La presse judiciaire attaque la loi sur le renseignement devant la CEDH
Loi Renseignement S02E01
Le 05 octobre 2015 à 13h13
5 min
Droit
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Le gouvernement devait s’y attendre de longue date : un groupement, en l’occurrence l’association de la presse judiciaire (APJ), vient de déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre la loi sur le renseignement.
Ce dossier, porté par Me. Spinosi, devrait permettre à la CEDH d’ausculter de près la fameuse loi du 24 juillet. Selon l’APJ, en effet, « cette loi porte atteinte aux droits et libertés des journalistes, dont le sacro-saint secret des sources ».
On reviendra brièvement sur la mécanique de ce texte, tant ses points noirs ont été développés dans nos colonnes. Le texte d’origine gouvernemental interdit par principe aux services spécialisés d’espionner, surveiller, épier une série de professions jugées à risque. Ce sont les magistrats, parlementaires, avocats et donc les journalistes.
Des atteintes inévitables aux secrets des journalistes
En plus de garanties procédurales renforcées, les contenus liés à leur mandat ou profession ne peuvent être alpagués dans les filets des services. A contrario, cependant, cela signifie que tout ce qui touche à leur vie privée peut être ciblé. Seulement, et c’est un problème consubstantiel au renseignement préventif, il n’est pas possible de qualifier par avance le contenu d’un échange à venir.
Du coup, au moins un temps durant, les services sauront tout, mais seront priés d’oublier les informations relevant de la profession ou du mandat. Autre chose, la loi sur le renseignement démultiplie les mécanismes d’aspiration aveugle des données de connexion. Que ce soit via les IMSI Catcher, ces fausses antennes relais, ou les algorithmes prédictifs de menace terroriste chez les intermédiaires techniques, nécessairement, par accident, des données relatives à ces professions protégées pourront être chalutées.
Liberté d’expression, droit à la vie privée et droit au recours effectif
Marine Babonneau, membre du bureau de l’APJ nous indique les deux points centraux de ce recours porté dorénavant par Me Patrice Spinosi : « il s’agit de l’atteinte à la liberté d’expression, mais également au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention. Nous y avons ajouté le grief tiré du droit au recours effectif ». En l’état, ce droit au recours est quelque peu hasardeux puisque le justiciable qui est susceptible d’être surveillé n’est pas informé de l’existence de cette surveillance.
Si l’APJ est tenue d’en appeler à la CEDH, c’est aussi parce que la question des journalistes a été sèchement évacuée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet. En substance, les journalistes n’ont pas droit à la moindre protection particulière (voir les commentaires, page 21). Dans leur réponse à la question prioritaire de constitutionnalité lancée par la Quadrature du Net, FDN et FFDN, les juges ont été plus directs : « Aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes. »
L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ne sera rendu que dans trois ou quatre années, comme le signale Le Monde. Dans sa dense jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’Homme a déjà exprimé que l’absence de protection « pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de "chien de garde" et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie. » (voir ce panachage de la jurisprudence de la CEDH)
Des restrictions disproportionnées, un contrôle en retrait
Dans la logique de la Convention sur les droits de l’Homme, des restrictions sont toutefois possibles dès lors qu’elles « constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique » à des impératifs liés à la sécurité publique, la santé, l'ordre, etc. Tout le travail de Me Spinosi sera justement de démontrer que les atteintes à la liberté d’expression. Dans son recours, l’APJ reconnaît qu’il y a quelques garanties, mais celles-ci sont loin d’être suffisantes pour restreindre l’accès aux données de connexion par exemple. L’association fait donc état d’atteintes « directes » et irrémédiables aux droits portées par la Convention.
Autre chose, elle épingle l’absence de contrôle effectif, estimant que le statut d’indépendance de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement n’est pas solidement posé. Selon nos informations, un autre recours est sur le tremplin. Nous y reviendrons sous peu.
La presse judiciaire attaque la loi sur le renseignement devant la CEDH
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Des atteintes inévitables aux secrets des journalistes
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Liberté d’expression, droit à la vie privée et droit au recours effectif
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Des restrictions disproportionnées, un contrôle en retrait
Commentaires (30)
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Abonnez-vousLe 05/10/2015 à 13h18
J’approuve.
Le 05/10/2015 à 13h21
L’atteinte aux droits et libertés du quidam lambda, dont le sacro-saint moi, tout le monde s’en branle…
Chacun défend sa paroisse, sa famille, sa confrérie, mais de lobby du peuple, il n’en existe pas.
Le 05/10/2015 à 13h27
Le peuple ? T’as déjà mis le pied sur un tas de fourmis ? Les survivants paniquent, s’agitent, nettoient et reprennent leurs activités.
Génial pour la reine, à l’abri au chaud, qui sera défendue corps et âme par ces mêmes fourmis si nécessaire.
Le 05/10/2015 à 13h29
Il y en a qui n’ont encore pas compris que la protection de certaines professions est nécessaire pour garantir un état de droit….
Le 05/10/2015 à 13h34
Etat de droit ?
Nan j’arrête là " />
Le 05/10/2015 à 13h35
Le 05/10/2015 à 13h40
Wait! On a des droits ? :0
Ça remonte à quand la dernière fois que l’état à écouter le peuple ?
Le 05/10/2015 à 13h42
Le 05/10/2015 à 13h50
Le 05/10/2015 à 13h53
D’un coté, le renseignement big brother….. de l’autre des journalistes sans le moindre respect de la vie privée et du secret de l’instruction, pire, ils sont potes des juges qui leur balancent des informations comme elements de rumeurs lorsque les dossiers sont vides ou montés de toutes pieces (cf. affaire bettancourt)… bien sur leur collusion avec le syndicat de la magistrature ne les gene par vraiment…..
Le 05/10/2015 à 13h55
Ahhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Alors on est d’accord " /> Je ne visais pas cette “élite” avec la reine installée au chaud :) (plutôt les ceusses qui bafouent cet Etat de droit, dont ils sont les représentants).
Le 05/10/2015 à 13h57
Le 05/10/2015 à 14h30
Le 05/10/2015 à 14h52
Le 05/10/2015 à 14h56
Le 05/10/2015 à 15h09
Tu parles d’état de droit sans savoir de quoi tu parles.
Tu vis dans l’illusion d’une société protectrice des droits et libertés de chacun, alors que l’État n’a jamais tendu vers cela, les textes fondateurs même de notre “république” n’ont jamais voulu cela (je t’invite à étudier l’histoire du siècle des lumières et des révolutions qui sont tout sauf cette idée d’égalité et de droits que les médias nous rabachent).
Tu parles des magistrats “garants des libertés” sans connaitre ces magistrats.
Tu dis qu’il faut les protéger alors même que ce doit être les personnes qu’il faut le plus contrôler et le plus sanctionner en raison des “pouvoirs” qui leur sont attribués.
Tu penses tout le contraire de ce qu’il faudrait pour améliorer notre société.
Mais bon, comme tu dis, ça t’en touche une sans toucher l’autre, et tu peux être certain que rien ne s’améliorera." />
Le 05/10/2015 à 15h20
Le 05/10/2015 à 15h20
Le 05/10/2015 à 16h04
Le 05/10/2015 à 16h33
Le 05/10/2015 à 17h02
Le 05/10/2015 à 17h10
C’est pas flou la définition de la Nation. Moi je la trouve même limpide et élégante (notamment dans tout ce qu’elle évacue) :)
Le 05/10/2015 à 17h18
Le 05/10/2015 à 17h30
C’est intéressant, car cette définition date d’avant la Révolution. De mes souvenirs de fac, il y a eu un changement à cette période, ce qui a permis à pas mal de personnes (faisant partie de l’élite du Pays), de se revendiquer comme parlant au nom de la Nation.
Comme quoi, c’était plus clair avant " />
Le 05/10/2015 à 17h48
Oué la définition était trop simple. Certains ont cru bon de l’obscurcir au fil du temps…
Le 05/10/2015 à 18h09
Attends, arrêtes l’enflammade!
Je ne dis pas que ces gens là ne doivent pas être protégés !
Je pense que nous devons tous l’être, et que ceux qui lancent ces procédures sont les mieux placés, instruits, qualifiés, pour nous défendre, nous, justiciables.
Et au lieu de ça, ils se contentent de défendre leur gueule.
Le 05/10/2015 à 18h15
Le 05/10/2015 à 19h21
Le 05/10/2015 à 21h34
Le 06/10/2015 à 10h06
Pourquoi quand “on” parle des professions qui ont plus de droits que les autres, il est toujours question des journalistes et des juges, mais jamais des flics ? " />
Entre le droit d’être moins espionné que le reste de la population, et le droit, parmi d’autres, d’espionner toute la population, la balance ne penche pourtant pas en faveur des 1ers.