FNAEG : les députés suppriment (en partie) l’extension du fichier des empreintes génétiques
Paris, renversé
Le 05 décembre 2018 à 15h44
5 min
Droit
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L’Assemblée nationale a rejeté à l’unanimité l’amendement du rapporteur Didier Paris (LREM) qui tentait de faire du fichier des empreintes génétiques le nouveau « fichier des gens honnêtes ». Nicole Belloubet, garde des Sceaux, a été favorable aussi bien à sa création qu’à sa suppression. Néanmoins des dispositions dangereuses restent toujours en place.
L’initiative avait ému jusqu’à la CNIL. Le 9 novembre dernier, sans l’ombre d’une discussion et avec l’aval de la ministre de la Justice, la commission des lois de l'Assemblée nationale adoptait un amendement pour le moins dangereux pour les droits et libertés fondamentales.
Un an plus tôt, la cour européenne des droits de l'homme condamnait la France en raison de la durée d’enregistrement (40 ans) et de l’absence de possibilité d’effacement des traces enregistrées dans le fameux « FNAEG ». Seulement, le rapporteur Didier Paris, profitant de la nécessaire mise en conformité de notre droit, a infligé une extension considérable du fichier des empreintes génétiques. Il a supprimé la limitation des recherches aux seuls parents en ligne directe et, en outre, a étendu le FNAEG à l'ensemble de l’ADN.
Les citoyens, suspects potentiels via le FNAEG
Avec cet amendement, détaillent les signataires d’une tribune dans l’Obs, tous opposés à ce texte, « plus aucune restriction n'empêche l'extension du FNAEG et l'ajout en son sein de toutes les données génétiques que l'exécutif souhaitera y intégrer ».
En outre, « il supprime également la limitation de la recherche en parentèle à la seule lignée directe, telle qu'autorisée en 2016 par l'article 706-56-1-1 du Code de procédure pénale, qui permet la recherche au sein du FNAEG des parents et des enfants potentiels d'un profil génétique, dont aucun titulaire n'est retrouvé dans le fichier ».
Le député LREM Didier Paris avait bien tenté d’arrondir les angles avec une nouvelle version pour la séance, mais il la retira, laissant intacte la capacité nuisible de sa première version.
Nuisible ? Avec une telle extension, il aurait été possible de ficher les caractéristiques physiologiques, morphologiques et héréditaires (couleur des yeux, de la peau, maladies, etc.) d’une personne puis de confronter les traces génétiques à l’ensemble des individus enregistrés. Un système « transformant tous les citoyens en suspects potentiels », dénoncent les signataires.
La CNIL a estimé dangereuse une telle réforme, soutenant a minima « que toute modification substantielle de ce fichier [fasse] l’objet d’une réflexion approfondie et concertée ». Sans surprise, le texte a fait également l’objet de nombreuses critiques dans les rangs parlementaires.
L'amendement communiste adopté à l'unanimité
Hier, à l’Assemblée nationale, les députés ont finalement adopté à l’unanimité un amendement des députés communistes supprimant une partie des extensions adoptées en commission des lois, celle relative à la recherche en parentèle.
« En raison de sa taille – plus de 3 millions d’enregistrements –, une recherche en parentèle permettrait de cibler au moins 15 millions de personnes, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé contre l’établissement de fichiers biométriques de "gens honnêtes" » a expliqué le député Sébastien Jumel.
Pour le parlementaire, en outre, « la suppression de la distinction entre ADN codant et ADN non codant n’est en l’état pas pertinente. Si les recherches actuelles en génétique montrent que l’ADN non codant peut jouer un rôle fonctionnel, l’ADN codant est pour sa part porteur d’une information explicitement relative aux origines ethniques et à l’apparence corporelle des individus. Autoriser le stockage d’éléments explicitement codants dans le FNAEG reviendrait donc à y introduire des données dites sensibles ».
Pris les doigts dans le pot de confiture, Didier Paris a finalement admis que la recherche en parentèle était « délicate à mettre en œuvre ». Par ailleurs, a-t-il reconnu, le débat scientifique entre l’ADN codant et non codant « n’est pas tranché, même s’il est aujourd’hui généralement admis que ces notions sont dépassées ».
En commission, l'alternative est simple : ou cet élu de la majorité a tenté de faire passer son texte initial sans ce travail de fond. Ou bien il connaissait ces problèmes mais a volontairement négligé leur portée. S'adressant au groupe communiste, hier, il a en tout cas jugé « normal, voire sain, de répondre à votre préoccupation ainsi qu’à celle du groupe Les Républicains (dont un député a déposé un amendement identique, ndlr) en coupant court à toute discussion puisque, je le répète, le débat scientifique, qui progresse, n’est pas encore définitivement tranché sur le sujet ».
« Même avis » s’est simplement délestée Nicole Belloubet, la garde des Sceaux.
Un travail à finir
Néanmoins, le travail parlementaire reste à finir puisque contrairement à ce que nous indiquions dans une première version, la disposition qui supprime la limitation à l'ADN non codant reste toujours en place. Cette réforme exigera donc un travail d'arbitrage en commission mixte paritaire, là où sont arbitrées les différences entre la version des sénateurs et celle des députés.
FNAEG : les députés suppriment (en partie) l’extension du fichier des empreintes génétiques
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Les citoyens, suspects potentiels via le FNAEG
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L'amendement communiste adopté à l'unanimité
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Un travail à finir
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 05/12/2018 à 15h55
Paris a eu peur d’être brûlé par les gilets jaunes à mon avis.
Le 05/12/2018 à 15h55
“FNAEG : les députés suppriment l’extension du fichier…” –> j’ai buggué… J’ai un quart de seconde pensé qu’un con avait renommé le fichier et cassé la machine " />
Le 05/12/2018 à 16h06
ADN codant / non codant, je ne comprend pas.
L’ADN contient des données qui viennent des parents / grand parents / etc… , il contient donc plein d’infos.
Où est la différence ? ( un peut d’explication serait sympa ), j’ai l’impression ce tout ceci n’est que du blabla de crétins qui veulent simplement fliquer / contrôler les gens normaux ( eux par contre se mettent a l’abri de cette merde ).
Merci.
Le 05/12/2018 à 16h08
J’aurais pas dû lire tous ces bouquins de SF quand j’étais ado… Maintenant, quand je lis ce genre d’articles je m’imagine des Didier Paris , les yeux rouges et la bave aux lèvres, qui se frottent les mains en dressant des plans de contrôle total de l’humanité! " />
Le 05/12/2018 à 16h09
Va lire le premier article sur le sujet (premier lien de cet article)
Le 05/12/2018 à 16h24
L’ADN codant en gros c’est ce qui se voit couleur des yeux, cheveux, peau.
Certain ont même commencé a faire des “portrait-robot” génétique pour l’instant c’est pas au point.
Le 05/12/2018 à 16h29
ADN non-codant ne sert pas directement à l’expression d’une protéine ou d’un phénotype.
Ils ont un rôle structurel et organationnel et favorisent ou pas l’expression de certains gènes codant.
Exemple: les télomères
Wikipedia
Le 05/12/2018 à 16h46
C’est assez simple en fait :
une infime partie de l’ADN (2%) s’exprime sous la forme d’une protéine qui ont de multiples fonctions (par ex l’hémoglobine qui transporte l’oxygène, l’insuline qui régule le taux de glucose, etc). L’idée c’est que si on a ces séquences, on peut potentiellement tout savoir d’une personne vu les connaissances actuelles (est-elle petite, grande, couleur des yeux, des cheveux, de la peau, problème médicale (qui nécessite un médicament particulier, facilitant ainsi l’identification de la personne) etc. De plus, vu la richesse actuelle de certaines base de données, on peut aussi identifier les origines de la personne notamment les filiations.
Les 98% restant de l’ADN dit non-codant (pour des protéines) étaient initialement identifiés comme ne servant à rien sauf à l’architecture et à la protection de l’ADN (comme les télomères cités plus haut), sauf qu’en fait c’est totalement faux (niveau scientifique ça fait un bail que le débat est clos). Les récents travaux indiquent que 80% de l’ADN auraient un rôle (on va pas détailler, surtout que ça serait un peu long ^^) : pour faire simple pour obtenir une protéine il faut des machines complexes et il faut aussi réguler tout ça -> ces processus n’utilisent pas uniquement des protéines mais d’autres molécules.
Actuellement les analyses ADN se font sur des séquences non-codante unique et c’est bien suffisant pour comparer 2 échantillons, mais à l’avenir les services de police aimeraient probablement disposer de toutes les info génétique de la personne recherchée.
Le problème c’est qu’en faisant cela ça revient à rapidement ficher l’ensemble de la population (ex typique : il suffit que l’un de vos cousins soit fiché pour qu’on puisse vous identifier) (on passe évidemment sur les couts de tel séquençage et leur stockage).
Le 05/12/2018 à 17h00
Et cette femme est ministre de la Justice ? " />
Ca commece à bien faire la doublepensée “en même temps”…
Le 05/12/2018 à 18h29
Mouais, le coup classique, on commence par présenter un truc inadmissible, puis on recule, et pendant ce joli pas de danse tout le monde aura oublié qu’il reste encore à faire le ménage dans le FNAEG…
Ah que j’adooooore la politique 😒
Le 05/12/2018 à 19h01
Bonne nouvelle en somme….
Le 05/12/2018 à 19h12
« On ne recule pas, on fait un pas de côté » " />
Le 05/12/2018 à 19h26
Je suis pas expert, mais j’aurais juré que la valse et la salsa se dansent avec des pas vers l’arrière.
" />
Il doit bien y avoir d’autres danses où on ne bouge pas que vers les côtés… " />
Le 05/12/2018 à 19h36
Petit lien, juste au cas où la référence n’a pas été décelée " />
Et vu que les gilets jaunes sont majoritairement bretons, ils dansent l’hanter-dro et ont réussi à mettre le gouvernement au pas " />.
Le 05/12/2018 à 19h48
Le 05/12/2018 à 20h06
Le 06/12/2018 à 08h03
Nicole Belloubet, garde des Sceaux, a été favorable aussi bien à sa création qu’à sa suppression.
Ok donc soit elle n’en a rien à foutre (et c’est un peu grave), soit elle ne comprend pas et ne se forge donc pas d’avis (si la démarche est louable en soi, elle est préoccupante pour une ministre à plus forte raison celle de la justice), soit elle n’a pas de face (même pas je donne mon opinion pour ce cas)
Le 06/12/2018 à 08h08
On la connait la technique du pied dans la porte hein, rdv au prochain attentat et on verra ce que disent nos très chers députés
Le 06/12/2018 à 09h35
C’est la médiocrité de l’élite: surtout je ne m’engage sur rien, surtout pas de réflexion/conviction personnel, surtout pas de vague, je ne fait qu’obéir à la hiérarchie, je prends le pognon et puis je disparais " />
Le 06/12/2018 à 10h21
Le 06/12/2018 à 13h32
Merci pour l’explication ( j’ai même réussis a comprendre ) :) .
Mais s’il me semble avoir lu y’a quelques années que des biologistes n’étaient pas d’accords avec cette distinction.
Le 06/12/2018 à 14h17
bon bah après Milou en Mai, on va faire Mirza en décembre " />
Le 06/12/2018 à 15h27
on est pas d’accord sur le fait que l’ADN non codant ne sert à rien même si aujourd’hui on est plutot en désaccord sur le % qui ne serviraient vraiment à rien, certains pensent que c’est <20%, d’autres que la définition “d’utile” est exagérée par les premier. Si ça intéresse, faut regarder les controverses liées au projet ENCODE.
En revanche il est parfaitement établit qu’une partie de l’ADN est “transformée” en protéine (ADN codant) et le reste non (non-codant). Mais ça ne veut pas dire que le non codant ne sert à rien, loin de là (ce qu’y a été pendant un temps le dogme et reste +/- enseigné au collège/lycée je crois).
En gros le point d’accroche c’était “non-codant” = “ne sert à rien”, jamais distinction non-codant/codant.