Epic, Unity, le bras de fer Improbable
Moteur, action !
Le 15 janvier 2019 à 16h20
5 min
Société numérique
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En changeant ses conditions d'utilisation il y a quelques mois, Unity a mis le feu aux poudres bien malgré elle. L'entreprise se retrouve aujourd'hui prise pour cible par Improbable, l'éditeur du middleware SpatialOS, qui s'est trouvé un allié de taille : Epic Games.
Il suffit parfois d'un petit changement dans un contrat pour qu'émerge un bras de fer aux conséquences inattendues. C'est la dure leçon que vient d'apprendre Unity, l'entreprise qui a donné son nom au célèbre moteur de jeu utilisé par quelques milliers de titres, sur consoles, mobiles et PC.
Le 10 janvier dernier, Improbable, l'éditeur de SpatialOS – une plateforme multijoueur basée sur le cloud – a publié un billet de blog au vitriol, dans lequel il accuse Unity d'avoir purement et simplement bloqué l'utilisation de sa plateforme. Cette interdiction serait le fruit d'un changement survenu dans les conditions d'utilisation de Unity, apparu le 5 décembre dernier.
De son côté, Unity réfute complètement ces accusations et estime qu'Improbable est de mauvaise foi. L'entreprise aurait prévenu l'éditeur à de multiples reprises ces derniers mois avant de devoir révoquer sa licence, et affirme qu'il exagère largement les conséquences du changement apporté aux conditions d'utilisation.
Improbable met le feu aux poudres
Selon Improbable, tous les jeux existants et futurs faisant appel à SpatialOS enfreignent désormais les conditions d'utilisation de Unity. Cela les obligerait soit à changer de brique pour la gestion du multijoueur, soit à devoir changer de moteur de base, ce qui dans les deux cas reviendrait à d'importants coûts de développement aussi bien pour les petits studios que pour les gros éditeurs, tels que NetEase qui exploite la solution d'Improbable.
Le problème serait tel qu'Improbable annonce la mise en place d'un fonds de soutien pour aider les studios pour qui la démarche de mise en conformité serait trop coûteuse. Le GDK mis au point pour Unity est quant à lui passé sous licence MIT dans le cas où cela puisse aider certain de ses clients.
Unity tente de calmer le jeu
Du côté d'Unity, le discours est bien plus nuancé. « Nous avons mis un terme à notre relation avec Improbable après l'échec de négociations au sujet de violations de nos conditions d'utilisation. Nous avons clairement exprimé que les utilisateurs de SpatialOS ne seront pas affectés tout comme les projets en production ou commercialisés faisant appel à SpatialOS », peut-on ainsi lire sur le blog officiel d'Unity, dans un billet rédigé par Joachim Ante.
Le co-fondateur et directeur technique de l'entreprise va plus loin en détaillant les circonstances exactes dans lesquelles Improbable a été averti, à plusieurs reprises, de ses infractions. D'abord lors d'une réunion informelle il y a plus d'un an, puis par écrit il y a six mois. « Les récents évenements ne sont pas arrivés par surprise pour Improbable ; en fait, ils sont au courant depuis plusieurs mois », tranche-t-il.
Ces premières étapes destinées à inciter Improbable à faire le nécessaire pour ne plus contrevenir aux restrictions liées au streaming et au cloud gaming. « Si vous voulez faire fonctionner votre serveur de jeu basé sur Unity sur votre matériel ou chez un fournisseur de services cloud qui vous met à disposition des instances à cet effet, vous êtes couverts par notre EULA. [...] Cependant, si un service tiers veut exécuter l'Unity Runtime dans le cloud, avec leur SDK en complèment, nous considérons ceci comme une plateforme. Et dans ce cas, le service doit être approuvé comme tel », explique ainsi Joachim Ante, ajoutant avoir poussé ce genre d'accord aux équipes d'Improbable, qui n'en auraient visiblement pas voulu.
Chez Improbable, un deuxième billet apporte un autre éclairage sur les faits : l'éditeur a fourni à la demande de Unity des informations détaillées sur le fonctionnement de sa plateforme et aurait obtenu une confirmation orale qu'elle obéissait au cadre imposé par Unity. Ceci de la bouche même de dirigeants de l'entreprise. Il s'agirait donc d'un simple malentendu aux conséquences inattendues.
Epic s'engouffre dans la brèche
Il n'en fallait pas plus pour qu'Epic Games saisisse à deux mains l'occasion de tacler l'un de ses principaux concurrents. Epic est pour rappel en pleine phase de conquête, à la fois en tant que plateforme de vente de jeux, mais aussi sur le marché des moteurs où Unity profite d'une solide réputation.
Si l'on entend souvent parler de l'explosion du nombre de jeux sortis sur Steam, c'est en partie grâce à Unity, qui a mis entre les mains des petits studios des outils performants leur permettant de créer des jeux et de les porter aisément sur plusieurs plateformes, du PC aux consoles, en passant par le mobile. Si bien que même Blizzard y a fait appel pour Hearthstone. Pour Epic, il est donc primordial que son moteur de jeu séduise de nouveaux studios, à la fois pour alimenter son Epic Games Store, mais aussi pour attirer de plus gros poissons dans ses filets.
Epic s'est donc associé avec Improbable à peine plus de 24 h après le début de l'imbroglio avec Unity pour alimenter un fonds avec 25 millions de dollars, afin d'aider les studios à « migrer vers des moteurs, des services et des écosystèmes plus ouverts ». Et tant qu'à faire, autant que leur choix se porte vers l'Unreal Engine.
Si à première vue la somme peut sembler importante, surtout dans le cas d'une aide dirigée vers de petits studios, il s'agit d'une goutte d'eau pour Epic Games, qui aurait (selon la rumeur) réalisé un bénéfice de plus de 3 milliards de dollars en 2018 grâce à Fortnite. Un bon coup de pub à pas trop cher, même chez les vendeurs de moteurs de jeux, ça ne se refuse pas.
Epic, Unity, le bras de fer Improbable
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Improbable met le feu aux poudres
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Epic s'engouffre dans la brèche
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 15/01/2019 à 16h33
Mais ils ont changé quoi exactement dans leur conditions d’utilisation ? J’ai pas bien compris la racine du problème.
Improbable n’utilise pas la bonne licence Unity pour faire du cloud gaming ?
Le 15/01/2019 à 16h41
+1, pas bien compris où était le problème non plus :s
Le 15/01/2019 à 17h11
De ce que je comprend, le cadre d’utilisation d’improbable depasse le cadre autorisé par la license. Dans ce cas, unity dit qu’il faut traiter directement avec eux pour voir s’ils acceptent ou non de licencier l’utilisation. Apparement coté unity ca dit qu’ils ont refusé ces termes et coté improbable, on dit que la discussion a eu lieu, que les conditions d’utilisation ont ete explicitées et qu’un dirigeant unity a approuvé oralement(lol). Du coup arrivé a echeance, improbable a rien fait de plus pensant le sujet clos et quelqu’un chez unity constate qu’ils n’ont pas d’accord résultat : license revoquée
Mais en effet ca a l’air assez trouble
Le 15/01/2019 à 17h34
Je veux pas dire mais l’image que renvoi Epic c’est pas tip top. Ca fait vraiment le mec qui n’attendait que ca… Ca fait crevard en fait. Comme si il avait besoin de ca.
Le 15/01/2019 à 17h51
Le chinois Epic Games s’engouffre dans la brèche
Le 15/01/2019 à 19h40
J’ai plus l’impression qu’Epic games veut rentabiliser Fortnite, et pour avoir vu leur passif… On est qu’au debut, entre le unreal engine, le store et maintenant le sauveur contre les grands méchants : Valve, unity, Sony (PlayStation) et google qui ont réussi à avoir une grosse part de gateau sans grosse difficulté. Maintenant y a un petit qui a connu “la vie dur” et veut être sur le terrain des gros en étant bien plus vertueux. On sent que valve, google, Sony sont principalement visées.
Les studios seront gagnant comme les joueurs (rocket league, le cross-platform, les utilisateurs d’Android, les joueurs sur pc et les développeurs)
Par contre niveau esport, les structures font la gueule, tout comme les competitions d’esport qui voit Fortnite comme un E-entertaiment et un parasite a cause de sa hype…
Le 15/01/2019 à 19h59
Unity… je croyais que ça avait un rapport avec Ubuntu…
En tout cas, c’est sympa de lire les articles de Kevin Hottot : j’apprends toujours quelque chose d’important que même TF1 ne parlera jamais malgré les capitaux énormes que brasse ce marché.
Le 15/01/2019 à 20h24
Le 15/01/2019 à 20h49
Le 15/01/2019 à 20h50
Le “Journal de 20H” est la seule source d’informations pour beaucoup de gens (notamment des gens qui me sont proches) malheureusement.
Le 15/01/2019 à 21h12
Hallucinant le fric que brasse Epic avec Fortnite. C’est quand même mignon le coup du changement des règles. Et 6 mois avant d’appliquer la sanction, c’est pas forcement beaucoup à l’échelle d’une entreprise.
Improbable semble quand même jouer très gros dans l’affaire. J’ai du mal à croire qu’ils n’aient pas chercher un accord avec Unity.
Le 15/01/2019 à 21h33
Chez Improbable, un deuxième billet apporte un autre éclairage sur les faits : l’éditeur a fourni à la demande de Unity des informations détaillées sur le fonctionnement de sa plateforme et aurait obtenu une confirmation orale qu’elle obéissait au cadre imposé par Unity. Ceci de la bouche même de dirigeants de l’entreprise. Il s’agirait donc d’un simple malentendu aux conséquences inattendues.
En un mot : amateurisme.
Toujours avoir un écrit les enfants, sinon ça fini par lulu en cas de pépin.
Le 16/01/2019 à 09h17
Cette histoire ça sent la tempête dans un verre d’eau avec des gros sous derrière.
Epic devient aussi toxique que EA, c’est dommage vu que leur moteur est vraiment très chouette :/
Le 16/01/2019 à 09h32
C’est vrai, mais l’oral a quand même beaucoup plus de valeur dans les pays anglo-saxons qu’en France. Après, c’est difficile à prouver, mais avec des témoins, etc…
Le 16/01/2019 à 10h16
Est ce que le problème porte sur le fait que:
-La licence Unity autorise l’utilisation du SDK comme serveur applicatif permettant de communiquer avec les clients Unity
-Mais
pas d’utiliser directement le SDK comme moteur de rendu sur le serveur
et d’envoyer le résultat au client, comme pour le cloud gaming?
Le 16/01/2019 à 10h16
Spatial OS est utlisé par Des plateformes de Cloud Gaming qui reposent surle focntinement suivant :
« […]si un service tiers veut exécuter l’Unity Runtime dans le cloud, avec leur SDK en complèment, nous considérons ceci comme une plateforme. Et dans ce cas, le service doit être approuvé comme tel »,
Ce que ne peut plus faire Improbable c’est coupler leur SDK avec Unity Runtime.
Quelle bande d’opportunistes Epic games, ^^ tous des fourbes les chinois " />
Très bonne stratégie de leur part en tout cas
Le 16/01/2019 à 10h47
Le 16/01/2019 à 15h51
C’est assez technique comme problème… En gros, de ce que j’en ai compris, Improbable utilisait Unity dans le cloud comme quelque chose d’autonome, alors que les conditions d’utilisation ne le permettait pas sans approbation explicite d’Unity.
J’espère avoir compris l’essentiel, n’hésitez pas à me corriger le cas échéant.
Le 16/01/2019 à 16h10
T’as globalement compris l’idée :)
Le 16/01/2019 à 16h25
Le 16/01/2019 à 17h39
Certes, mais à un moment quand ça devient structurant pour ton business…. " />
Le 17/01/2019 à 12h09
Je suis tout à fait d’accord, mais travaillant au Royaume-Uni, je peux te garantir que je passe souvent pour un chieur quand je demande une confirmation écrite de ce qui a été convenu à l’oral ! Juste pour donner une idée de la mentalité vis-à-vis des accords oraux ou écrits.
Le 17/01/2019 à 12h45
Plus simplement tu peux envoyer un mail récapitulant les échanges et l’accord convenu en leur laissant la possibilité de l’amender