La version 3.0 de PeerTube est désormais disponible. Elle introduit une longue série d’améliorations et de nouveautés, dont la plus visible est clairement la capacité de diffuser un contenu vidéo « live ». À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec Pouhiou, co-directeur de Framasoft.
Tout d’abord, rappelons que PeerTube n’est pas une plateforme, mais un logiciel. L’association française Framasoft est pour beaucoup dans la promotion de cet outil permettant de bâtir des instances contenant des vidéos. Elles seront alors lues en P2P. Le principe d’instance et de fédération est exactement le même que pour Mastodon.
La fédération entre instances utilise d’ailleurs le même protocole, ActivityPub. Pour la lecture, PeerTube se sert de WebTorrent. L’ensemble se veut certes une alternative décentralisée/distribuée mais véhicule surtout une autre idée de ce que doit être le partage des contenus et, plus généralement, des connaissances.
La version 2.0 avait apporté d’importantes nouveautés, et Framasoft, après avoir embauché en CDI l’auteur de PeerTube (Chocobozzz), avait indiqué les développements attendus d'ici la version 3.0. La plus visible est bien sûr l’arrivée de la diffusion en direct, mais ce n’est pas forcément celle qui sera la plus utilisée au quotidien.
Ravalement de façade et recherche globale
L’expérience utilisateur évolue, tout particulièrement dans les menus, les notifications, la barre latérale, les outils d’administration et de modération. C’est le résultat du travail de la designer Marie Cécile Godwin Paccard.
Sans révolutionner l’ensemble, ces changements bienvenus apportent une réelle touche de « sérieux » à l’interface, qui en devient nettement plus soignée. L'outil est d'autant plus agréable à utiliser :
La recherche globale
C’était probablement l’une des fonctions les plus demandées, héritée de la fédération des instances. La recherche est en effet limitée à l’instance dans laquelle vous l'initiez et celles avec qui elle est fédérée. De nombreux retours exprimaient la même idée : un moteur de recherche global serait le bienvenu.
Comme le rappelle Pouhiou, le moteur proprement dit a été lancé en septembre dernier. Nommé Sepia Search, il catalogue le contenu des instances, « mais pas de toutes ». Pourquoi ? « L’inscription est volontaire, mais peut être réalisée par n’importe qui. Un utilisateur peut très bien nous pointer une instance qui n’était pas encore référencée. Et puis une instance déjà référencée peut très bien nous indiquer qu’elle ne souhaite pas voir ses contenus accessibles depuis la recherche. On laisse le choix ».
Ce n’était pas prévu initialement dans la feuille de route, mais Framasoft a décidé que ce moteur serait accompagné d’une page consacrée à ces recherches. Comme l’explique le co-directeur, ce choix a eu un léger coût en développement, puisque certaines nouveautés ont été un peu rabotées au passage.
Mais, comme ajoute Pouhiou, « on n'en avait pas parlé », la casse est donc limitée. Le moteur lui-même permet de trouver des vidéos et des chaines, selon les termes utilisés. Le code de Sepia Search est open source, sous licence GNU AGPLv3 comme la plupart des autres développements de Framasoft.
La diffusion en direct
C’est l’autre grande nouveauté de PeerTube 3.0. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est minimaliste, pour reprendre l’expression même de Pouhiou : « La fonction est pour le moment basique, et c’est volontaire ».
En l’état, la diffusion ne propose qu’une seule et unique fonction : diffuser. Aucune fonction périphérique n’accompagne la retransmission de la vidéo, pas même un salon de discussion. « Même l’idée simple de discussions voudrait dire pouvoir surveiller les échanges et mettre à disposition des outils adaptés de modération. Si la personne qui diffuse est occupée, il n’y aura personne pour gérer ça », explique le co-directeur.
L’association n’a, pour le moment, pas les ressources pour créer cette infrastructure et les outils qui vont avec. Dans cette première version de la diffusion « live », il faut s’attendre à une latence allant de 30 à 60 secondes en moyenne. Elle variera bien sûr fortement en fonction de nombreuses conditions, dont la charge du serveur utilisé.
Cette latence est moyenne, Pouhiou précisant : « Quand je faisais encore des vidéos en direct sur YouTube en 2015, même là-bas j’avais entre 15 et 30 secondes de latence ». D’autant qu’il s’agit d’une première version et que les optimisations sont possibles. En outre, l’objectif n’a jamais été de créer un concurrent de Twitch.
Il ne faut pas s’attendre non plus à ouvrir la page du service et à allumer sa caméra. Ce type de facilité aurait contraint l’association à développer toute une interface avec les caméras pour en gérer le flux vidéo. À la place, PeerTube fournit une clé RTMP (Real Time Messaging Protocol), qu’il faudra ensuite entrer dans un logiciel de traitement vidéo comme OBS (Open Broadcaster Studio). Le flux pourra alors être envoyé vers PeerTube.
La diffusion est disponible via deux modes. Dans le premier, classique et éphémère, un identifiant unique est fourni. PeerTube enregistre le flux live pour mettre à disposition le contenu une fois la diffusion terminée (replay). Pratique pour une personne qui ferait des interventions à but scolaire par exemple, pour retrouver les explications passées.
Le deuxième mode est dit « live permanent », avec un fonctionnement de type start/stop. PeerTube fournit alors un lien unique vers ce direct, qui sera actif ou non. Actuellement, PeerTube ne garde pas de trace vidéo de ce fonctionnement, mais cette capacité sera proposée plus tard. Le live permanent est un outil clairement tourné vers les personnes ayant des besoins réguliers en diffusion.
Dans tous les cas, PeerTube se sert du protocole HLS (HTTP Live Streaming) pour la diffusion. Au vu du fonctionnement, on comprend que la fonction de live ne peut pas être exploitée depuis un smartphone ou une tablette. En l’état, il faut obligatoirement un logiciel adapté, donc un ordinateur. De plus, PeerTube « assure un bon fonctionnement pour plusieurs centaines de vues simultanées, mais pas pour plusieurs milliers », ajoute Pouhiou.
Notez que les capacités actuellement manquantes peuvent faire l’objet de nouveaux plugins.
Un renforcement des plugins et listes de lecture
Les capacités des plugins ont été mises à jour. Toutes les nouveautés présentes dans PeerTube 3.0 sont disponibles à ces extensions, qui peuvent donc puiser dans leurs possibilités et en augmenter l’étendue.
C’est justement le cas avec la diffusion live. Rien n’empêche par exemple des développeurs de créer un système de discussion pour accompagner les vidéos, basiques ou proposant des outils complémentaires comme la modération.
L’utilisation des listes de lecture est plus souple, avec surtout la possibilité de les intégrer librement dans d’autres pages. S’y ajoutent de nouvelles capacités. On peut par exemple inclure deux extraits d’une même vidéo dans une liste, ou au contraire supprimer un extrait spécifique. Pratique pour créer des listes selon une thématique précise, pour se concentrer sur les passages les plus marquants.
La question du financement participatif
L’association a remercié les participants de sa campagne de financement participatif, lancée en juin 2020 et qui s’est étalée sur environ six mois. Elle souhaitait récolter 60 000 euros, objectif rempli avec plus de 68 000 euros.
Outre cette campagne, plusieurs mécènes ont épaulé Framasoft : Octopuce, Code Lutin et le projet Debian. Ce dernier a offert 10 000 euros à l’association, don accompagné d’un communiqué qui a permis à Framasoft d’acquérir une visibilité internationale. Mais Pouhiou l’annonce clairement : « Il n’y aura pas de nouvelle campagne de financement participatif en 2021 ».
La campagne de 2020 a créé en effet un appel d’air dont l’ampleur n’avait pas forcément été anticipée et « a entrainé l’arrivée de nouveaux contributeurs. Le nombre de retours, de propositions d’idées et autres a explosé. Le problème est pour que gérer tout ça, il aurait fallu une personne dédiée, et nous n’avions que Chocobozzz sur le développement », explique-t-il.
Or, « Chocobozzz était dans un pipeline de développement. Il devait gérer à la fois l’avancée vers les nouvelles versions et le traitement des retours. C’était difficile ». Puis, en riant : « Là, la première étape maintenant que la version 3.0 est sortie, ça va être de se reposer un peu. Ensuite, on commencera à parler de la 4.0 ».
Plus de personnalisation et coulisses du projet
Car oui, aucune feuille de route précise n’a été établie pour la prochaine version majeure. Framasoft a quand même une piste : « On aimerait proposer une vraie personnalisation des pages. Une chaine devrait pouvoir choisir précisément ce qu’elle affiche, et comment. Par exemple, la disposition des éléments, si elle veut promouvoir les vidéos les plus récentes, les plus lues, etc. ». On y verra plus clair dans quelques mois.
En attendant, les intéressés par PeerTube pourront alors voir le petit reportage de 15 min baptisé « Les coulisses de PeerTube », qui montre à quel point le logiciel a été « créé avec peu de moyens, de manière artisanale (au sens noble du terme), par très peu de personnes ». Bien que Chocobozzz n’y apparaisse pas (à sa demande), on en apprend beaucoup sur la manière dont a été gérée le projet, et plus globalement sur le travail au sein de Framasoft.
Commentaires (10)
#1
typo: “Elle introduit ne longue série”
#1.1
Il y a un bouton pour ça juste au dessus ;)
#1.2
Encore mieux, sélectionner le texte fait apparaître le bouton.
#2
Un partenariat avec Brave devrait pouvoir financer une partie du site, il y a aussi Rumble qui permet de licencer ses propres contenus à des tiers
#3
Bonne nouvelle !
#4
Je croise les doigts pour qu’un plug-ins soit bientôt disponible pour Kodi. Ça me permettra de réduire la dépendance à YouTube.
#4.1
Il existe déjà un plugin Kodi, bien que le développement ne soit pas très actif : https://framagit.org/StCyr/plugin.video.peertube
Pour savoir quelles applications tierces existes, ça s’passe dans la doc’ : https://docs.joinpeertube.org/use-third-party-application
#4.2
Merci.
Faudra que je teste thorium sur android tv ou la shield
Je pourrais mater pas mal de mes contenus par la au final
Un support plus poussé des os tv pourrait aider la solution (je sais pas simple en terme de ressources)
Espérons que ça vienne
C’est une demande ou ca existe ?
Etant fibré avec un nas+ nextcloud je serai intéressé de donner de la bande passante et de l’espace pour contrer youtube.
#5
Cool
A que je regrette que l’on ne puisse intégrer des liens peertube à BigBlueButton.
#6
très fluide cette vidéo, j’avais 10 pair, sympa les stats sur la vidéo en bas. Bonne stratégie de ne pas suivre le modèle YouTube, un petit plugin pour un nextcloud et c’est parfait