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Tensions sociales chez Ubisoft et Dont Nod, l’industrie du jeu vidéo sous pression

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Tensions sociales chez Ubisoft et Dont Nod, l’industrie du jeu vidéo sous pression

Engagées depuis plusieurs semaines, les mobilisations syndicales se poursuivent chez Ubisoft et Don’t Nod. Elles reflètent le climat d’incertitude général qui frappe le secteur, et veulent faire valoir les intérêts de ce dernier dans le cadre de la grève nationale pour l’emploi, programmée le 12 décembre.

Le 09 décembre à 14h34

Chez Ubisoft, la fin programmée du télétravail ne passe toujours pas. Dans un communiqué publié lundi, l’intersyndicale (STJV, CFE-CGC et Solidaires Informatique) dénonce un « contexte de tensions croissantes » autour des négociations liées au télétravail chez Ubisoft Paris, le siège de l’éditeur (à Montreuil). « Les négociations sont faites en urgence pour se terminer fin janvier », affirme-t-elle, tout en soulignant que les propositions portées par les syndicats n’ont pas été étudiées par la direction.

Le présentiel de la discorde chez Ubisoft

Suite à un sondage conduit en interne, elle affirme en outre que près de 200 personnes, soit environ un quart des effectifs de l’éditeur, « envisagent de quitter l’entreprise suite à l’application d’un retour en présentiel ».

Après avoir institué le télétravail pendant la crise Covid, à l’instar de nombreuses entreprises du logiciel, Ubisoft a annoncé en septembre dernier son intention de réduire les plages autorisées de travail à domicile (trois jours par semaine), pour revenir à un mode de fonctionnement basé plus largement sur le présentiel.

Alors qu’une partie des équipes françaises de l’éditeur s’étaient déjà mobilisées en début d’année pour demander des revalorisations salariales, l’annonce a été particulièrement mal perçue par les représentations du personnel. L’intersyndicale avait alors appelé les effectifs français d’Ubisoft à débrayer pendant trois jours mi-octobre. Elle estimait alors avoir réussi à mobiliser quelque 700 personnes, sur les 4 000 employés de l’éditeur en France.

« Les témoignages recueillis font état d’une détresse psychologique croissante parmi les salarié-es : stress, troubles du sommeil, et anxiété concernant leur avenir professionnel. Cette situation pourrait s’apparenter à un plan social déguisé », s’inquiète aujourd’hui l’intersyndicale, selon qui la situation suscite de vives inquiétudes quant au bien-être des collaborateurs, mais aussi quant à l’avenir du studio.

Entre rumeurs d’OPA et réduction d’activités

L’actualité récente d’Ubisoft n’est probablement pas de nature à calmer les inquiétudes, dans une industrie du jeu vidéo globalement en crise. L’éditeur a ainsi annoncé la semaine dernière, par le biais d’un communiqué diffusé en interne, puis sur son site, la fin du développement de XDefiant.

Sorti en mai dernier, ce jeu de tir à la première personne, proposé en free to play, incarnait la tentative de réponse d’Ubisoft face à des jeux populaires comme Counter Strike, Valorant ou Fortnite. Las, l’éditeur a choisi de jeter l’éponge, et annoncé que les serveurs associés seraient coupés le 3 juin 2025.

« Même si près de la moitié de l'équipe XDefiant dans le monde va évoluer vers d'autres fonctions au sein d'Ubisoft, cette décision entraîne également la fermeture de nos studios de production de San Francisco et d'Osaka et la réduction de notre site de production de Sydney, avec le départ de 143 personnes à San Francisco et 134 personnes susceptibles de partir à Osaka et Sydney », annonçait Ubisoft à cette occasion.

Le cours d’Ubisoft, société listée sur Euronext, fait dans le même temps du yoyo depuis plusieurs semaines. L’action fait, en effet, l’objet de spéculations relatives à une éventuelle sortie de la cote orchestrée par les deux premiers actionnaires, la famille Guillemot et le groupe chinois Tencent. L’hypothèse a été relancée vendredi par une dépêche de l’agence Reuters, qui a immédiatement fait bondir de 15% le cours de l’action en bourse. Avec, en sous-jacent, la crainte implicite de restructurations plus profondes pour les équipes de l’éditeur.

« À l’échelle mondiale, nous sommes déterminés à prendre les mesures nécessaires pour remettre l’entreprise sur la voie de la croissance, de l’innovation et de la créativité et nous assurer que nous pouvons vous préparer au succès. Cela signifie continuer à faire évoluer radicalement notre état d’esprit en matière de pratiques de production et d’affaires, dont nous vous parlerons plus en détail prochainement, et procéder à des restructurations ciblées lorsque cela est nécessaire », admettait d’ailleurs Marie-Sophie de Waubert, directrice des studios Ubisoft, dans le communiqué relatif à la fermeture de Xdefiant.

Chez Don’t Nod, le plan social passe mal

Avec ses 230 salariés, le parisien Don ‘t Nod fait figure de petit Poucet à côté d’Ubisoft et de ses 18 000 employés dans le monde. Porté par le succès mondial de Life is Strange, le studio parisien traverse lui aussi une période tumultueuse, avec un plan social qui court depuis plusieurs semaines.

Don’t Nod, également coté à la bourse de Paris, avait annoncé mi-octobre des résultats semestriels qualifiés de préoccupants. « Les premières mesures en soutien de la performance, annoncées au printemps dernier, n'apparaissent pas suffisantes pour préserver la compétitivité de la société. Nous avons donc présenté ce jour aux instances représentatives du personnel un projet de réorganisation qui pourrait amener Don't Nod sur une nouvelle trajectoire de développement », y affirmait Oskar Guilbert, PDG du studio.

La restructuration prend la forme d’un plan social (PSE) qui doit, d’après le STJV, conduire à 69 suppressions de postes. « Le sous-effectif est déjà présent depuis longtemps dans l’entreprise et a même encore été relevé par la dernière enquête QVT. La seule réponse apportée par la direction étant le licenciement de près d’un tiers des salarié·es, cela ne peut être vu que comme une tentative destinée à rassurer les investisseurs », dénonçait le syndicat début novembre.

Il appelle désormais les salariés de Don’t Nod à la grève le 12 décembre, date à laquelle doit intervenir le prochain round de négociations relatives au PSE. La date est également celle de l’appel à mobilisation générale lancé par la CGT pour l’emploi. « Le STJV se joint à cette mobilisation et appelle tous‧tes les travailleurs‧es du jeu vidéo à faire grève le jeudi 12 décembre pour exiger l’arrêt de tout plan de licenciement en cours ou à venir, le respect du dialogue social et le contrôle des travailleur‧ses sur la production », affirme le syndicat spécialisé.

Commentaires (7)

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L’actualité récente d’Ubisoft n’est probablement pas de nature à calmer les inquiétudes, dans une industrie du jeu vidéo globalement en crise.
Il a bon dos le "globalement en crise".
C'est surtout quelques gros éditeurs qui ont fait de mauvais choix stratégiques:
- pas/peu d'innovation: toujours les mêmes licences ou gameplay. Cf la liste des GOTY 2024.
- un business model orienté µ-transactions et battle-pass.
- ignorer les avis des joueurs (ceux qui achètent les jeux) au profit des avis des journalistes et de la twittosphère.

Bref, désolé mais non. Y a de bons jeux qui sortent, seulement ils ne sont pas édités par Ubisoft et consorts.
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Je ne peux qu'être d'accord, le tout saupoudré de DEI à n'en plus finir ...
Ce qui est dingue c'est que toute leur comm s'obstine ...
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Sans compter les investissements dans des chimères genre "un jeu NFT Ubisoft" : ici
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Zut flute crotte ! j'ai beaucoup aimé la série des Life is Strange.
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Rien que l'abandon d'un jeu qui nécessite des serveurs pour fonctionner devrait leur valoir un procès. Pour moi, même si on achète qu'une licence pour un jeu, l'éditeur ne devrait pas avoir le droit de couper le service avant un temps raisonnable, un peu comme l'obligation des pièces détachées pour un appareil.

Quitte à faire fonctionner ces serveurs chez une entité tierce qui fait juste payer les frais de fonctionnement et demande un abonnement minimaliste aux joueurs pour rentrer dans ses frais. Une entité préservant la confidentialité du code et les savoirs-faires de l'éditeur sans léser les utilisateurs légitimes.
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Le jeu en question est un free to play, donc l'achat de licence n'était pas imposé pour jouer.

Ubisoft s'engage à rembourser ceux qui ont acheté les DLC ou packs internes au jeu suivants :

XDefiant Gold Pack
XDefiant Starter Pack DLC
XDefiant Combat Pack DLC

XDefiant VC Pack - 500 XCoins
XDefiant VC Pack - 1000 XCoins
XDefiant VC Pack - 2100 XCoins
XDefiant VC Pack - 5750 XCoins
XDefiant VC Pack - 12000 XCoins

le remboursement est aussi promis aux acquéreurs d'un Ultimate Founder's Pack. En revanche, rien pour ceux qui auraient souscrit un Founder's Pack ou Founder's Pack Elite...
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Ça me rappelle ce tweet d'un gars d'Ubisoft qui disait que "les joueurs devaient s'habituer à ne plus posséder leurs jeux" et la réponse magistrale : "les devs devaient s'habituer à ne plus avoir d'emploi".

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