Starship : le Super Heavy Booster de SpaceX devrait voler en 2021
Falcon 9 bientôt à la retraite ?
Le 30 décembre 2020 à 13h00
8 min
Sciences et espace
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Le projet Starship d’Elon Musk prend forme. Il s’agit pour rappel de la nouvelle génération de fusée réutilisable devant emmener des humains sur Mars. Après plusieurs tests sur l’étage supérieur, SpaceX se prépare à faire décoller son premier étage Super Heavy Booster. D'autres étapes suivront.
Chez SpaceX, l’année 2020 aura été marquée de plusieurs réussites, notamment l’envoi d’astronautes dans la Station Spatiale Internationale (ISS) dans le cadre d’une mission commerciale pour la NASA. En parallèle des dizaines de lancements et retours de fusées Falcon 9 et du déploiement progressif de sa constellation Starlink, le fabricant avance sur sa prochaine génération de fusée : Starship, connue sous le nom de BFR jusqu’à fin 2018.
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Bien qu'elle comporte deux étages, les prototypes testés ne correspondent qu’au second, la partie supérieure… ils mesurent déjà une cinquantaine de mètres de hauteur, soit quasiment autant que le lanceur européen Ariane 5.
Le premier étage, Super Heavy Booster, devrait décoller pour un vol à faible altitude (« hop ») d’ici quelques mois selon Elon Musk. Actuellement, les travaux avancent, la suite du plan prévoyant un vol orbital en 2021, un lancement commercial en 2022 et un voyage destination Mars en 2024. Mais tout n'a pas été rose.
Retour sur un an d’explosions et de réussites
Les tests de la partie supérieure ont en effet mal débuté dès la fin 2019 avec l'explosion du prototype MK1. Elle s’est déroulée lors d’un essai visant à « mettre les systèmes sous une pression maximum, si bien que le résultat n'était pas complètement inattendu. Il n'y a pas eu de blessés, et ce n'est pas un grave revers ».
En février, le prototype SN1 (Serial Number 1, la nouvelle dénomination utilisée par SpaceX) subissait le même revers, puis c’était au tour de SN3 en avril à cause d’une « erreur de configuration du test plutôt qu’une erreur de conception ou de construction ». Il faudra attendre le mois d’avril et SN4 pour que le test cryogénique soit enfin passé avec succès… avant que ce prototype n’explose lui aussi en juin lors d’un essai de mise à feu statique.
Le premier décollage avec succès est arrivé en septembre avec SN5, qui a atteint 150 mètres avant de venir se reposer sur la terre ferme sans encombre. Un second vol à 150 mètres s’est déroulé quelques jours plus tard avec SN6, de quoi réjouir Elon Musk : « Il s'avère que vous pouvez faire voler n'importe quoi haha ».
En décembre, après deux reports, dont un moins de 2 secondes avant le lancement, SN8 décollait pour un test à haute altitude (12,5 km). Il a effectué un retournement en vol comme prévu, mais s’est écrasé dans une gerbe de flammes en raison d’une vitesse trop élevée à l’arrivée. Elon Musk y voyait néanmoins un succès, car de nombreuses étapes avaient été franchies : « Super test. Félicitations à l’équipe Starship ! », lâchait-il sur Twitter.
Après une petite chute sans gravité, SN9 est installé sur le pas de tir depuis le 22 décembre, paré à décoller.
Les deux étages en détail
Starship est à la fois le nom de la fusée et du second étage (SNx). Avec 120 mètres de hauteur, la version finale de l'ensemble sera bien plus imposante. Aux dernières nouvelles, il se décomposera de la manière suivante :
Le premier étage Super Heavy Booster
- 70 mètres de haut pour 9 mètres de diamètre
- Réservoirs d'une capacité de 3 400 tonnes
- Poussée totale de 72 000 kN (il est question de 28 moteurs Raptors pour l’instant)
Le second étage Starship (comme la fusée complète)
- 50 mètres de haut pour 9 mètres de diamètre
- Réservoirs d'une capacité de 1 200 tonnes
- Poussée totale de 12 000 kN avec six moteurs Raptors
La partie supérieure sera déclinée en deux versions, Crew et Cargo, différents dans l’aménagement intérieur de la coiffe. Cette dernière mesure 9 mètres de diamètre pour 18 mètres de hauteur, soit un peu plus de 1 100 m³.
La charge totale peut dépasser les 100 tonnes en orbite terrestre basse. C’est donc largement plus que Falcon Heavy (avec trois premiers étages de Falcon 9) qui est annoncé à 63,8 tonnes. SpaceX affirme aussi être capable de déposer 100 tonnes à la surface de la Lune ou de Mars, en « faisant le plein » de sa fusée dans l’espace.
Ces caractéristiques techniques sont susceptibles de changer, ce ne serait pas la première fois. Pour rappel, lorsqu'Elon Musk présentait la première fois Starship (BFR à l’époque) en septembre 2016, la fusée mesurait alors 122 mètres de haut pour 12 mètres de large. Un an plus tard, des changements étaient apportés et elle passait à respectivement 106 et 9 mètres. Fin 2019, il était question de 118 et 9 mètres, contre 120 et 9 mètres actuellement.
Le club fermé des lanceurs de plus de 100 tonnes
SpaceX n’est pas seule à vouloir envoyer de grosses charges dans l’espace. La NASA prépare sa fusée Space Launch System (ou SLS) qui sera capable d’emporter jusqu’à 130 tonnes en orbite basse. Comme nous l'avons évoqué récemment, la Chine est aussi sur le coup avec Long March-9 pouvant elle aussi de dépasser les 100 tonnes.
Ariane 6 ne viendra pas jouer sur ce terrain (voir notre magazine #2), avec un maximum de 22 tonnes pour la version A64 avec quatre boosters latéraux. Même chose pour la Delta IV Heavy de l’United Launch Alliance qui est à 29 tonnes « seulement ». Rappelons que la palme est pour le moment toujours détenue par le « monstre » Saturn V qui était capable d’emporter 140 tonnes en orbite basse. Ce lanceur était en service dans les années 60 et 70.
Disposer d’une capacité de chargement importante permet d’emporter davantage de matériel pour l’exploration spatiale, ou des satellites plus gros. Dans la conquête de Mars par exemple, il faudra embarquer des membres d’équipage, de grosses quantités de fret et de matériel, du carburant pour les manœuvres d’atterrissage sur la planète rouge et le retour, etc. Elon Musk n’a pas caché son ambition d’explorer le Système solaire avec Starship.
Le premier vol de Super Heavy Booster en approche
La modularité est une part importante de Starship : la version Crew du second étage pourrait être utilisée pour des déplacements sur Terre, tandis que la version à deux étages servira pour l’exploration d’autres planètes.
Mais on n’en est pas encore là, tant s’en faut. Seuls des prototypes du second étage ont décollé (et explosé) pour le moment, avec d’indéniables progrès sur l’année 2020. Interrogé sur le premier « hop » (à 150 mètres d’altitude) de Super Heavy Booster, Elon Musk annonce qu’il arrivera dans « quelques mois », sans plus de précision.
Et ensuite ?
Il faudra alors combiner les deux morceaux pour lancer une fusée Starship complète dans l’espace… et la faire revenir. Selon Elon Musk, « il faudra atteindre au moins SN20 ou plus pour avoir Starship 1.0 ». Le premier vol devrait avoir lieu en 2021, si tout va bien.
Il y a quelques semaines à peine, Elon Musk prévoyait toujours d’envoyer une mission cargo sur Mars en 2022, suivi par des humains en 2024 ou 2026 (une fenêtre de lancement s’ouvre tous les deux ans pour rappel). La version Crew de Starship pourra transporter « jusqu’à 100 personnes vers une orbite basse, la Lune et Mars. Cette configuration comprend des cabines privées, de grands espaces communs, un stockage centralisé, des abris contre les tempêtes solaires et une zone dédiée à l'observation ».
Ce qui paraissait un rêve un peu/beaucoup/complétement (rayez la mention inutile) fou il y a quelques années prend de plus en plus forme. Reste à voir si l'histoire finira bien, ou comme dans un mauvais téléfilm.
Ce n’est PAS une vraie photo.
Starship : le Super Heavy Booster de SpaceX devrait voler en 2021
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Retour sur un an d’explosions et de réussites
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Les deux étages en détail
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Le premier vol de Super Heavy Booster en approche
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Et ensuite ?
Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 30/12/2020 à 14h08
“la suite du plan prévoyant un vol orbital en 2021, un lancement commercial en 2022 et un voyage destination Mars en 2024.”
En langage Musk ça veut dire : 2031, 2032 et 2034
Le 30/12/2020 à 14h53
On est clairement d’accord que les délais Musk sont complétement fumés.
En revanche on voit quand même que Spacex sort des systèmes fonctionnels et qui volent plutôt bien.
Après on parle de plus de 100 tonnes et le “scale” se passe vraiment pas bien dans ce domaine donc à voir.
Personnellement j’ai de gros doutes sur la faculté de piloter 28 moteurs de forte puissance sur un premier étages en parfaite synchronisation.
Bonne chance Spacex et les autres qui communiquent moins (coucou blue origin) vous nous faites des actus et des images de ouf.
Le 30/12/2020 à 14h45
Sinon, pour être plus complet dans la partie lanceur 100 tonnes, on peut rajouter également les fusées soviétiques Energia (un peu plus de 100 tonnes) qui a volé 2 fois avec succès, et N1 (un peu moins de 100 tonnes) dont les 4 lancements furent des échecs.
Ce qui serait intéressant, c’est que SpaceX nous dise combien de lancement de fusées ravaitailleuses il faudra pour faire le plein du Starship pour qu’il puisse envoyer 100+ tonnes sur Mars.
Le 30/12/2020 à 15h05
A priori un crew cargo peut transporter assez de carburant pour remplir un crew ship.
Pour répondre à ta question on est sur un ravito en leo pour remplir le crew.
Après je ne sais pas jusque ou on va avec ça dépends de la masse finale de l’engin du rendement des moteurs, etc ….
Pour moi une mission martienne c’est 2 ou 3 ravito (c’est mon avis de mec avec un diplôme de physique et un module de mécanique orbitale donc c’est a prendre avec des pincettes) :
lancement du ship -> ravito en LEO -> injection trans martienne -> descente sur mars -> on remonte -> ravito en LMO -> injection trans terrienne -> atterrissage.
Dans ce cas la, on aurait de l’aérofreinage pour éviter le burn de mise en orbite sur mars et idem retour sur terre (on plonge direct dans l’atmosphère pour freiner) mais je ne sais pas si la performance thermique de l’engin permets de faire ça (je dirais non vue que j’ai lu nulle part que la surface aurait un revêtement thermique et l’acier sera pas suffisant à mon avis).
Sinon pour moi faut faire un ravito de plus à la mise en orbite sur mars avant la descente et peut être un quatrième à la mise en orbite de retour sur terre. donc 3 ravito mais surement 4 ou 6 lancements pour qu’un ou des ravitailleurs remplissent le ou les ravitailleurs qui suivront le crew et le ravitaillerons en orbite martienne (sinon les ravitailleurs arriveront sur mars à moitié vide).
Le 30/12/2020 à 15h21
Des tuiles thermiques d’une techno similaire à celle de X-37B sont prévu sur le ventre du Starship.
Le 30/12/2020 à 15h42
Alors après un peu de recherche et de calcul :
Le crew va arriver sur mars à minimum 9kms (plus si on a cherché à faire passer le voyage sous les 260 jours qui sont le rapport optimal pour la vitesse).
C’est trop pour plonger direct ou alors il va falloir faire une percée technologique sur les tuiles thermiques (celle du X37B ne permettent qu’une rentrée en sécurité et seulement à 7.5kms).
Pour info pour un vaisseau de 100 tonnes entre 7.5 et 9.0 kms on a 44% d’énergie en plus a dissiper. Sachant qu’en suite on devra faire une seconde rentrée sur terre.
Pour moi on devra donc clairement freiner.
Le 30/12/2020 à 18h14
Tu descends sur Mars avec combien de carburant pour remonter ?
Le 30/12/2020 à 22h13
Remonter ?
C’est un voyage sans retour qui est prévu… Si tout explose au décollage de la terre, au moins les candidats au suicide auront souffert moins longtemps.
Le 30/12/2020 à 15h12
Sauf que l’équipage aura perdu 2 dixième à chaque œil à l’allez, de la masse osseuse, ce la masse musculaire, une fois sur mars, les mecs ne pourront pas descendre de la navette par eux-même.
Le 30/12/2020 à 15h29
Je ne connais pas les facteurs de masse osseuse au niveau de la perte et de la vitesse.
Mais mars n’a que 38% de la gravité terrestre l’effort sera moins violent.
Le 30/12/2020 à 15h31
Ça dépendra du temps du voyage parce que si à l’arrive on a des mollusques, ça ne sert à rien. Elon doit résoudre ça et en 2-3 ans ce n’est pas faisable.
Le 30/12/2020 à 15h43
260 jours de trajet pour avoir un optimum en consommation de carburant. Tu peux faire moins mais tu brules plus de carburant et tu devra “dissiper” plus de vitesse en injection martienne.
Après c’est peut-être possible de générer un peu de gravité pendant le vol en faisant tourner le vaisseau (comme il fait 9 mètres de diamètre ça reste une piste faisable testé sur skylab)
Le 30/12/2020 à 16h00
Ouais mais tu as aussi les radiations solaires qui posent soucis, donc pas avant 10 ans moi je dis.
Le 31/12/2020 à 10h15
j’hésite entre un subtil second degré ou une référence involontaire…
Le 31/12/2020 à 14h21
N’empêche ce soucis n’est toujours pas résolu, ou j’ai rien passé pour l’instant.
Le 31/12/2020 à 16h43
À mon avis, il y a d’autres soucis qui sont minimisés. Par exemple, les virus.
Une expédition qui serait partie en décembre 2019, avec un équipier porteur du SARS-Cov2, alors inconnu, mais asymptomatique, et qui aurait rendu malades les autres équipiers…
Le 31/12/2020 à 18h24
Actuellement, les astronautes sont mis en isolement pendant une paire de semaine avant de partir sur l’ISS. Ils sont interdits de tout contact avec l’extérieur justement pour éviter ce genre de chose.
Le 01/01/2021 à 08h42
Dans Apollo 8, il y a quand même eu une bonne gastro, avec tout ce que ça implique…
Mais peut-être qu’à l’époque, l’isolement était moins rigoureux ?
Le 01/01/2021 à 09h45
Depuis 1968 la NASA a su évoluer dans sa gestion de la santé des astronautes oui
En cas très récent, le premier équipage envoyé par SpaceX a été mis en isolement pendant deux semaines, ce qui est la procédure habituelle. Et cette quarantaine pré lancement est une routine qui date justement de l’époque d’Apollo (ainsi qu’au retour). Sans oublier le suivi médical très pointu des astronautes.
Par exemple Charles Duke avait été écarté d’Apollo 13 à la dernière minute parce qu’il était suspecté d’avoir contracté la rougeole.
En une quarantaine d’années la NASA a développé une sacré expérience en matière de suivi médical et psychologique des astronautes.
Le 31/12/2020 à 17h40
Ça se resoud par un confinement de l’équipage
Le 01/01/2021 à 15h04
C’est Ken Mattingly qui devait partir et qui a été écarté. Mais c’est effectivement suite à des contacts avec Charles Duke, lui-même malade mais ne faisant pas partie de l’équipage.
Le 01/01/2021 à 16h35
Mélange de pinceaux dans les noms, merci
Le 02/01/2021 à 09h37
Le 04/01/2021 à 09h00
On y croit tellement…
Le 04/01/2021 à 16h39
M’étonnerait bien que la Falcon9 parte à retraite, on est pas sur la même charge, la Falcon superheavy à la limite, vu le peu de fois où elle a servi malgré son impressionnant retour des doubles boosters.
en tout cas, il va y avoir du spectacle dans les années qui viennent….
Le 05/01/2021 à 09h48
Selon Musk, le starship mettra la Falcon9 à la retraite grâce à 1) un 2ième étage réutilisable et 2) un 1ier étage moins long/cher à remettre en état entre chaque vols (moteur au kérosène vs moteur au méthane), qui compenseront largement le coût supplémentaire du carburant à cause du lanceur beaucoup plus massif. C’est peut être un N-ième bullshit de CEO mais conceptuellement ça se tiens.
De toutes façons ça sera pas avant longtemps vu que la Falcon9 a été certifié pour les vols habité et il faudra BEAUCOUP de réussites successives au starship pour convaincre la NASA de laisser ses astronautes monter à bord d’un engin qui ne prévoit pas de moyen de sauvetage en cas d’échec.