Originalité des œuvres : vers une refonte du droit de la preuve ?
Ceci n'est pas un sous-titre original
Le 29 mai 2019 à 14h45
4 min
Droit
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L’an passé, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique lançait une mission sur la preuve de l’originalité en matière de droit d’auteur. Une synthèse provisoire vient d’être dressée. Elle en appelle à une réforme du Code de la propriété intellectuelle.
La question de l’originalité d’une œuvre est un point central en matière de droit d’auteur. Sans originalité, nul droit d’auteur. Seul hic, les bases textuelles sont rares. Selon l’article L112-4 du Code de la propriété intellectuelle, « le titre d'une œuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'œuvre elle-même ».
Ainsi, seul le titre est pris ici en compte. La jurisprudence a toutefois nourri ce débat afin de déterminer à partir de quand un auteur jouit d’un droit exclusif sur ses créations.
Dans un arrêt de 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a par exemple posé que les juridictions nationales doivent vérifier « dans chaque cas d’espèce », qu’une prétendue œuvre « soit une création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par les choix libres et créatifs ».
L'épineuse question des contentieux de masse
Une telle démonstration soulève des inquiétudes au sein du secteur de la création. Comme l’avait relevé le président du CSPLA, si jusqu’à présent, « les juges s’autorisaient à apprécier l’originalité en « bloc », non œuvre par œuvre », depuis une dizaine d’années, il regrette « un durcissement jurisprudentiel sur la question de la charge de la preuve de l’originalité ». Un « durcissement » en ce sens que les juridictions exigent parfois une démonstration œuvre par œuvre, « sans généralisation possible ».
On voit rapidement poindre la difficulté s’agissant des contentieux de masse où des milliers d’œuvres sont en jeu, notamment lors des actions en contrefaçon contre des sites considérés comme « pirates » par les demandeurs. « Dans le cadre de contentieux de masse portant sur plusieurs centaines, plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d’œuvres contrefaites, la preuve de l’originalité de chacune des œuvres devient, pour le demandeur, un obstacle insurmontable, tant matériellement qu’en termes de coûts ».
Ainsi, « paradoxalement, plus la contrefaçon est massive, moins sa sanction peut être recherchée ».
Josée-Anne Bénazéraf, avocate qui compte comme cliente régulière la SACEM, et Valérie Barthez, directrice d'une maison d'édition, ont ainsi été chargées de trouver des pistes.
Dans une synthèse, dévoilée ci-dessous, elles considèrent que dans certains cas, le débat sur la preuve de l’originalité d’une œuvre, préalable à une action en contrefaçon, « ne devrait pas bloquer l’action du demandeur ». Ces cas sont l’absence de contestation, la mauvaise foi du défendeur ou la… copie servile.
Vers une présomption d'originalité ?
Dans le rapport final, qui devait être remis fin mars 2019, les deux juristes comptent proposer une réforme du code afin d’ajouter à l’article L. 111 - 1 du code de la propriété intellectuelle une mention « qui permettra de sécuriser le secteur » (en gras, ci-dessous) :
Article L. 111 - 1 du CPI : « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, sauf à ce qu’elle soit dépourvue d’originalité et du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
Une telle adjonction, estiment-elles, permettrait :
- « de ne pas faire peser la charge de la preuve sur le demandeur, de facto ;
- de ne pas considérer l’originalité comme une « formalité » au sens de la Convention de Berne ;
- de permettre un retour à la situation antérieure : lorsque la question de l’originalité se pose réellement, le débat ne doit pas être éludé ».
En somme il reviendrait à l’autre partie de démontrer qu’une œuvre est dépourvue d’originalité, non au demandeur qui bénéficiera généralement d’une présomption.
Acté par le législateur, ce renversement de la charge de la preuve pourra irriguer d’autres branches du droit comme celui de l’hébergement où les notifications adressées à l’intermédiaire n’auront jamais à démontrer à un moment quelconque que telle œuvre présente sur un serveur est bien originale. Il reviendrait de fait à l’hébergeur de démontrer le contraire. Une situation plus que confortable, pour les ayants droit.
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L'épineuse question des contentieux de masse
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Vers une présomption d'originalité ?
Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 30/05/2019 à 07h36
Quel conflit ? Les ayants droit utilisent l’argent de nos impôts pompé en quantité (merci Hadopi et taxe sur les supports) pour subventionner les actions des politiques, qui en retour leur sont favorables pour faciliter ledit pompage. C’est un cercle vertueux, pas un conflit :)
[et pour ceux qui seraient tentés de hurler au conspirationisme, j’ai été témoin direct d’une tentative (réussie) de corruption d’un parlementaire, alors depuis, oui, j’ai peu d’illusion sur la capacité d’action des quelques rares non corrompus]
Le 30/05/2019 à 08h35
Le 30/05/2019 à 09h16
Sur les 21, 3 devait être content vu que le fisc leur à redonner de l’argent." />
Le 03/06/2019 à 10h31
Faudrait voir si ce renversement de la charge de la preuve n’a pas un intérêt dans la mise en place des filtres de l’article 13 devenu 17…
“non mon bon monsieur, c’est pas un filtrage abusif, ou alors il faut nous apporter la preuve de la non originalité de l’oeuvre qui rendrait ineffectif le droit de ponction des AD et alors, seulement alors, on pourrait envisager de ne pas le filtrer”
Le 03/06/2019 à 14h04
Le 03/06/2019 à 14h20
Le 03/06/2019 à 14h59
Je te parle d’œuvre artistique et tu me réponds production.
Je ne parle pas de retirer le critère de l’originalité mais que la ce soit au plaignant de prouver que l’œuvre n’est pas originale et non au créateur de prouver qu’elle l’est.
Et le plagiat ne concerne pas que le téléchargement illégal
Le 03/06/2019 à 15h25
Le 03/06/2019 à 16h08
Désolé, je n’arrive pas à concevoir une production (de l’esprit ou autre) comme une création artistique (œuvre).
La notion de droit d’auteur s’associe selon moi à une démarche artistique, pas artisanale. De plus je n’arrive pas à voir ce qu’une personne mal intentionnée aurait à gagner contre contre une personne qui n’aurait pas les moyens de se défendre.
Je viens de relire l’article mais j’ai l’impression qu’il y a une ambiguïté entre droits d’auteur liés à une œuvre artistique et droits d’auteur lié à un article de presse par exemple.
Le 03/06/2019 à 16h31
Le 04/06/2019 à 07h13
Désolé je n’arrive pas à voir le problème.
Qu’une œuvre soit par défaut “originale, reflétant la personnalité de son auteur et se manifestant par des choix libres et créatifs” et qu’il soit nécessaire de démontrer que non, protège l’auteur.
D’ailleurs en relisant l’arrêt de 2011, on s’aperçoit qu’il s’agit de protéger une artiste (une photographe) qui s’est fait spolier son œuvre par des journaux sans scrupule.
Le seul problème, selon moi, dans la proposition des 2 juristes est de limiter le droit d’auteur à sa seule originalité en faisant abstraction du processus créatif.
A noter que si les journalistes pouvaient se prévaloir d’un droit d’auteur, alors les droits iraient à ceux qui signent l’article et pas à la société de journaliste (et il est sans doute assez facile de démontrer qu’un article de presse ne découle pas d’un processus libre et créatif, a part peut être les éditos de Christophe Barbier).
Le 04/06/2019 à 08h43
Le 04/06/2019 à 09h28
Le 04/06/2019 à 10h01
Le 29/05/2019 à 15h31
Les AD ressemble de plus en plus à la nouvelle noblesse.
Le 29/05/2019 à 15h52
Le 29/05/2019 à 15h58
Le 29/05/2019 à 16h43
« Est-ce qu’élever la cupidité au rang d’art satisfait au critère d’originalité de l’œuvre ? »
Vouz’avez 4h " />
Le 29/05/2019 à 17h01
Youpi on peut pas prouver que l’œuvre est originale (ce qui démontre qu’il ne s’agit pas d’une œuvre devant être protégée tout simplement), ben du coup on va renverser la vapeur ça va être à l’autre de prouver qu’il n’y a pas d’originalité.
C’est pas une simple présomption pour renverser la charge de la preuve, mais la redéfinition de ce qui est une œuvre protégeable, avec comme corolaire que tout est protégé indifféremment de son originalité, critère exclu de la définition.
Avec un tel raisonnement la liberté d’expression va encore ramasser !
Quelqu’un est capable d’expliquer de façon rationnelle pourquoi les ayants-droits sont suivis systématiquement dans leurs commandes réglementaires et législatives visant à satisfaire de purs intérêts privés, sans le moindre recul des politiques qui à l’inverse se doivent de trouver un point d’équilibre par rapport à d’autres droits et libertés (et cyniquement pas moins importants économiquement) ?
Le 29/05/2019 à 17h20
Par ce que les politiques ont peut être (de temps en temps) des conflits d’intéret avec les ayant droits, peut être eux mêmes ayant droits ?
Le 29/05/2019 à 17h40
Ce serait plus simple de créer des tribunaux artistiques de l’originalité, aptes à décider en art quelle partie doit prouver l’originalité ou la non-originalité d’une œuvre dont l’originalité serait contestée ou revendiquée.
Ensuite, au fil du temps et des “jurisprudences artistiques” issues de tels tribunaux artistiques, on saurait à qui demander des preuves en cas de “litige artistique de l’originalité” porté devant un tribunal judiciaire…
Mais là en fait, on a seulement affaire à des ayants-droits trop pressés et qui manquent de sens artistique, alors ils essaient de faire passer des lois qui définissent des concepts absolus (tel que tenter de définir une fois pour toutes qui a la charge de la preuve de l’originalité, au mépris des créations futures) alors que ce type de concept est étranger à l’art…
Le 29/05/2019 à 17h48
Le 29/05/2019 à 18h37
Ainsi, « paradoxalement, plus la contrefaçon est massive, moins sa sanction peut être recherchée ».
Je me demande si c’est maladroit ou volontaire.
la formulation suggère que le caractère plus massif ne diminue la sanction, alors qu’il faut juste plus de travail pour pouvoir sanctionner plus durement.
Leur logique c’est : on a trouvé un objet volé chez vous, donc tout ce qu’une société privé dit avoir vu chez vous et dont vous ne pouvez pas produire de facture est considéré volé…
Le 29/05/2019 à 18h43
Va falloir un max de tapettes
Le 29/05/2019 à 21h13
copie servile
C’est quoi ? (et surtout du point de vue juridique)
Le 30/05/2019 à 06h48
Ce n’est pas forcément négatif pour les auteurs, c’est même plutôt généreux.
Cela suit ce qui se fait du coté des brevets mais le risque est toujours le même : un appauvrissement généralisé des œuvres protégées et de nombreuses manières de faire n’importe quoi.
Par exemple : cela ressemble beaucoup aux problèmes soulevés jadis par la licence globale et notamment la possibilité de produire des pistes à deux sous par ordinateur qui viendraient grossir les logs donnant lieu à rémunération “automatique”.
“L’arnaque” s’est déjà vue sur spotify bien que la licence globale n’existe pas, c’est dire si c’est “mieux”…
Après les patent troll bientôt les art troll en somme. " />
J’attends de voir le mécanisme raffiné permettant à la justice de dire ce qui est original et ce qui ne l’est pas… " />