Licenciements chez Alcatel : les syndicats indignés, le gouvernement réagit
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Le 09 octobre 2013 à 06h00
7 min
Économie
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La nouvelle est officielle depuis hier : Alcatel-Lucent compte licencier près de 10 000 personnes dans le monde d'ici la fin de l'année 2015. La France sera durement touchée avec 900 départs et 200 arrivées en 2014, et l'externalisation de plusieurs centaines de postes. Les syndicats, qui s'attendaient à cette nouvelle, ont vivement réagi, tout comme le gouvernement ainsi que le président français.
Un air de déjà-vu
Depuis quelques années et la montée en puissance de ses concurrents chinois ZTE et Huawei, le Franco-Américain Alcatel-Lucent tranche durement dans ses effectifs. L'an passé déjà, la société annonçait le licenciement de 5 490 personnes, dont 1 430 en France, pays le plus durement touché. À cette époque, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'Économique numérique, se sont dits dans un communiqué commun « préoccupés par les difficultés d'Alcatel-Lucent ».
Avec Michel Sapin, ministre du Travail, les locataires de Bercy annonçaient même qu'ils seraient « extrêmement vigilants à ce que le projet d’Alcatel-Lucent préserve les fonctions les plus stratégiques du groupe en France. Ils veilleront à ce qu’un dialogue exemplaire soit mis en place avec les organisations syndicales afin notamment de trouver une solution d'emploi à chaque salarié qui pourrait être concerné par le projet annoncé. »
L'Europe et la France trinquent
Cette année, les chiffres changent, mais les dialogues ne varient guère. Dans son communiqué officiel, Alcatel-Lucent explique donc vouloir économiser 1 milliard d'euros voire plus, ceci en tranchant dans certaines branches, et donc sur des emplois bien précis mais néanmoins nombreux. 4 100 salariés en Europe devront donc plier bagage d'ici deux ans, tandis que 3 800 en Asie-Pacifique et 2 100 en Amérique devront en faire de même, soit un total de 10 000 départs. En réalité, ce sont 15 000 personnes qui partiront, tandis que 5 000 autres seront recrutées dans le même laps de temps.
Parmi les 4 100 licenciements européens, la France, qui compte le plus d'employés sur le continent, sera le pays le plus touché avec 900 départs l'an prochain, principalement dans l'administratif, le commercial et le support. Un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) sera mis en place. Alcatel recrutera en même temps 200 ingénieurs et techniciens pour travailler sur les nouvelles technologies, sachant que l'équipementier télécom cherche à concentrer sa recherche et développement (R&D) sur les technologies de prochaines générations (5G, etc.), tout en réduisant celle sur les anciennes générations. Toujours concernant la France, Alcatel précise que 900 autres postes pourraient d'ici fin 2015 être transférés ou redéployés. La société n'est néanmoins pas affirmative à ce sujet.
Il s'agit du sixième plan social d'Alcatel en sept ans. L'effectif français devrait être quasi divisé par deux depuis la fusion entre Alcatel et Lucent en 2006.
« La direction générale a la main lourde, très lourde »
Du côté des syndicats, la nouvelle n'est pas si surprenante, bien que décevante. En effet, depuis plusieurs mois déjà, nous savions que la nouvelle direction cherchait à réduire ses coûts. La somme d'un milliard d'euros d'économies était déjà avancée. En juin dernier, la CFDT pensait ainsi que cela « passera certainement par des réductions d'effectifs », tout en se demandant « combien et dans quel périmètre ? »
Cette même CFDT rappelait à l'époque que « les salariés ne peuvent pas payer à nouveau au prix fort les erreurs des directions générales précédentes. Ils ne sont pas non plus responsables des milliards d’euros évaporés sans effet dans les plans de restructuration précédents. L’articulation avec le plan social en cours, extrêmement douloureux, devra aussi être prise en compte. » Des vœux qui n'ont pas été écoutés.
Hier, le syndicat ne cachait pas son désarroi suite à cette nouvelle. Estimant que « la direction générale à la main lourde, très lourde », la CFDT explique que les salariés ont pris de nouveau « un coup sur la tête » après déjà cinq plans de licenciement en six ans. « C’est une réelle hécatombe ! » considère même le syndicat, lequel assure qu'il « combattra et fera des propositions pour changer ce plan. La CFDT avec l’intersyndicale se mobilisera avec les salariés parce qu’il est impensable de laisser cette saignée supplémentaire se réaliser sans réagir. »
Pour conclure son communiqué, la CFDT affirme que le gouvernement doit aider le syndicat à pousser la direction d'Alcatel-Lucent à rééquilibrer les suppressions d'emplois en faveur de la France, alors que cette dernière est le pays à le plus souffrir des derniers plans de départs.
« Un tsunami social inacceptable » pour la CFE-CGC
Pour la CFE-CGC, la nouvelle est un véritable « tsunami social », qu'il juge « inacceptable ». Le syndicat précise que les sites de Toulouse, de Rennes et de Paris (Avenue de Suffren) seront fermés, et que les sites d'Ormes, de Eu et d'Orvault risquent d'être abandonnés, cédés ou externalisés. En France, « Alcatel-Lucent aura perdu d’ici fin 2015 30 % de ses effectifs actuels sur son cœur de métier (les marchés opérateurs) ainsi que la plupart de ses sites » explique-t-on.
Face à une telle situation, et à l'instar de la CFDT, la CFE-CGC en appelle directement au gouvernement et en particulier à Arnaud Montebourg afin d'inverser la tendance. « Monsieur Montebourg, il ne suffit pas de déclarer à propos de La Nouvelle France Industrielle : "Nous construisons la France qui défend sa souveraineté en retrouvant sa capacité d’innovation et de déploiement des nouvelles infrastructures numériques... La France dispose de nombreux atouts grâce à un leader mondial, Alcatel-Lucent...", il faut des actes MAINTENANT ! »
« Le plan social est excessif »
Le ministre du Redressement productif a justement réagi, notamment à l'Assemblée nationale hier. « Nous avons reçu le président d'Alcatel, nous lui avons dit que la première des choses était que le plan social (...) est excessif. (...) Nous avons demandé à la direction d'Alcatel-Lucent de reformater à la baisse le plan social, de le réduire » s'est-il ainsi expliqué devant les députés.
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a pour sa part déclaré que le gouvernement serait « particulièrement vigilant et exigeant » sur la mise en place du plan social d'Alcatel-Lucent. L'ex-maire de Nantes a non seulement rappelé qu'Alcatel avait reçu des aides publiques et donc que la société avait des devoirs, mais il a même affirmé que selon l'entreprise, il s'agit de son tout dernier plan de licenciement. « Le gouvernement sera particulièrement attentif pour que ce qui nous est dit soit la vérité et nous allons procéder à des vérifications » a-t-il ainsi indiqué lors d'une conférence de presse organisée à Matignon.
Enfin, le président de la République François Hollande lui-même s'est exprimé sur le sujet. Il a ainsi déclaré que « les pouvoirs publics devaient tout faire pour qu'il y ait le moins de suppression d'emplois possible », imposant ainsi une certaine pression sur le dos du gouvernement. Néanmoins, comme rappelé en début d'article, lors des précédents plans sociaux, les paroles ont rarement été transformées en actes.
Licenciements chez Alcatel : les syndicats indignés, le gouvernement réagit
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L'Europe et la France trinquent
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« La direction générale a la main lourde, très lourde »
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« Un tsunami social inacceptable » pour la CFE-CGC
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« Le plan social est excessif »
Commentaires (43)
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Abonnez-vousLe 09/10/2013 à 10h19
Le 09/10/2013 à 11h06
Le 09/10/2013 à 11h12
Pas d’inquiétude, le gouvernement va les aider comme pour ceux de Florange !
Le 09/10/2013 à 11h38
Le 09/10/2013 à 11h48
Le 09/10/2013 à 12h38
Le 09/10/2013 à 13h08
Le 09/10/2013 à 15h25
Le 09/10/2013 à 16h31
Le 09/10/2013 à 16h34
Le 09/10/2013 à 18h29
Le 09/10/2013 à 18h30
C’est pas d acheter Français qui gêne, mais le désert depuis toujours de l’industrie française dans ce domaine, nos patrons et décideurs sont incapables de produire le moindre matériel et bien avant la mondialisation nos industriels ne produisaient que s’ils sont certains que l’état Français leur achète leur matériel et pourtant il y a beaucoup d’ingénieurs dans ce domaine mais il boss à l’étranger
Le 09/10/2013 à 18h30
Le 09/10/2013 à 19h46
Le 09/10/2013 à 08h11
Le 09/10/2013 à 08h24
Le 09/10/2013 à 08h32
Quand je lis certains commentaires, ça me fait bien rire.
N’attendez jamais RIEN des politiciens en terme d’emplois dans le privé, le privé ce n’est pas le public, les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’y ont aucun pouvoir décisionnaire (tout juste une petite influence), seule la justice peut trancher en dernier lieu, à condition que des lois aient été bafouées.
Que les gens arrêtent de reporter leurs responsabilité et l’espoir sur des politiciens, il n’y aura jamais de retour en terme de préservation de l’emploi, sauf si l’emploi est menacé de façon illégale auquel cas ils peuvent influencer la mise en route de certaines lois, ou faire passer un décret. (Et encore…).
Le 09/10/2013 à 08h33
Il faut préciser que le mauvais résultat 2012 – 1,3 milliard d’euros de pertes – qui sert de prétexte à ces licenciements est essentiellement dû à une “dépréciation des actifs”, c’est-à-dire à un artifice comptable destiné par exemple à masquer des bénéfices.
Et la justification de la fermeture du site de Rennes est que son effectif (110) est tombé sous la “taille critique”… suite aux plans de licenciements précédents !
Le 09/10/2013 à 08h38
Le 09/10/2013 à 08h38
Le 09/10/2013 à 08h45
Le 09/10/2013 à 08h51
Le 09/10/2013 à 08h54
Le 09/10/2013 à 08h54
Le 09/10/2013 à 09h01
Je crois qu’on peut encore une fois remercier l’UE pour n’avoir pas voulu protéger son industrie face à la concurrence un rien faussée en provenance de la Chine sur les équipements téléphoniques.
Edit : c’était il y a presque un an …
Le Monde
Le 09/10/2013 à 09h27
Le 09/10/2013 à 09h31
Montebourg sur France-Culture ce matin :
http://www.franceculture.fr/emission-l-invite-des-matins-l-invite-des-matins-201…
2 problèmes :
Contrairement a certains commentaires, je pense que Montebourg comprend le problème.
Par contre, il aura uniquement convaincu Hollande de faire du protectionnisme ponctuel (Huawei -les routeurs- font du dumping => on bloque les produits Huawei - les routeurs - ), plutôt que du protectionnisme global (meme criteres sociaux et environnementaux pour pouvoir vendre en Europe).
Le 09/10/2013 à 09h55
Le 09/10/2013 à 10h03
Ou un exemple de plus qui montre qu’il y a deux façon d’aborder la compétition internationale:
-Contrôler un équipementier qui a réalisé sa mue
Contrairement à Alcatel-Lucent qui a multiplié les secteurs où il est présent, NSN a décidé il y longtemps déjà de se concentrer uniquement sur la 4G et les services associés.
“Il faut se focaliser pour être dans les top-players’, nous expliquait il y a quelques mois Alain Ferrasse-Palé, p-dg Nokia Siemens Networks France, un ancien d’Alcatel. “C’est notre stratégie : nous concentrer sur une technologie et quelques marchés porteurs comme l’Asie et les Etats-Unis. Nous sommes ainsi les numéros 1 de la 4G en Corée du Sud et au Japon. L’Europe est en train de décoller”.
Résultat, NSN contrôle 20% du marché mondial du LTE/4G, selon le cabinet Dell’Oro.
source
Le 09/10/2013 à 10h05
Ou un exemple de plus qui montre qu’il y a deux façon d’aborder la compétition internationale:
-Contrôler un équipementier qui a réalisé sa mue
Contrairement à Alcatel-Lucent qui a multiplié les secteurs où il est présent, NSN a décidé il y longtemps déjà de se concentrer uniquement sur la 4G et les services associés.
“Il faut se focaliser pour être dans les top-players’, nous expliquait il y a quelques mois Alain Ferrasse-Palé, p-dg Nokia Siemens Networks France, un ancien d’Alcatel. “C’est notre stratégie : nous concentrer sur une technologie et quelques marchés porteurs comme l’Asie et les Etats-Unis. Nous sommes ainsi les numéros 1 de la 4G en Corée du Sud et au Japon. L’Europe est en train de décoller”.
Résultat, NSN contrôle 20% du marché mondial du LTE/4G, selon le cabinet Dell’Oro.
source
Le 09/10/2013 à 06h13
Une direction incompétente qui fait payer à ses employés ses erreurs stratégiques.
Un grand classique, ou comment sauver sa tête en faisant sauter celle des autres.
Pendant ce temps ils ont gagé leur portefeuille de brevet de 5 milliards d’€ à Goldman Sachs pour obtenir un prêt de 2 Milliards. Une honte.
Le 09/10/2013 à 06h14
Enfin, le président de la République François Hollande lui-même s’est exprimé sur le sujet. Il a ainsi déclaré que « les pouvoirs publics devaient tout faire pour qu’il y ait le moins de suppression d’emplois possible », imposant ainsi une certaine pression sur le dos du gouvernement. Néanmoins, comme rappelé en début d’article, lors des précédents plans sociaux, les paroles ont rarement été transformées en actes.
Un gouvernement a-t-il jamais pu faire quoi que ce soit dans ce genre de cas ? (ceci est une vraie question : je ne me souviens pas d’exemple en ce sens)
Le 09/10/2013 à 06h27
Voilà un gars qui sait quoi faire dans ce genre de situation
YouTube
Le 09/10/2013 à 06h33
Le 09/10/2013 à 06h34
Arnaud Montebourg le tonneau vide quoi : le monsieur qui monte sur ses grands chevaux à chaque fois pour faire beaucoup de bruits, mais au final inefficace à souhait " />
Le 09/10/2013 à 06h35
Le 09/10/2013 à 06h35
Le 09/10/2013 à 06h51
Le 09/10/2013 à 06h53
Blague chieusse:
bof si cela m’évitera de travailler avec les équipements SDH de chez alcatel Lucent, sa me fera des migraines en moins !
Le 09/10/2013 à 07h10
Pour moi les syndicats n’ont rien compris, le plus embêtant n’est pas de perdre son emploi, mais d’avoir peur de ne pas en retrouver.
Quand au choix stratégique il faut se remettre dans le contexte de l’époque pour voir si il y a eu une erreur, ce qui n’est pas fait.
Le 09/10/2013 à 07h48
Ils disent eux même qu’ils ont raté la 3G.
Il te faut quoi comme contexte de l’époque pour comprendre cette erreur stratégique ? " />" />" />
Alcatel, c’est devenu une entreprise, sans usine, sans informatique (externalisé chez HP), sans maintenance (externatlisé chez Wipro) et qui se prépare à externaliser encore d’autres activités (logiciel).
C’est n’importe quoi tellement c’est lourd et contre productif.
Le 09/10/2013 à 08h03
Le 09/10/2013 à 08h06
Pour jouer sur les marges, on élimine les employés en leur demandant de se faire embaucher dans une boite de prestation ou en auto entrepreneur…
La politique depuis 5 ans : Réduisons les Charges… pas la compétence… Sous traitons.
Le problème maintenant, c’est que les employés ne se sentent plus “intégré” dans l’entreprise…
ET VIVE LE BURN-OUT…