Les sénateurs écrêtent la taxe sur les FAI versée au CNC
Écrête, suzette !
Le 28 novembre 2014 à 13h48
6 min
Droit
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Contre l’avis du gouvernement, les sénateurs ont voté le plafonnement des ressources du Centre national du cinéma. Ils ont écrêté pour cela la taxe sur les services de télévision que payent notamment les fournisseurs d’accès à internet.
Cette taxe est versée notamment par les câblo-opérateurs, les distributeurs satellitaires, les FAI, les opérateurs de téléphonie mobile, etc. dès lors que leurs services permettent de recevoir la télévision. Et c’est le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) qui est chargé de la recouvrer. Les sénateurs viennent cependant d’adopter un amendement déposé par le rapporteur Albéric de Montgolfier. Le texte plafonne les ressources dont profite le CNC au titre de cette taxe et ce, aussi bien pour la fraction des distributeurs que celle sur les éditeurs. La première sera limitée à 201 millions d’euros, la seconde 274 millions d’euros, soit un maximum de 475 millions d’euros.
475 millions d'euros pour 2015
Que se passe-t-il si les entrées d’argent surpassent ces plafonds ? Simple, elles seraient affectées au budget général de l’État. « Si le CNC devait recevoir plus, les recettes, tant « distributeurs » qu’« éditeurs », seraient écrêtées à hauteur du plafond, mais tant qu’elles n’atteignent pas le montant inscrit par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2015, l’écrêtement n’intervient pas » a expliqué le sénateur UMP en appui de son amendement.
L'opposition du gouvernement
Seulement cette mesure a été fraichement accueillie par le gouvernement. En séance, la secrétaire d’État Carole Delga a émis un avis défavorable, entendant « faire contribuer le CNC à l’effort de redressement des finances publiques par d’autres moyens ».
Elle a rappelé à ce titre qu’un premier prélèvement de 90 millions d’euros avait été opéré par la loi de finances initiale pour 2014. Sensible aux intérêts du secteur, elle a rappelé que « le principe de financement du cinéma par ressources affectées est ancien. Il a montré son utilité, démontré sa pertinence et il est l’objet d’un fort attachement de la profession. C’est, en effet, la loi du 23 septembre 1948 qui avait créé une taxe de sortie de film, ancêtre de la taxe sur les entrées en salle de cinéma, pour alimenter le Fonds spécial d’aide temporaire à l’industrie cinématographique. Il a été repris et adapté pour les autres formes de diffusion de l’image. »
L'opposition des sénateurs socialistes
Le sénateur socialiste Jean Germain a rajouté une couche sur le terrain économique : « Les longs métrages français ont représenté 40 % des entrées en salle en 2012, contre 45 % pour les productions américaines, et trente-trois films français ont dépassé les 500 000 entrées en salle. S’il en était besoin, ces chiffres démontrent que le modèle économique choisi pour le cinéma a favorisé le développement et le maintien de l’industrie française. »
Même credo chez son collègue David Assouline : « le CNC s’est vu supprimer des recettes parce que l’on considérait qu’il bénéficiait d’un pactole sur lequel on pourrait toujours rogner en période de difficulté budgétaire. C’est ne pas comprendre le système vertueux qui fait que le cinéma français est le cinéma dans le monde qui, sans être à égalité avec lui, continue à vivre face au cinéma américain. Tous les autres cinémas se sont effondrés, parce qu’ils n’ont pas notre système vertueux. Ce n’est pas une réserve pour faire je ne sais quoi ; c’est un fonds de roulement qui permet de financer des films ».
Non sans un certain lyrisme, il s’est emporté de plus belle : « il faut arrêter de considérer que le cinéma et la culture en général constituent le supplément d’âme dans lequel on pourrait puiser en cas de difficultés. La culture, comme le cinéma, c’est justement ce qui permet, en période de difficultés, de créer du lien, d’entretenir le vivre ensemble, d’apporter de l’envie, du sourire. Les cinémas, les théâtres sont peut-être les seuls endroits où l’on continue à faire la fête. Arrêtons de chercher à taper à la fois sur le cinéma et la culture ! »
Un écrêtement doublement conforme aux prévisions gouvernementales
Seulement, le sénateur de Montgolfier n’a pas bougé d’une ligne. Il a utilement rappelé le récent projet de loi de programmation des finances publiques, encore en discussion. L’article 16 du texte gouvernemental, déjà voté à l’Assemblée et au Sénat, programme d’ici 2016 le plafonnement de toutes les recettes affectées. « Il n’y a aucune raison que le CNC fasse exception à la règle » a appuyé de Montgolfier qui veut anticiper cette mesure dès 2015 à l’égard du CNC.
Surtout, les seuils de 201 et 274 millions d’euros ne doivent en effet rien au hasard. Ils ont été fixés à l’euro près au niveau des prévisions gouvernementales (en baisse) pour l’année prochaine ! Il suffit en effet de relire les documents que l’exécutif a lui-même annexés au projet de loi de finances pour 2015 (p.158)
Puisque l’amendement reste calqué sur les prévisions du gouvernement, il n’enlève donc pas un euro au CNC, sauf bien sûr si l’exécutif a minoré les entrées attendues pour 2015 : « L’adoption de cet amendement n’entraînera aucune diminution des moyens si l’on atteint la recette prévisionnelle de l’État, poursuit le sénateur UMP. Que signifie le plafonnement ? Si on allait au-delà de la recette prévisionnelle, qui a été fixée, non par moi, ni par le Sénat, ni en son sein par la commission des finances, mais par le Gouvernement, un prélèvement serait effectivement effectué. C’est la règle générale qui s’applique à tous les opérateurs. »
Le Sénat a donc adopté ce texte, contre l’avis du gouvernement. Un vote qui a fait grincer quelques dents influentes dans le milieu de l’audiovisuel :
Au Sénat la droite écrète les ressources du Cnc. Pas du tout amie du cinéma et de la culture.
— Pascal Rogard (@fandoetlis) 27 Novembre 2014
Les sénateurs écrêtent la taxe sur les FAI versée au CNC
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475 millions d'euros pour 2015
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L'opposition du gouvernement
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L'opposition des sénateurs socialistes
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Un écrêtement doublement conforme aux prévisions gouvernementales
Commentaires (21)
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Abonnez-vousLe 28/11/2014 à 13h50
Bonne idée.
Le 28/11/2014 à 13h56
Il eu été de bon aloi de rappeler les montant perçus à ce jour, histoire de comparer avec ces plafonds :)
Le 28/11/2014 à 14h01
Plutôt que d’augmenter la redevance, pourquoi ne pas assigner cet argent du CNC à France TV?
Le 28/11/2014 à 14h06
Les cinémas, les théâtres sont peut-être les seuls endroits où l’on continue à faire la fête.
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Le 28/11/2014 à 14h06
Ils ont trouver un bon moyen de siphonner encore un peu d’argent pour “réduire” le gouffre du budget général
Le 28/11/2014 à 14h18
Parce que Pascal Rogard estime être un “ami de la culture” ? " />
Le 28/11/2014 à 14h32
tu l’as dans le tableau illustrant l’article ;) (n-2, n-1,n)
Le 28/11/2014 à 14h44
“Que se passe-t-il si les entrées d’argent surpassent ces plafonds ? Simple, elles seraient affectées au budget général de l’État” Ben voyons, moi qui aurait d’abord pensé, naïvement j’en conviens, qu’une fois le plafond atteint les “contributeurs forcés à la grandeur de l’exception culturelle Française” auraient pu arrêter de verser la dîme mais non en fait c’est juste une magouille de plus pour aller racler les fonds de cuvettes encore plus loin.
Le 28/11/2014 à 14h44
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Le 28/11/2014 à 15h05
“le cinema et la culture” sont des prostituées. il faut payer pour être amie avec eux..
Le 28/11/2014 à 15h11
Bonne idée, surtout que le lien serait plutôt logique pour le coup.
Sinon ils ont pas tort sur le rôle assez vertueux du système qui donne au cinéma français une place importante dans le paysage mondial. Le problème se situe plus dans le fonctionnement qui est généralement une fabrique à conformisme tenue par une espèce de clique incestueuse. Les projets vraiment différents et qui apportent un vent de fraicheur ne sont pas légion en comparaison justement des moyens et du rayonnement.
Le 28/11/2014 à 15h21
Ah ? Je pensais que c’était les prévisionnels.
Quand j’ai tenté de trouver ces valeurs sur le net, je suis tombé sur des montant en M€ bien supérieurs encore (> 500M€), et que du coup je comprenais bien ce qui pouvait les irriter avec cet amendement " />
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Le 28/11/2014 à 15h37
C’est ne pas comprendre le système vertueux qui fait que le cinéma français est le cinéma dans le monde qui, sans être à égalité avec lui, continue à vivre face au cinéma américain.
et le cinéma de Bollywood ? Je ne sais pas ce qu’il vaut perso, mais à première vu, il semblait se porter encore très bien.
Sinon, il y a une différence entre vivre avec un petit shot de temps en temps pour rester dans le pelotons (tel un cycliste) et vivre sous perfusion et à l’état de légume.
Le cinéma français s’exporte-t-il en dehors de la France (et de la Belgique) ? Où le cinéma français est juste une niche culturelle française ?
Le 28/11/2014 à 15h55
Avec le salaire d’un acteur français, ils font une dizaine de films facilement.
Certains films sont bien, mais peu de sorties en vf.
Le 28/11/2014 à 17h11
Oui surtout quand tu vois le salaire des acteurs Français par rapport aux acteurs américains bien plus connus
Le Monde
Le 28/11/2014 à 19h08
Le 29/11/2014 à 14h44
“il est l’objet d’un fort attachement de la profession”
c’est sur l’argent gratuit qui tombe dans le bec on s’y “attache” rapidement c’est un peu comme une drogue en fait, il en faut de plus en plus…
Mis à part ce “détail” c’est amusant de voir nos gouvernant de tous bord débattre s’arrache pied de quel manière l’argent qu’ils pillent au français devra être dilapider…
Le 29/11/2014 à 14h48
La culture ils s’en foutent, se qui compte c’est d’arroser leur amis et de se fabriquer une image de protecteur des arts comme à l’ancienne avec l’argent voler au peuple. En fait La france républicaine soit disant anti monarchiste à hérité de toutes les tares de l’ancien régime. A croire que le Louis XVI à plus été décapité par jalousie de ses prérogatives que par soucis de justice ou de rupture avec les anciennes coutumes…
Le 29/11/2014 à 14h54
lorsqu’il y a un open bar budgétaire fournit par l’état on peu faire des miracles (TGV, concorde, programme spatiale soviétique…) mais aucun de ces machins ne sont rentable c’est à dire que ce sont des puis sans fond destiné à aspirer l’argent des contribuables ad vitam aeternam…
Le 29/11/2014 à 14h55
très bon!!" />
Le 29/11/2014 à 21h56
Le CNC c’est bien l’organisme qui a un trésor de guerre équivalant à trois ou quatre superproductions hollywoodiennes ?
On devrait suspendre TOUT versements tant qu’il n’utilise pas ses fonds actuels.