Le rapport de transparence du DSA précise un peu les moyens limités que Twitter (X) alloue à la modération. Il soulève, surtout, de nouvelles questions. 

Le 5 novembre, Twitter (X) publiait son rapport de transparence sur le contrôle des contenus, rendu obligatoire par la directive européenne sur les services numériques (DSA).

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On y apprend notamment que le nombre de modérateurs en charge du contenu francophone s’élève à 52 personnes sur 2 294. Selon le document, Twitter compte aussi 81 modérateurs de contenus germanophones et 20 hispanophones. 

Des chiffres qui semblent manquer de cohérence avec le nombre d’usagers de la plateforme. La France comptait en effet 11, 5 millions de comptes mensuels actifs en moyenne entre le 20 avril et le 20 octobre 2023, contre 9,8 millions en Espagne et 8,9 millions en Allemagne (avec 700 000 comptes autrichiens, Twitter compte environ 9,6 millions de comptes actifs actifs mensuels germanophones).

(Comme prévu) une modération humaine limitée à l’échelle mondiale

En introduction, l’entreprise décrit son activité de modération comme une classification en trois catégories :

• la catégorie « Remain » (reste), dans laquelle tombent tous les contenus « sains », c’est-à-dire qui ne violent ni les règles et conditions d’utilisation de la plateforme, ni ses règles spécifiques comme celles dédiées aux conduites haineuses, abus et harcèlement
• la catégorie « Restrict » (restriction), dans laquelle tombent des contenus qui « pourraient être interprétés comme allant à l’encontre de nos politiques – c’est-à-dire que c’est affreux, mais légal ». Dans de tels cas, X déclare rendre le contenu moins facilement découvrable. En d’autres termes, elle réduit son reach, en fonction de sa politique « Freedom of speech, not reach » (liberté d’expression, pas d’engagement/de promotion).
• la catégorie « Remove » (suppression), dans laquelle tombent les contenus illégaux en fonction des juridictions concernées. 

L’entreprise explique que ces différentes catégories de classification – et les outils afférents – peuvent aussi bien concerner des contenus postés que des comptes complets.

Pour les trier, X utilise un mélange de modèles d’apprentissage machine et heuristiques et de révision humaine. L’aspect technologique sert à trier d’office certains contenus problématiques et à en faire remonter d’autres, moins simples à catégoriser de manière automatique, dans la liste des révisions à faire traiter par des humains.

Pour cette dernière étape, X affirme employer un total de 2 294 personnes pour ses activités de modération. Son tableau résumé indiquant 2 294 modérateurs anglophones, il est fort probable que les personnes en charge de modérer du contenu français, arabe ou bulgare soient en fait en charge de traiter du contenu multilingue.

La France championne européenne du harcèlement et des propos violents ? 

Par ailleurs, selon les chiffres présentés, le public français semble être le plus violent d’Europe. Du 28 août au 20 octobre 2023, période sur laquelle portent les chiffres de modération fournis par X, l’entreprise assure en effet avoir procédé à 16 288 suppressions de messages en France pour violation de ses règles et conditions d’utilisation (la deuxième catégorie de son échelle de modération), contre 7 743 en Espagne et 7 160 en Allemagne.

Parmi les contenus francophones supprimés, le document indique que près de 4 300 relevaient du harcèlement (contre  1 200 en Espagne, 1 000 en Allemagne). 6 000 relevaient par ailleurs des « propos violents », (contre 4 100 en Espagne, moins de 2 000 en Allemagne, 1 100 aux Pays-Bas). 

En termes de contenus illégaux, en revanche, le rapport indique des proportions similaires de contenus francophones (18 325 signalements) et germanophones (18 502 signalements) parmi les alertes remontées au réseau social. Sur ce type de publication, c’est l’Allemagne qui mène (avec 18 043 actions) devant la France (14 866).

L’histoire ne dit pas dans quelle mesure l’écart du nombre de modérateurs joue sur les mesures adoptées. 

Des chiffres qui éclairent l’état du discours sur Twitter à l’international

Au-delà du cas européen, ce rapport fournit de nouvelles informations qui éclairent les débats ayant lieu sur X partout où la plateforme est utilisée.

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Dans un contexte de conflit comme celui qui oppose Israël au Hamas, par exemple, il est utile de noter que X ne compte que 12 personnes arabophones et deux maitrisant l’hébreu parmi ses équipes de modération. Le conflit est pourtant l’occasion d’une explosion de la désinformation et de la mésinformation dans les deux camps et autour. 

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De même, on a souligné le rapport étrange, au prisme européen, entre les 9,6 millions d’utilisateurs espagnols de Twitter et les 20 modérateurs hispanophones affichés. Mais il ne faut pas oublier que le réseau social est aussi utilisé en Amérique latine, ce qui démultiplie très largement la masse d’usagers produisant du contenu en espagnol, donc les besoins de modération dans cette langue.

En janvier 2023, le Mexique comptait par exemple plus de 17 millions d’utilisateurs à lui tout seul.