Frais de représentation des ministres : des « demandes CADA » pour plus de transparence
Un dîner presque parfait
Le 23 juillet 2019 à 08h42
6 min
Droit
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À la lumière de l’affaire de Rugy, l’Observatoire de l’éthique publique réclame la transparence sur les dépenses dites de représentation des membres du gouvernement (qui peuvent atteindre 150 000 euros par an et par ministre). Loi CADA sous le coude, Next INpact va tenter d’obtenir une publication de ces informations, en Open Data.
« Le train de vie du gouvernement demeure une zone d’opacité », regrette l’Observatoire de l’éthique publique, un think tank rassemblant des chercheurs et des parlementaires. Grâce à des questions écrites posées par certains de ses membres, l’organisation pro-transparence a pu apprendre de Matignon, en février dernier, qu’une « dotation de frais de représentation » était allouée chaque année aux différents membres du gouvernement.
En année pleine, cette enveloppe peut atteindre 150 000 euros pour un ministre, contre 100 000 euros pour un secrétaire d'État et 120 000 euros pour un ministre placé auprès d'un autre ministre.
Ces fonds sont destinés à couvrir les dépenses « directement liées à l'exercice des fonctions ministérielles », expliquait le Premier ministre : frais de réception « d'un homologue étranger dans le cadre d'une visite officielle », « organisation de points presse », « réception d'élus ou d'associations », « remise de prix ou de décorations », « dépenses liées à un déplacement officiel », etc.
« L’on savait que les parlementaires disposaient d’une avance mensuelle de frais de mandat de 5 400 euros ; l’on sait désormais qu’un ministre se voit attribuer en moyenne 12 500 euros par mois maximum », commente l’Observatoire de l’éthique publique. « Reste à savoir ce que finance exactement cette enveloppe de frais de représentation, le gouvernement restant pour le coup très flou sur la question. »
Un dispositif extrêmement flou
« Les dépenses à caractère personnel ou familial des membres du gouvernement (réceptions privées, repas personnels et familiaux, achats personnels, habillement, etc.) ne peuvent en aucun cas être prises en charge par l'État », assurait Édouard Philippe, toujours en février dernier.
Suite à l’affaire de Rugy, mis en cause tant pour l’utilisation de son allocation de frais de mandat de député que pour des travaux effectués dans son logement de fonction, lorsqu’il était ministre, l’Observatoire de l’éthique publique vient de publier une note, préconisant notamment qu’un décret vienne officiellement encadrer la fameuse dotation de frais de représentation dont bénéficient les membres du gouvernement.
L’idée ? Préciser noir sur blanc quel est le « périmètre » des dépenses prises en charge, leur plafond, etc. Le think tank voudrait également que l’exécutif définisse à cette occasion des « modalités de leur publicité auprès des citoyens ». En clair, que chacun puisse savoir quel usage a été fait de ces deniers publics.
« Il faudrait une publication simplifiée sur le site de chaque ministère, en Open Data » nous explique Matthieu Caron, le directeur général de l’Observatoire de l’éthique publique. L’intéressé, maître de conférences en droit constitutionnel, plaide pour une mise à jour semestrielle, détaillant « les dépenses des ministres et de leurs cabinets ».
« Ce sont certaines pratiques, rendues possibles par l’opacité, qui alimentent la défiance des Français », fait valoir de son côté l’association Transparency International.
Des « demandes CADA » envoyées à chaque ministère
En attendant que le gouvernement se penche sur les nombreuses propositions du think tank présidé par René Dosière, ex-député connu pour ses demandes de transparence auprès de l’Élysée, Next INpact a décidé d’aller frapper à la porte des différents ministères, sur le fondement de la « loi CADA ».
Estimant que les informations relatives à cette dotation présentent un intérêt certain, tant pour les journalistes que pour la société civile en général, nous avons demandé à chaque ministère de publier, en Open Data, le détail d’utilisation de ces deniers publics.
Depuis le vote de la loi pour une République numérique, en 2016, tout citoyen peut désormais obtenir la mise en ligne de documents administratifs, au nom du droit d’accès aux informations publiques.
Mieux encore : si l’administration sollicitée compte au moins 50 agents ou salariés, elle est par la suite tenue de publier les « versions mises à jour » de tout document communiqué par voie électronique. Ce qui signifie que les ministères pourraient par la suite être tenus de mettre en ligne ces détails d’utilisation de leur(s) dotation(s) de frais de représentation.
Drôle de hasard : en octobre 2018, n’ayant alors pas connaissance de l’existence de cette dotation, nous avions demandé à deux ministères (Intérieur et Culture), ainsi qu’au secrétariat d’État au Numérique de mettre en ligne leurs justificatifs de frais de représentation (notes de frais notamment) concernant tant les ministres que leurs collaborateurs.
Face au silence des administrations concernées, nous avions saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, en novembre. À ce jour, l’autorité indépendante ne s’est toujours pas prononcée sur notre dossier, bien qu’elle soit théoriquement tenue de rendre un avis sous un mois (voir notre article).
Un « Déontologue du gouvernement » ?
Dans sa note relative à la transparence du train de vie de l’exécutif, l’Observatoire de l’éthique publique estime qu’il faudrait instaurer dans le même temps un « Déontologue du gouvernement », lequel serait (entre autres) chargé de contrôler l’utilisation de la fameuse dotation de frais de représentation.
Le titulaire de cette nouvelle fonction pourrait également « diligenter une enquête interne expresse en cas d’affaire politique révélée par la presse au sujet d’un membre du gouvernement », ou « être consulté par tout membre du gouvernement ou d’un cabinet ministériel sur une question de déontologie ».
La récente enquête de France Info relative aux nombreux dîners organisés par Emmanuel Macron à Bercy, lorsqu'il était ministre de l'Économie, laisse à penser que ce dossier n'est pas prêt de se refermer.
Frais de représentation des ministres : des « demandes CADA » pour plus de transparence
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Un dispositif extrêmement flou
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Des « demandes CADA » envoyées à chaque ministère
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Un « Déontologue du gouvernement » ?
Commentaires (51)
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Abonnez-vousLe 23/07/2019 à 09h20
Ça n’ira pas loin je pense. On opposera le droit des affaires ou la sécurité nationale ou secret défense à la requête si ça se trouve.
Le 23/07/2019 à 09h34
Relis mon message. Où ai-je dis que c’était illégitime ?
Je n’aime pas ces procédés et je le dis. Il y a suffisamment de personnes qui aiment les articles avec CADA dans le titre et qui le disent ici pour que vous puissiez accepter un peu de diversité d’opinion, non ? J’ai l’impression que la divergence d’opinion vous fait peur.
Quand on voit que les premières révélations de Médiapart sur de Rugy l’ont fait démissionner alors que les enquêtes ont jugé que ni les dîners ni la rénovation de son logement de fonction ne posaient problème, il faut se méfier de la transparence absolue et sans mise en perspective. Est-ce que l’écologie a gagné à la nomination de la ministre des transports à la transition écologique avec un double portefeuille ?
Le 23/07/2019 à 09h35
Oui, “si ça se trouve”. Merci pour ce commentaire réfléchi et argumenté.
Le 23/07/2019 à 09h52
En dehors de l’aspect “légal” sur lequel les enquêtes, dont l’indépendance est discutables, se sont prononcées, il est légitime de considérer l’aspect moral.
Par exemple, un député/ministre/… qui organise un dîner professionnel a-t-il le droit d’y inviter son conjoint (qui n’est pas une relation professionnelle, sinon il s’agit d’un conflit d’intérêt) au frais de l’Etat ? Si oui, où est la limite (entre la famille, les amis invités officiellement pour un but professionnel, …) ?
S’il y avait une transparence totale sur les montants et les invités, je pense que sans même fixer plus de règles, qu’il y aurait plus de retenue au départ.
Le 23/07/2019 à 09h56
Merci pour ce commentaire réfléchi et argumenté.
Le 23/07/2019 à 09h57
“Les demandes CADA étant personnelles” CQFD, Nxi ne peut pas en faire, donc un des rédacteurs les fait.
Le 23/07/2019 à 10h06
je cherche un bon mot pour saluer la determination de Xavier, mais je reste bloqué sur “CADAtor”, et c’est pas terrible …
une idée ? " />
Le 23/07/2019 à 10h13
Le 23/07/2019 à 10h30
Le 23/07/2019 à 10h35
Le 23/07/2019 à 10h46
Le 23/07/2019 à 10h52
Donc on interdit Libération, l’Humanité ou Le Figaro ?
Je ne vois pas en quoi le fait qu’un raisonnement soit partial implique qu’il n’est pas une expression de la vérité. L’important est que cette partialité soit assumée et non masquée.
Le 23/07/2019 à 10h56
“Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.”
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
Le 23/07/2019 à 11h13
Le 23/07/2019 à 11h21
Le 23/07/2019 à 11h40
Idée totalement inepte due à la chaleur sur mon dernier neurone.
Et si les représentants du gouvernement faisaient ce qu’ils veulent de leur argent personnel (donc sans l’enveloppe idoine) et qu’ils faisaient comme la majorité d’entre nous des notes de frais pour se faire rembourser ?
Le 23/07/2019 à 08h52
Loi CADA sous le coude, Next INpact Xavier Berne va tenter d’obtenir une publication de ces informations, en Open Data.
Voilà, corrigé.
Vaudrait mieux prendre des vacances ! Il y en a besoin !
Le 23/07/2019 à 08h55
Le 23/07/2019 à 08h57
Bravo à vous, on oblige ainsi le gouvernement à apliquer la loi et cela rétablira, je l’espère, la confiance.
Dommage que les parlementaires ne fassent pas ce travail de contrôle de l’exécutif. C’est pourtant dans leur fiche de poste 😕
Encore merci
Le 23/07/2019 à 08h59
Vu le nombre de ministres (19) et de secrétaires d’état (12) au gouvernement, on dépasse déjà les 4 millions d’euros de cadeaux directs dans la popoche « dotation de frais de représentation ».
Reste à creuser le reste du budget pour voir exactement ce qui est offert aux membres du gouvernement: le problème, c’est qu’il est impossible d’avoir le détail des comptes de notre pays: je suis quasiment certain de trouver des prestations fictives et sortes de rétrocommissions cachées.
Vivement la transparence réelle.
Le 23/07/2019 à 09h01
“Bonjour,
au titre de la transparence, pourriez vous nous envoyer vos notes de frais (les vrais, hein, celles que vous brûlez à chaque fin de semaine), histoire qu’on puisse montrer à tout le monde que vous vous gavez sur notre dos?”
Même si je salue l’effort de la tentative de mise en embarras (je vous aime pour cela), il va quand même falloir plus que des demandes CADA, plutôt des piratages informatiques ou des taupes infiltrées pour obtenir les vraies bonnes infos…
Je vous rappelle qu’on est en république bananière enfin…
Mais je suis pessimiste et vous faites plus avancer le schmilblick que moi, donc " />
Le 23/07/2019 à 09h03
Il faudrait apprendre à paramétrer correctement l’outil permettant les commentaires (activer l’éditeur BB Code en cliquant sur la roue dentée au dessus des commentaires), la citation de mon message est fausse, la mise en forme ayant disparu.
Les demandes CADA étant personnelles, Xavier fait ce qu’il veut dans le privé, mais il ne faudrait pas qu’il confonde Next INpact avec son blog, son compte Facebook ou Twitter.
Mais bravo pour la solidarité au sein de la rédaction, c’est beau l’esprit d’équipe !
Le 23/07/2019 à 09h14
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Le 23/07/2019 à 09h17
Haters gonna hate…
La transparence des fonds publics utilisés par les ministères en open data est légitime.
Le 23/07/2019 à 12h05
Le 23/07/2019 à 12h06
Rendez-vous en 2022 :)
Le 23/07/2019 à 12h57
Le 23/07/2019 à 13h04
Le 23/07/2019 à 13h22
Le 23/07/2019 à 13h45
Le 23/07/2019 à 13h54
Le 23/07/2019 à 14h01
En fait, j’ai argumenté plus bas. En particulier, j’ai expliqué pourquoi j’ai rectifié NXI en XB. Quant aux vacances, je maintiens qu’il en a besoin : son sous-titre n’est pas à la hauteur.
Il fallait bien que j’appâte sans sortit tous mes arguments d’un coup un peu pour avoir une bonne pêche. Et le résultat a été au delà de mes espérances, j’ai eu une réponse du rédac chef dès le commentaire suivant (qui lui au moins était plutôt bien vu), en plus de tous les lèches-culs sans esprit critique habituels.
Et quand quelqu’un va dans le même sens que moi, on lui tombe dessus sans comprendre ce qu’il a dit et donc de façon assez ridicule.
Le 23/07/2019 à 14h07
Mais bien sûr; c’est l’assemblée nationale elle-même qui a dédouané son ancien président… ça c’est de l’impartialité! C’est comme cela depuis toujours à l’assemblée nationale ou au sénat : on nomme des potes comme questeurs et ensuite tout est permis (ici ou ici ou ici ou ici ou ici). Donc, demander la transparence totale de l’utilisation des fonds publics en lieu et place d’un auto contrôle de l’assemblée nationale devrait être une évidence et cela ne correspond pas à tes affirmations à l’emporte pièce ci-dessous :
Le 23/07/2019 à 14h10
fred42 a écrit :le résultat a été au delà de mes espérances,
- “Chef ! Y’a la bile qui envahit tout le système que fait on ?”
Le 23/07/2019 à 14h18
Ça doit être la chaleur, en effet. Tu n’as pas réalisé qu’en fait, ce ne sont pas eux personnellement qui font les dépenses dans leur ministère. Quand on refait un appartement de fonction dans un ministère, ce n’est pas le ministre qui doit payer mais le ministère. Il y a même un appel d’offre et des négociations sur le prix. Et c’est pareil pour les repas, c’est le ministère qui achète les produits.
Je veux bien que l’on contrôle bien les dépenses et surtout que l’on précise mieux les règles, mais les ministres ont mieux à faire que des notes de frais. Ils ont tout un entourage qui est là pour leur faciliter la tâche afin qu’ils soient tout à leur fonction.
Le 23/07/2019 à 14h34
Le 23/07/2019 à 17h00
Question naive: que fait un tel article dans NXi ?
Où est le rapport (même lointain) avec le numérique ?
Le 23/07/2019 à 17h08
Le 23/07/2019 à 17h44
pour t’emmerder, et ça marche !
Le 23/07/2019 à 18h17
Il s’agit d’argent public, les règles devraient être plus strictes qu’en entreprise. Surtout que dans le cas présent, il ne s’agit à priori pas majoritairement de diplomatie (réception de délégations étrangères), mais de “réunions” dont la pertinence est discutable.
Quelle est la part réellement associée à la fonction, par rapport à la promotion personnelle (image auprès des invités, remplissage du carnet d’adresses, …) ?
Les bouteilles à 600€ c’est symbolique : elles pourraient par exemple être vendues pour financer des repas un peu plus modestes (même si on serait loin de couvrir les plus de 100000 euros par an de frais de représentation).
Le 23/07/2019 à 22h23
il est a noter que le déontologue de l’assemblé, prof de droit, continuait a toucher sa rémunération de la faculté, tout en touchant ses émoluments de l’AN,…..il avait “oublié” de déclarer qu’il avait arrêté d’enseigner (info du canard d’il y a un an)….sympa le déontologue, on peut lui faire confiance, de rugi est aussi clean que lui, si c’est lui qui le dit " />
Le 24/07/2019 à 04h12
Le 24/07/2019 à 04h18
Le 24/07/2019 à 04h35
comme Mediapart le fait en permanence
Tu as des exemples précis vérifiables ?
Le 24/07/2019 à 06h10
Le 24/07/2019 à 06h27
ah en effet ça serait intéressant aussi comme article environnemental de la conso numérique ,
Le 24/07/2019 à 06h56
moi aussi…je serai curieux de connaître ‘l’empreinte écologique’ du truc !
‘allez……fais pas ton radin….partage” ? " />
Le 24/07/2019 à 07h08
‘l’Empêcheur de dissimuler en Paix’ ? " />
Le 24/07/2019 à 08h01
Le 24/07/2019 à 14h27
Le porno s’est fait détrôné par la VOD , damn !
bon c’est basé que sur la vidéo en ligne, mais ça peut être intéressant tout type : les emails les journaux en lignes etc .
car certains disent que lire plus de 3min une page web, il serait préférable d’imprimer la dite page web et la fermer pour minimiser l’empreinte écologique
Le 25/07/2019 à 06h43
‘merci’ ! " />