Arcachon « offre » ChatGPT à ses habitants
À Mistral ou Anthropic de faire leurs preuves
Depuis la mi-octobre, Arcachon propose un accès à ChatGPT premium à ses habitants, financé par le contribuable. Next en a discuté avec Maxime Girardet, conseiller municipal de la ville.
Le 23 octobre à 15h59
8 min
IA et algorithmes
IA
Mise à jour du 10 décembre 2024 : ajout du montant de l'intégration de Chat GPT et des estimations précises réalisées par la mairie d'Arcachon de son coût d'usage.
Le maire de la ville d’Arcachon en est visiblement très fier : d’après la page dédiée du site de la ville, c’est lui, Yves Foulon, qui a « souhaité mettre à disposition un module permettant d’accéder à ChatGPT gratuitement » aux habitants de sa commune. « Une première en France », s’est-il félicité auprès d’Actu Bordeaux.
Le module ? Un accès à ChatGPT-4o premium, accessible gratuitement depuis le site de la ville. Quand l’abonnement individuel coûte 24 euros par mois pour les usagers individuels, l’offre a de quoi plaire. Et, de fait, elle semble avoir du succès : le 16 octobre, quand les équipes de la mairie ont présenté l’outil, l’auditorium du MA.AT a fait salle comble, rapporte Sud-ouest.
« Le matin, 500 personnes sont venues, mais l’auditorium ne fait que 200 places », confirme à Next le conseiller municipal Maxime Girardet. Il a donc fallu organiser une seconde réunion, l’après-midi, « où de nouveau, c’était plein ».
Animées par Nicolas Babin, entrepreneur et consultant en innovation technologique, Frédéric Ruault, photographe fraîchement spécialisé en IA, le maire Yves Foulon et Maxime Girardet, pentester chez Advens, les deux présentations devaient répondre à une question simple : « Vous avez accès à un nouvel outil numérique, comment l’utiliser ? »
Deux cas d'usage
« On a présenté deux principaux cas d’usage, détaille Maxime Girardet : un usage classique, plutôt encyclopédique, où on pose des questions sur des choses de la vie quotidienne, des choses historiques, de l’invention… Par exemple, on a discuté avec des personnes âgées qui aiment cuisiner, de la possibilité de demander des recettes de cuisine à ChatGPT. »
L’autre usage est plus purement pratique : « On a entraîné ChatGPT pour en faire un expert de la ville d’Arcachon. » Le magazine municipal, le guide des animations… « Tous les documents que les Arcachonnais reçoivent en papier ou en ligne sont intégrés par la machine ».
Rappelant que plus de 60 % de la population locale a plus de 60 ans, Maxime Girardet explique qu’un des buts de l’opération est de « permettre même à ceux qui sont très peu à l’aise avec le numérique d’avoir des informations facilement ».
Sensibilisation aux erreurs de ChatGPT
Next s’inquiète des incohérences de la machine, connue pour son manque de pertinence en matière d’information, et qui fournit suffisamment de recettes improbables pour occuper des tas de youtubeurs (parfois pour des résultats de qualité).
« Pendant la conférence, on a montré des exemples de choses qui pouvaient mal se passer, indique le conseiller municipal. On a expliqué que lorsque la machine ne savait pas répondre, elle avait tendance à inventer, qu’il fallait vérifier ses propos avec d’autres sources, que ça n’était pas parce que c’est très bien rédigé que c’est nécessairement vrai. »
Et de souligner la présence des phrases « Veuillez noter que les réponses de ce chatbot ne sont pas toujours fiables. Il est recommandé de les vérifier et de les utiliser avec discernement » sous la fenêtre de discussion avec la machine.
Clés d’accès low tech
Outre avoir été expliqués lors des réunions de présentation, les risques de mésinformation liés à ChatGPT sont répétés aux usagers dans les maisons de quartier, lorsque les habitants viennent y chercher leurs clés d’accès, souligne Maxime Girardet.
Car pour fournir les codes d’accès au module d’OpenAI, Arcachon a misé sur une procédure low tech : qu'ils y possèdent une résidence principale ou secondaire, Arcachonnais et Archonnaises doivent se déplacer, justificatif de domicile en poche, pour demander leur code. « C’est un élément de sécurité physique, qui permet de vérifier que les codes sont bien fournis aux bonnes personnes, détaille le conseiller municipal. Cela permet une vérification humaine à un instant T, puisque la ville n’enregistre pas quelle personne a accès à quel code. »
Une fois la clé d’accès obtenue, la seule vérification que se réserve la ville d’Arcachon concerne les indicateurs d’usage. « Si quelqu’un partage le code avec d’autres personnes, et que cela crée une sur-utilisation, on le verra et on pourra le bloquer. »
Comme il souligne que l’accès premium à ChatGPT-4o autorise l'envoi de documents ou de photos pour les faire analyser par le robot, Maxime Girardet assure que ces échanges permettent aussi de rappeler aux usagers que les éléments qu’ils partagent sont traités par OpenAI.
Un « beau cadeau » aux frais du contribuable
Pour les curieux, le service fourni par la ville a de quoi séduire. Mais rapporté à la population d’Arcachon – plus de 11 000 personnes en 2021 selon l’Insee –, il y a de quoi s’inquiéter pour la facture. Si Sud-Ouest parle de « beau cadeau », Maxime Girardet confirme que c’est l’argent public qui finance l’opération, pour un montant susceptible d’évoluer à mesure que l’usage des Arcachonnais est estimé.
En pratique, SmartFire, l’agence de développement du site d’Arcachon, a été missionnée pour construire le module à partir d’AI Engine, « un plug-in open source », et l’adapter à sa charte graphique, pour un montant de 9 240 € TTC, selon le bon de commande (.pdf) récupéré via une demande d'accès aux documents administratifs de Mario Restuccia. En termes de modèle de langage, Maxime Girardet indique : « On a choisi GPT, car c’est le plus abouti aujourd’hui, mais demain, peut-être que Mistral ou Claude [développé par Anthropic, ndlr] seront meilleurs. C’est pourquoi nous avons axé notre développement pour le rendre évolutif, pour qu’en quelques clics, on puisse passer d’un fournisseur à l’autre, sans que ça change quoi que ce soit pour les Arcachonnais. ».
Dans un tel cas de figure, la tarification proposée par OpenAI ne fonctionne pas en fonction de l’utilisateur, mais en nombre de tokens. « On paie en fonction de l’usage », résume Maxime Girardet, pour un budget qu’il estime « quelque part entre 400 à 500 euros par mois, pour un usage classique, de bon père de famille, on va dire ». La mairie ne s’attend pas à ce que tous les habitants testent l’outil et le budget pourra être réévalué au fil du temps. En août 2024, elle estimait (.pdf) que le coût d'usage du service pourrait varier entre 230 € et 742 € par mois.
« On arrive à avoir des prix avec le volume, insiste-t-il. Ça n’est pas énorme à l’échelle de la ville, et puis on estime que ça vaut le coup : ça apporte un vrai service, en termes de vulgarisation comme d’accompagnement. » Quant à l’entraînement du chatbot conversationnel sur les informations de la ville, il est assuré par le service de communication de la mairie d’Arcachon.
Arcachon réfléchit à de futurs usages
Qu’est-ce qui permettra d’évaluer une forme de réussite du projet ? Pour Maxime Girardet, « si au moins 500 personnes, c’est-à-dire à peu près autant que de gens présents le 16 octobre, le testent pour poser 3 - 4 questions, ce sera déjà positif. » Le futur dira si Aracachon parvient à épuiser le quota de tokens qu’elle a prévu pour le mois d’octobre.
À terme, la ville réfléchit à d’autres usages d’intelligence artificielle. Il y a eu des demandes de génération d’images, rapporte son conseiller municipal, « mais c’est huit fois plus cher ». Surtout, la mairie réfléchit à des usages pour ses agents, « pour essayer d’automatiser certaines tâches répétitives et peu intéressantes comme du classement de données, ou pour rendre les démarches administratives plus rapides pour les usagers ».
Arcachon « offre » ChatGPT à ses habitants
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Deux cas d'usage
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Sensibilisation aux erreurs de ChatGPT
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Clés d’accès low tech
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Un « beau cadeau » aux frais du contribuable
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Arcachon réfléchit à de futurs usages
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 23/10/2024 à 16h08
Le 23/10/2024 à 16h31
500€/mois ça reste raisonnable, j'aimerais plutôt savoir combien SMARTFIRE a facturé la solution.
Le 23/10/2024 à 16h54
Le 23/10/2024 à 16h58
C'est l'intégration qui se pratique aussi en entreprise et c'est celle qui permet de meilleurs coûts d'échelle puisque entièrement facturée à l'usage. Accessoirement, avec une gestion de clés d'accès on peut identifier les consommations pour de la refacturation interne par exemple.
Le 23/10/2024 à 17h07
Le 23/10/2024 à 19h04
Par contre, l'exploiter correctement, ça demande beaucoup plus de temps.
Le 23/10/2024 à 17h55
Il n'y à que moi qui trouve cela complétement con ?
En résumé, une perte d'argent et une perte de temps puisque cela rajoute une étape pour vérifier l'information et alors un grand risque de désinformation.
Modifié le 23/10/2024 à 19h08
Ce qui est d'ailleurs le même principe à appliquer sur les écrits du Web. N'importe quel trou du cul comme moi peut se prétendre expert en tout et faire gober n'importe quoi à n'importe qui du moment que le ton faut autorité. C'est justement à cause d'un tel manque de recul que les médias sociaux sont devenus une usine à désinformation. C'était aussi le discours beaucoup tenu il y a quelques années sur Wikipedia. Et qui reste encore valable, le sabotage des pages étant une pratique hélas trop courante.
En soi, l'attention qu'on porte aux hallucinations des LLM est un bon moyen d'apprendre à prendre du recul sur ce qu'on lit sur le Web.
Modifié le 23/10/2024 à 21h12
Directive n°1 de tout informatique vers ces personnes : KISS. J'en viens à ne plus poser de questions dont je sais que ça rajoute des étapes supplémentaires car la réponse sera évidemment non.
Bref pour une recette de cuisine, on a donc le choix entre une A (oui j'assume) qui peut donner une recette incluant de la colle ou autres fadaises qu'il faudra donc vérifier après coup, et de l'autre une recherche Google qui donnera immanquablement Marmiton.com qui a peu de chances d'afficher ce genre d'âneries en premier résultat.
Si je présente ce choix, la recherche Google l'emportera toujours : plus rapide, plus efficace, ne demande pas souvent à vérifier/réfléchir... bref, plus simple.
Le 23/10/2024 à 21h12
Le 24/10/2024 à 10h09
Une image d'IA d'"un gamin qui a sculpté un chien en bois pour sa soeur qui a un cancer", un avis de recherche qu'il y a 5 ans en Italie, une personne qui croisé un chat etc
Le 24/10/2024 à 13h29
Et celui pour les vélos ?
Le 24/10/2024 à 14h06
Ca fera du boulot et des cotisations sociales, et il suffira de mettre des taxes dessus.
French State's Financial Problems Solved.
Le 24/10/2024 à 14h15
Quand à celui pour les vélos, encore plus. Je suis automobiliste après tout
Le 25/10/2024 à 21h51
Modifié le 23/10/2024 à 22h30
À partir de là, pourquoi ne pas fournir un accès Internet gratuit (10 fois moins cher), un ordinateur gratuit (coût équivalent sur 2/3 ans), l'électricité gratuite (2 à 3 fois moins cher)... ?
Je suis assez sidéré par le sens des priorités de la ville d'Arcachon, c'est la pyramide de Maslow qui vole en éclats.
Il n'y a donc aucun citoyen arcachonnais qui galère à payer son électricité, son eau, à remplir son assiette ? Qui ne souffre de pollution ? Qui ne risque de se faire écraser en vélo ?
Le 24/10/2024 à 00h34
Le 24/10/2024 à 07h39
Le 24/10/2024 à 11h13
Le 24/10/2024 à 14h40
Je trouve en revanche que devoir aller chercher sa clé en mairie, c'est pas pratique, surtout si c'est pour avoir des infos sur la ville. Je pense que c'est justifié par le prix des tokens, ils doivent avoir peur des abus.
Le 23/10/2024 à 23h09
Pour ne pas devoir in fine statuer sur aurait le droit d'utiliser L'IAB et pour quelles finalités, pour d'evidentes questions environnementales ce serait tout de même bien de se poser des questions simples sur l'intérêt du coût rapporté à l'usage.
Là, ça m'a l'air aussi absurde que d'aller chercher sa baguette de pain en navette spatiale.
Le 24/10/2024 à 12h42