Le 26/10/2023 à 11h32
Le 26/10/2023 à 12h54
On parle bien du même marché qui s’est vu ouvrir le droit de faire de la publicité ciblée il y a peu ? (https://www.nextinpact.com/article/30445/109214-la-publicite-segmentee-arrive-dans-votre-television-entre-espoirs-et-craintes)
Le 26/10/2023 à 13h10
Et si nos enfants avaient la possibilité d’utiliser leur smartphone pour faire quelque chose de plus passionnant que de traîner sur les réseaux sociaux ?
https://zelbinium.q37.info
Le 26/10/2023 à 17h14
C’est pas vraiment le même sujet, je peux avoir 7min de coupure pub, ciblée ou pas, mais pas 14min de pub. Donc en soit la chaîne est toujours encadrée sur le volume auquel elle m’expose.
Le réseau social peut afficher en “sponsorisé” un post sur deux et s’arranger en ajoutant des suggestions dans mon flux pour que j’ai besoin de scroller 200 posts avant que j’ai pu consulter les 30 actualités de mes contacts.
Le 26/10/2023 à 22h10
Est-ce qu’il existe une sorte de site/jeu qui mettrait en scène un max de dark patterns pour montrer leur danger de façon évidente ?
J’imagine un truc du genre :
Ça existe un truc du genre ?
Le 27/10/2023 à 09h27
https://how-i-experience-web-today.com/
Le 27/10/2023 à 09h40
J’ai pas compris…
Le 27/10/2023 à 09h54
Ça montre tout ce qu’on reçoit comme sollicitations diverses et variées avant d’arriver à avoir ce que l’on recherche…
(faut cliquer sur le lien “Then it shows me something”)
Le 28/10/2023 à 22h01
Ah ! J’ai compris ! C’est un site montrant tous les cas de mauvaises pratiques en UX. C’est pas mal, mais très loin de ce sue j’exposais, qui est plus lié aux dark patterns.
Merci pour le lien, du coup. 😉
Mais du coup, si ça n’existe pas : y’a des gens qui seraient chauds pour faire un tel projet ?
Le 29/10/2023 à 08h36
Une BD pourrait te convenir?
https://bouletcorp.com/notes/2016/02/06
Le 29/10/2023 à 15h52
Encore une fois : je vois pas le rapport… ^^’
C’est marrant, mais très très loin de ce que je décris.
Mais merci ! 😊👍
Le 29/10/2023 à 08h31
Trop ça 👍
Le 29/10/2023 à 09h33
tu as fais ma journée
Le 28/10/2023 à 07h33