La France affûte sa transposition de l’article 17 de la directive Droit d’auteur
#Opinel
Le 11 septembre 2019 à 08h53
5 min
Droit
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La directive sur le droit d’auteur sera transposée en France par la future loi sur l’audiovisuel. En préparation, Paris aiguise l’adaptation de son précieux article 17 sur la reconnaissance et le filtrage des contenus.
Le projet de loi sur l’audiovisuel va consacrer plusieurs grandes réformes en France. Sur le terrain de la défense de la propriété intellectuelle, la fusion Hadopi et CSA serait actée, à en croire Franck Riester. Mais l’important se situe surtout dans les nouveaux pouvoirs de cette institution en devenir.
La transposition de l’article 17 (ex-article 13) de la directive sur le droit d’auteur sera un des principaux wagons du train législatif, et l’avant-projet Hadopi 3, son compartiment central.
Comme déjà révélé par Next INpact le 26 juillet dernier, la Hadopi ou sa remplaçante aura pour nouvelle mission l’évaluation des sites de partage de contenus, nouveau statut embrassant la plupart des hébergeurs de fichiers comme YouTube. Cette évaluation jaugera « l’efficacité et la proportionnalité des mesures de protection des œuvres » par les plateformes concernées.
Ces dernières devront de leur côté remettre chaque année une déclaration « précisant les mesures mises en œuvre, les conditions de leur déploiement et de leur fonctionnement, leur niveau d’efficacité et les modalités de collaboration avec les titulaires de droits ».
En clair, les mesures de filtrages préventifs ou de blocages curatifs voulues par le législateur européen seront mises en œuvre par les plateformes, sous l’œil d’une institution publique.
Dans le texte dévoilé cet été, il était prévu que la Hadopi puisse alors « formuler des recommandations sur le niveau d’efficacité des mesures au regard de leur aptitude à assurer la protection des œuvres et objets protégés. »
Dans la nouvelle version que nous avons pu consulter, on retrouve cette logique sauf que l’écriture se veut plus précise, tatillonne : à l’occasion de ces recommandations, le ministère de la Culture insiste pour que cette analyse se plonge dans les conditions de déploiement de ces mesures, « leur fonctionnement et les modalités de leur amélioration, ainsi que sur le niveau de transparence requis ».
Pas de secret des affaires opposable
Plus intéressant. Dans la version antérieure, il était écrit que la Haute Autorité disposait du droit d’ « obtenir à cet effet toutes informations utiles auprès des fournisseurs des services de partage de contenus en ligne (…), des titulaires de droits et des concepteurs de ces mesures ».
La formule plus récente ajoute une précision de rigueur : le secret des affaires ne pourra lui être opposé. Elle pourra ainsi « obtenir toutes informations auprès des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne (…), des titulaires de droits et des concepteurs de ces mesures à cet effet, ainsi que pour évaluer l’adéquation de la mise en œuvre des mesures ».
En clair, si YouTube vante l’efficacité d’une mesure de filtrage des contenus, la Hadopi ou son successeur aura un vaste droit d’accès dans les tréfonds technologiques de ContentID, et ses équivalents sur les autres plateformes.
Les grands axes de l’article 17 dans la future loi sur l’audiovisuel
Sur le fond, à savoir les obligations pesant sur les plateformes de partage de contenus, la nouvelle version du texte conserve les grands axes eux aussi dévoilés dans nos colonnes.
Le texte leur impose de nouvelles obligations, en excluant d’abord plusieurs secteurs : les encyclopédies en ligne, mais seulement celles poursuivant un but non lucratif, les plateformes de développement et de partage des logiciels libres, les places de marché ou encore les services en nuage.
Les acteurs du cloud computing ne seront cependant évincés que s'ils « permettent aux utilisateurs de téléverser des contenus pour leur usage strictement personnel ». Il faut en déduire à contrario qu’un service en ligne qui permettrait de partager un lien vers ce contenu auprès d’autres, comme Uptobox, ne serait pas concerné par cette exclusion.
Dès lors que ces intermédiaires commerciaux poursuivent l’objectif de stocker et donner accès à une grande quantité d’œuvres, ils devront alors décrocher des autorisations des titulaires de droit.
Sans autorisation, ils seront présumés responsables des contrefaçons hébergées, sauf à démontrer qu’ils ont suivi un parcours du combattant, jonché de mesures de filtrage :
- Démontrer avoir fourni ses meilleurs efforts pour obtenir l’autorisation des titulaires de droits
- Démontrer avoir fourni ses meilleurs efforts pour rendre indisponible une œuvre pour laquelle les titulaires de droits ont transmis les empreintes ou toutes autres informations pertinentes
- Démontrer, après notification, avoir bloqué l'accès ou avoir retiré un contenu tout en empêchant sa réapparition si le titulaire de droit lui a fourni les informations pertinentes
Les plateformes âgées de moins de 3 ans dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros ne seront astreintes qu’au blocage d’accès et au retrait des contenus, dès lors que les titulaires lui auront adressé les informations pertinentes. Si elles dépassent les 5 millions de visiteurs uniques par mois, elles devront au surplus empêcher la réapparition des œuvres, dans les mêmes conditions.
Une surveillance non généralisée, mais presque
L’article 15 de la directive e-commerce de 2000 prohibe les mesures de surveillance généralisées. Pour éviter toute sanction lors de la transposition de l’article 17 de celle sur le droit d’auteur, la France prévient que ces mesures de filtrage ne s’appliqueront que « sur la base des informations pertinentes et nécessaires ou des notifications fournies par les titulaires de droit ».
En somme, le filtrage sera très vaste, sans être généralisé puisque limité par exemple aux seuls catalogues des sociétés de gestion collective… Lesquels comprennent des millions d’entrées.
La France affûte sa transposition de l’article 17 de la directive Droit d’auteur
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Pas de secret des affaires opposable
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Une surveillance non généralisée, mais presque
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 11/09/2019 à 09h17
c’est quand même gonflé, ça revient à dire que la charge de la preuve de ses obligations de moyens revient à l’opérateur intermédiaire, non ?
par contre ça exigera de la part des ayants droits d’être hyper précis dans leurs requêtes de retraits de contenus, du coup l’opérateur intermédiaire pourrait pinailler en disant qu’il manque un truc ?
Le 11/09/2019 à 09h44
L’hébergeur dans la situation définie par les textes pourra en effet communiquer un fork “fait maison” de content ID avec quelques implémentations pour faire comme les grands de son service en ligne et démontrer de ce fait que la technologie répond aux souhaits de la haute autorité…
Il y a donc bien pire qu’une mauvaise réponse : il y a le problème mal posé de l’économie de l’attention qui pour le moment se résume à croire au père Noël. C’est bien mais, jusqu’à un certain âge seulement. " />
Le 11/09/2019 à 09h50
Il y a tellement de sal#peries dans cette loi … censure, filtrage, annihilation de la concurrence aux grosses boîtes déjà en place (tous ceux qui n’auront pas les moyens de mettre en place ces mesures de filtrage seront hors-la-loi), inversion de la charge de preuve, soumission complète du pays aux AD, effets de bords, faux positifs, disparition du droit de citation, disparation du droit de parodie, frein monstrueux à la création, etc. (je dois en oublier) … mais c’est pour les AD, donc finalement #touvabien. Ahurissant.
Le 11/09/2019 à 10h16
Le 11/09/2019 à 13h05
“le secret des affaires ne pourra lui être opposé.”
Outre le fait qu’on a l’impression qu’un tabou vient de tomber car le secret des affaires est vraiment sanctuarisé (voir notamment les journalistes mis en difficulté alors qu’ils ne faisaient que leur boulot), va falloir sérieusement motiver une telle règle devant la Commission européenne dans le cadre de la notification:
. la Directive indique expressément dans ses considérants(68) que cela ne doit pas porter atteinte au secret des affaire,
. si on peut opposer le droit des affaire au droit à l’information va falloir expliquer pourquoi on peut pas s’agissant de propriété intellectuelle…
Dans le genre schizophrène " />
Le 11/09/2019 à 13h07
Qu’a a fin les gens mettrons aussi cher dans du wawa que dans 3 abos légal par praticité…
Le 11/09/2019 à 13h19
Le 11/09/2019 à 13h39
ils se fichent de Wikipedia, mais s’ils n’avaient pas mis une exclusion spécifique ils n’auraient vraiment laissé aucun doute sur leur compte. Je crois que le sujet était sorti dans les discussions sur la directive européenne et qu’une exclusion spécifique a été définie à ce niveau.
Le 11/09/2019 à 20h01
Le 12/09/2019 à 08h18
Comme l’a dit skankhunt42, c’est consciemment, par praticité, et pas par bêtise…
(edit : sauf si tu parles des ayants droits ?)
Le 12/09/2019 à 10h33
Oups !
C’est vrai que mon message n’était pas très clair.
Je parlais bien des AD qui ont toujours plusieurs trains de retard sur les usages. " />
Le 12/09/2019 à 15h13
Le secret des affaires…
Ca me rappelle une maxime, si vrai :
“Quand on fait le bien, on n’éprouve pas le besoin de se cacher”.