En route vers l’Histoire, le télescope James Webb enchaine les bonnes nouvelles !
Champagne à l’ESA !
Le 30 décembre 2021 à 10h21
6 min
Sciences et espace
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En route vers le point de Lagrange L2, Webb a débuté le déploiement de son bouclier thermique et procédé à deux ajustements de sa trajectoire. Tout va très bien pour le moment, et même mieux encore puisque « le placement de Webb par Ariane 5 était meilleur que les exigences ».
Le 25 décembre, le James Webb Space Telescope (JWST de son petit nom) a décollé de Kourou en Guyane française. Attendu depuis plusieurs décennies par des scientifiques du monde entier, l’enjeu était de taille pour l’Agence spatiale européenne (ESA) puisque c’était une fusée Ariane 5 qui était chargée de le placer dans l’espace.
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Ce n’est pas un secret : le lancement s’est déroulé sans la moindre anicroche et les responsables de l’ESA peuvent désormais souffler. Pour l’équipe en charge du JWST il reste encore plusieurs étapes cruciales à franchir avant de lancer les opérations scientifiques.
Un lancement avec une grande précision, selon l’ESA et la NASA
L’Agence spatiale européenne se félicite d’ailleurs de la précision de son lancement : « l'analyse montre qu'il faut moins de propergol que prévu pour corriger la trajectoire de Webb vers son orbite finale autour du deuxième point de Lagrange connu sous le nom de L2, un point d'équilibre gravitationnel de l'autre côté de la Terre, loin du Soleil ». Son réservoir devrait donc avoir plus de carburant que prévu une fois que le télescope sera confortablement installé à sa destination finale.
Là où cela devient intéressant, c’est que le système de propulsion de Webb ne sert pas que pour les corrections de trajectoire et l'insertion en orbite au point L2. Il est aussi utilisé pour des fonctions indispensables pendant toute la durée de la mission : les manœuvres de « maintien en position » afin d’ajuster l'orbite de Webb, le pointage du télescope vers des cibles précises dans l’Univers et lutter « contrer les effets de la pression du rayonnement solaire sur l’énorme écran solaire ».
Le carburant supplémentaire « est en grande partie dû à la précision du lancement d'Ariane 5, qui a dépassé les exigences nécessaires pour mettre Webb sur la bonne voie, ainsi qu'à la précision de la première manœuvre de correction à mi-parcours », explique l’Agence.
Sur son blog, La NASA confirme que « le placement de Webb par Ariane 5 était meilleur que les exigences ». Le lancement de ce télescope est sans aucun doute un bon coup de publicité pour la fiabilité et la précision d’Ariane 5… qui en a bien besoin face aux acteurs du New Space. Ariane 6 profitera certainement de cette bonne aura, mais la prochaine fusée européenne devra confirmer cela lors des premiers lancements.
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Deux « corrections » de trajectoire, tout va bien !
La première correction a été effectuée 12,5 heures après le lancement (le temps de calculer et vérifier avec précision la trajectoire). Elle a duré 65 minutes et a permis de gagner 20 m/s en vitesse. Un second ajustement a été effectué le 27 décembre, là encore sans encombre. Il a duré une dizaine de minutes seulement, avec une hausse de 2,8 m/s sur la vitesse. Un troisième et dernier devrait avoir lieu juste avant l’arrivée au point L2.
Selon l’Agence spatiale européenne, cette économie de carburant « devrait prolonger la durée de vie prévue de Webb ». La durée nominale de la mission est d’environ cinq ans pour rappel, mais les scientifiques espèrent bien qu’il durera (beaucoup) plus longtemps. Il s’agit en fait du temps pendant lequel les partenaires s’engagent, une forme de « garantie » en quelque sorte, mais sans réparation possible en cas de problème.
Le panneau solaire rapidement déployé
L’ESA ajoute que la précision de la trajectoire au lancement d’Ariane 5 a une autre conséquence : « le timing du déploiement du panneau solaire ». Comme l’ont remarqué certains (notamment chien dans les commentaires), il s’est mis en place environ une minute et demie après la séparation avec la fusée, soit aux alentours de 29 minutes après le lancement. Or, dans le planning initial, il était indiqué que cette opération devait se réaliser au bout de 33 minutes. Rassurez-vous : rien de grave, bien au contraire !
« Ce déploiement a été exécuté automatiquement après la séparation d'Ariane 5 sur la base d'une commande de se déployer soit lorsque Webb a atteint une certaine attitude face au Soleil, idéal pour capter la lumière du soleil afin d’alimenter l'observatoire, ou automatiquement à 33 minutes après le lancement », explique l’ESA.
Température, vitesse, position… suivez Webb avec précision
Désormais, « tous les déploiements sont contrôlés par l'homme, donc le moment des opérations – ou même leur ordre – peut changer », ajoute l’Agence. Vous pouvez d’ailleurs suivre l’ensemble des étapes sur cette page de la NASA. On y trouve la liste des opérations à mener, la distance qui sépare le télescope de la Terre et du point de Lagrange L2, sa vitesse et, depuis peu, la température.
James Webb dispose de plusieurs sondes, mais quatre sont pour le moment actives avec des données accessibles publiquement. Deux se trouvent du côté « chaud » du satellite, c’est-à-dire celui exposé au Soleil. Les températures y sont actuellement de - 6,7 et + 9,4 °C.
Du côté « froid », les températures sont de - 57 et - 153 °C. Le bouclier thermique n’est pas encore totalement en place, la température devrait donc continuer de baisser dans les prochains jours. Une température basse est très importante pour le bon fonctionnement des instruments scientifiques.
En route vers l’Histoire, le télescope James Webb enchaine les bonnes nouvelles !
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Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 30/12/2021 à 10h49
Merci pour ton article, Sébastien.
Le 30/12/2021 à 11h30
Hey Merci pour cet article ! Je regardais cette super vidéo expliquant un peu dans les détails les différents éléments du télescope ainsi que son déploiement (en anglais) : YouTube
Le 30/12/2021 à 11h46
Par Saint Moi-Même !
Je viens de rester 5 minutes sur la page web “Où est Charl”…pardon “Où est James Webb ?”.
Hypnotisé par ces chiffres qui changent…tout le temps…
C’est bien le taff quand y’a personne
Le 30/12/2021 à 12h27
Super article Sébastien ! Des bonnes nouvelles difficiles à trouver ailleurs, surtout avec tant de précision.
Le 30/12/2021 à 13h02
Merci pour l’article qui vient quelques jours après la tempête médiatique autour du JWST, mais qui fournit de véritables précisions et des informations plus que bienvenues.
Le 30/12/2021 à 14h00
Comme tout expert-en-tout-sur-son-fauteuil-devant-son PC je me disais que si la durée de vie de JWST est liée à ses réserves de carburant, ils auraient au moins pu prévoir la possibilité de le recharger…
Hé bien ils y ont pensé (vers la fin de cet article) !
Le 30/12/2021 à 15h00
A noter que JWST a délibérément été sous-propulsé par Ariane 5 pour éviter d’avoir à tourner à 180° pour faire les corrections. Uniquement des corrections dans l’axes ont été prévues.
Le 31/12/2021 à 00h41
C’est surtout qu’il ne peut en aucun cas tourner de 180°. Il n’est pas prévu pour ça, et ça poserait de gros problèmes de température pour l’équipement. Il est condamné à accélérer tout doucement vers L2 sans le dépasser pour ne jamais à avoir à faire demi-tour. Une sorte d’exercice d’équilibriste permanent.
Le 30/12/2021 à 18h24
Toutes les agences congitent sur leur fauteuil et sont expertes en crèmes solaires. Le challenge c’est déjà de trouver la plage et d’éviter le coup de soleil.
Le 31/12/2021 à 10h41
Le satellite ne doit pas ralentir en arrivant sur zone ?
IL faudrait que je regarde la trajectoire d’approche.
Le 31/12/2021 à 10h44
Non, aucun ralentissement possible malheureusement.
Le 31/12/2021 à 12h24
Je vois mal comment ils pourraient se positionner de manière stable en L2 sans freiner. Vu que dans l’espace les frottements sont négligeables, il seront obligés de faire une poussée opposée jusqu’à l’arrivée au point L2.
Le 31/12/2021 à 12h52
La gravité. Elle est supposée nulle en L2, mais c’est théorique, il suffit d’une perturbation et on s’en éloigne. Au delà de L2, on risque l’expulsion sans fin, en deçà, il faut envoyer une petite “pichenette” de temps en temps pour ne pas retourner vers la terre. Le choix a donc été fait : on reste le plus près possible, mais en deçà. La quantité de carburant pour rester à cet endroit est faible, et on n’a pas besoin de propulseur qui permettrait de reculer.
Le 31/12/2021 à 13h23
Exact. On peut d’ailleurs voir que le JWST est en train de ralentir. Sur la capture de l’article, il voyageait à 0.82 km/s. Au moment de la rédaction de ce commentaire, il est à 0.73 km/s, et il va continuer à décélérer lentement jusqu’à la dernière phase d’insertion sur le point L2.
Le 31/12/2021 à 14h13
c’est amusant de voir sa vitesse diminuer progressivement… Il va vite avoir fait la moitié du chemin, ça sera plus long pour la seconde moitié.
Le 31/12/2021 à 14h14
ah, tu m’as grillé, j’aurais dû rafraichir avant de poster !
Le 31/12/2021 à 17h08
Merci
Le 31/12/2021 à 18h04
[oups réponse à effacer ]
Le 01/01/2022 à 11h14
Heu… Déjà si la gravité était nulle ça ne ralentirait pas le télescope, au contraire il garderait une trajectoire inchangée et dépasserait le point.
Ensuite aux points de Lagrange, la gravité des deux astre ne s’annulent pas (sauf en L1). Elle permet juste de maintenir sa position relativement aux deux astres. Mais, comme pour une orbite, Il faut bien se positionner au point de Lagrange et s’y positionner avec la bonne vitesse.
Le 01/01/2022 à 17h43
Oui, j’ai été un peu vite : un objet en L2 est stable sur l’alignement soleil-terre grâce à sa vitesse et à la gravité qui s’annulent (comme en L1, où la gravité n’est pas nulle non plus, pour la même raison). Mais ça ne change rien au fond de l’affaire : Webb est placé légèrement plus proche de la terre que L2 qu’il ne doit en aucun cas dépasser sauf à s’en écarter définitivement, vu qu’il ne peut pas freiner.
Une bonne explication sur les points de Lagrange.
Le 01/01/2022 à 20h05
J’ajoute à ça que webb n’est pas vraiment “sur” le point de Lagrange. Il “orbite” autour du point de Lagrange de façon à être constamment ensoleillé pour permettre une utilisation 24⁄24.
https://webb.nasa.gov/content/about/orbit.html pour des explications bien plus précise!
Le 01/01/2022 à 20h26
Sûr L2 la gravité ne s’annule pas, au contraire il y en a encore plus!
Normalement un objet plus lointain que la terre devrait avoir une période orbitale autour du soleil plus grande que la terre. (Donc qui est plus lente/met plus de temps à faire le tour du soleil)
Sauf que le point de Lagrange 2 est sur l’alignement Terre-Soleil ce qui permet a un objet situé sur L2 d’être “tirer” par la gravité combiné de la Terre et du Soleil. Plus de “gravité” permet de réduire la période orbital pour qu’elle soit la même que celle de la terre (donc rester dans l’alignement). Donc un objet en orbite stable placer sur Lagrange 2 va pouvoir y rester :)
Le 02/01/2022 à 20h46
Le jwst n’est pas en chute libre vers du vide.
C’est bien sa masse qui va lui permettre de décrire une orbite plus longue car oscillante en L2 autour du soleil. Et pour décrire cette orbite et la suivre il faut postuler qu’il devra compenser son avance ou son retard. Plus il sera proche de cette orbite idéale moins de carburant il consommera, donc l’entrée dans la quasi-orbite est pas si simple vu que le L2 n’est pas un corps !
Le 03/01/2022 à 10h31
Je pense qu’on dis la même chose, mais je vais quand même répondre
Tant que les propulseur de jwst sont pas activé pour faire des ajustement, jwst sera considéré en chute libre, attiré par le soleil et la terre. Une orbite est une chute libre mais avec assez de vitesse perpendiculaire à la chute pour ne jamais toucher ce autour de quoi on orbite après tout
Et pour le coup son orbit est plus longue par rapport à quoi ? Parce que l’idée du point de Lagrange 2 de la terre c’est d’avoir une “altitude” orbitale plus élevée par rapport au soleil, donc plus longue en terme de distance, mais où on peut aller plus vite et donc garder la même durée d’orbite (période orbitale) et donc rester sur le même axe terre soleil. C’est ce que j’essayais d’expliquer dans mon commentaire de façon très simplifié
Et en terme d’orbite la masse est négligeable surtout à l’échelle d’un objet que on construit nous même. Ça pourrais être une fourmis qu’on envois, on viserais la même distance et vitesse que si on essayait de placer un asteroid.
Sinon pour la proximité de l’orbite idéal et la consommation de carburant je suis d’accord. Mais jwst ne vise pas L2, il vise une orbite autour de L2
Pour avoir quelque chiffre glaner sur internet, Jwst mettra 6 mois pour compléter une orbit autour de L2, et il est prévu de faire des réajustement d’orbite avec ces propulseur tout les 21 jours pour s’y maintenir
Le 03/01/2022 à 12h36
Oui.
Et il y a aussi la même méthode de positionnement pour une mission active germano-russe !
Avec ces 3 instruments placés là on ne va rien manquer de l’histoire de l’univers, enfin j’espère pas !
Le 03/01/2022 à 13h51
Moi ce que j’en espère surtout c’est une découverte à laquelle on s’attend pas, un peu comme les premières photo de hubble qui ont révélé l’étendue de l’univers !
Mais bon avant ça, il faut que tout le déploiement se passe bien, on croise les doigts 🤞 (surtout qu’il y a déjà eu quelques anomalies sur certain capteur, mais le déploiement a l’air de se dérouler correctement, bien que ralenti un peu)