Espagne : la copie privée devient par la loi une dotation du budget de l’État
En plein recours devant la juridiction européenne
Le 03 novembre 2014 à 10h47
4 min
Droit
Droit
Dans le cadre de sa toute récente loi sur la propriété intellectuelle, l’Espagne a consacré le remplacement de la redevance pour copie privée par une dotation prélevée sur le budget de l’État. Une transformation qui fait déjà l'objet d'un recours devant la justice européenne.
La récente loi sur la propriété intellectuelle votée en Espagne n'instaure pas seulement une taxe sur les agrégateurs tels Google News, ou de nouvelles règles contre le piratage. À l'article 25, ce texte prévoit au titre de la copie privée une « allocation annuelle dans la loi sur les Budgets généraux de l'État ». Par ce biais, nos voisins consacrent le changement de régime opéré en 2010 sur ce prélèvement. Depuis cette date, la redevance pour copie privée est en effet passée d’un versement effectué par les consommateurs aux ayants droit en une dotation puisée sur le budget de l’État. La mesure a provoqué la colère des bénéficiaires, refroidis par ce coup de rabot sur leur cagnotte. Et pour cause, dans le même temps, ce changement de régime a fait fondre les flux qui sont passés d’environ 120 millions d’euros à 5 millions d’euros chaque année.
Déjà des recours devant la justice européenne
Plusieurs sociétés de gestion collective ont déjà soulevé cette problématique devant les juridictions espagnoles, avec à la clef une question préjudicielle devant la Cour européenne de justice. L’enjeu ? Savoir si ce changement de nature est bien conforme avec la directive de 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins. Certes, la directive est silencieuse sur les modalités de versement de cette compensation, mais ces ayants droit doutent que celle-ci puisse être versée par les contribuables et non par les consommateurs. De même, est-il loisible à l’Espagne de faire varier ses flux en fonction des rigueurs budgétaires ? L’Asociación de Internautas se demande du coup si l’Espagne n’a pas manqué de prudence en consacrant au Parlement ce qui est déjà contesté en justice.
Le préjudice de la compensation pour copie privée
Fait notable, cette loi fraichement votée précise sans détour que la dotation sera calculée sur la notion de « préjudice ». Elle exclut par exemple de ce régime toutes les reproductions « effectuées au moyen d'équipements, d'appareils et de supports de reproduction numérique acquis par des personnes morales, qui n'ont pas été mises, de fait ni de droit, à la disposition d'utilisateurs privés et qui sont manifestement réservées à des utilisations différentes à la réalisation de copies privées. »
De même, « ne donnera naissance à aucune obligation de compensation toute situation où le préjudice causé aux ayants droit a été minimal », sachant que la loi renvoie au règlement le soin de définir ce critère. Elle précise cependant déjà que les copies temporaires (caches, etc.) seront exclues par défaut du mécanisme et qu’il sera nécessaire de tenir compte des mesures techniques qui « empêchent ou limitent la réalisation de copies privées ou qui en limitent le nombre. »
En France, des revendications, mais pas de changement pour l’instant
Outre une modification des règles de gouvernance, cette définition du préjudice au niveau de la loi est l’une des revendications en France du GITEP TICS, ainsi que des anciens membres de la commission Copie privée (le SFIB, le SECIMAVI, la FEVAD, le SNSII). De son côté, le Syndicat de l'Industrie des technologies de l'Information expliquait les tenants du problème, vidéo à la clef, constatant que la France est dans le peloton de tête en terme de prélèvements. Or, avec la multiplication des supports d’enregistrements dans les foyers, le niveau de la compensation pour copie privée devrait au contraire diminuer mécaniquement, du fait de la dilution des usages.
Ces syndicats et représentants des industriels, importateurs et distributeurs ont récemment porté ces doléances aux portes de Matignon et devant la Rue de Valois, sans effet jusque-là.
+
Le 03 novembre 2014 à 10h47
Espagne : la copie privée devient par la loi une dotation du budget de l’État
-
Déjà des recours devant la justice européenne
-
Le préjudice de la compensation pour copie privée
-
En France, des revendications, mais pas de changement pour l’instant
Commentaires (11)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 03/11/2014 à 11h01
#1
c’est ballot pour eux, mais bon, c’est la loi, faut s’y plier " />
Le 03/11/2014 à 11h13
#2
En gros, ça veut dire qu’on prélève du pognon dans le budget de l’état, issu des impôts, afin de “rembourser” des entreprises privées.
Depuis quand l’état finance directement les entreprises privées ?
Le 03/11/2014 à 11h17
#3
Ça se produit régulièrement : SNCF, les transport publics, les écoles privés, cliniques, transport maritimes, etc…
La loi en France suit preneur avec même montant à la clé.
Le 03/11/2014 à 11h22
#4
cette loi fraichement votée précise sans détour que la dotation sera calculée sur la notion de « préjudice ».
C’est à double tranchant.
D’un coté cela exclut la taxation pour d’éventuelles reproductions illégales, mais de l’autre ca laisse la porte ouverte a la taxation de tout ce qui peut légalement causer un préjudice.
Un IPhone avec un stockage local de 16 Go et un stockage cloud de 10 Go… ca fait combien de préjudice ?
Le 03/11/2014 à 11h26
#5
Cependant, ils pourront la faire à la Hadopi.
Le 03/11/2014 à 11h33
#6
Si la dotation de 25% de la copie privé destiné au tirage de couilles à la promotion des spectacles vivants et la lutte contre le piratage est directement prélevé et distribué par l’État, pourquoi pas. Ça ne peut être que bénéfique.
A voir.
Le 03/11/2014 à 11h35
#7
dire qu il suffirait de taxer la source si elle est matériellement copiable, et pas le support d’une possible copie de cette source… mais bon ca ne ferait pas rentrer assez d’argent…
entre les Blueray pas copiables et ceux vendus avec une copie digitale… manque a gagner… si on ne peut pas faire payer au consommateur ce qu il a déjà acheté ou ce qu il ne peut pas légalement faire où irait on, on tue des artistes quoi…
Le 03/11/2014 à 11h47
#8
ce changement de régime a fait fondre les flux qui sont passés d’environ 120 millions d’euros à 5 millions d’euros chaque année.
Ya quoi comme bon site e-commerce espagnol ? " />
La mesure a provoqué la colère des bénéficiaires
Heu… Et les contribuables, ça les gène pas ? " />
J’ai rien dit… j’ai surtout pas bien lu…
Le 03/11/2014 à 12h48
#9
Le 03/11/2014 à 12h48
#10
Et pour cause, dans le même temps, ce changement de régime a fait fondre
les flux qui sont passés d’environ 120 millions d’euros à 5 millions d’euros chaque année.
ils avaient les mêmes problèmes d’évaporation que chez nous les ayants-droit Espagnols ? Parce qu’avec un peu plus de 20 fois moins d’argent, je veux bien croire qu’ils fassent la tranche.
Le 03/11/2014 à 14h29
#11