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Pour Microsoft, lancer son offre de cloud gaming sur iOS n’est pas rentable

Chiens de faïence

Pour Microsoft, lancer son offre de cloud gaming sur iOS n’est pas rentable

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La Competition and Markets Authority (CMA), autorité régulatrice de la concurrence du Royaume-Uni, enquête actuellement sur le marché du jeu en streaming. Invitée à se prononcer sur le sujet, Microsoft a dit tout le mal qu’elle pensait de la commission prélevée par Apple. La société de Redmond a expliqué qu’en l’état, elle se voyait mal lancer son offre Game Pass pour des questions de rentabilité.

Le 06 septembre à 11h04

Sur le délicat sujet de la commission qu’Apple perçoit pour les achats réalisés via une application distribuée par l'App Store, Microsoft s’était montrée discrète jusqu’à présent. C’était notamment le cas quand Epic a déclaré la guerre à Apple avec le fameux épisode Fortnite. Dans la foulée, la Coalition for App Fairness avait été créée par Epic et Spotify. D’autres entreprises les avaient rejointes, mais pas Microsoft.

Depuis l’arrivée du DMA, le père de Windows s’exprime un peu plus. Il avait notamment fait savoir que la permission donnée aux boutiques tierces d’applications allait permettre l’arrivée d’un magasin Xbox dédié. iOS est actuellement la seule plateforme majeure sur laquelle l’offre de streaming Game Pass n’est pas disponible sous forme d’application native. Une épine dans le pied de Microsoft depuis le départ.

Entre temps, les plans de l’éditeur ont pris un coup dans l’aile. Dans le cadre de l’enquête que mène en ce moment la CMA sur le marché des navigateurs et du jeu en streaming, Microsoft a fourni un document dans lequel elle donne sa position. Comme de nombreuses entreprises, elle peste contre la commission de 30 % exigée par Apple sur les achats in-app (IAP, pour In-App Purchases), mais pas seulement, puisque Safari en prend également pour son grade.

L’avis de l’entreprise est d’autant plus important qu’il intervient dans le cadre d’une enquête hors Europe, puisque le DMA ne s’applique pas au Royaume-Uni. Une décision défavorable à Apple pourrait donc faire tache d’huile, d’autant que les États-Unis ont officiellement attaqué Apple pour abus de position dominante.

Un assouplissement insuffisant

Si Microsoft note bien que les règles de l’App Store ont été assouplies à plusieurs reprises (janvier, mars et avril), elle estime que les lignes actuelles sont encore trop strictes. Plusieurs exemples sont donnés.

Ainsi, la règle 3.1.3(b) impose aux fournisseurs de jeux en streaming que soient fournis l’ensemble des contenus, abonnements et fonctionnalités disponibles sur les autres plateformes dans l’application iOS. Or, « compte tenu des conditions IAP imposées par Apple […], il n’est pas possible pour les développeurs d’applications de jeux en nuage de le faire, en raison du coût et du temps nécessaire pour offrir du contenu aux conditions financières imposées par Apple », estime Microsoft.

En d’autres termes, c’est trop cher et pas assez rentable. En outre, les conditions interdisent aux éditeurs concernés de proposer un contenu sur une ou plusieurs plateformes si ledit contenu ne peut pas être proposé sur iOS. Une approche « tout ou rien » qui fait grincer des dents à Microsoft.

L’entreprise ajoute qu’il est impossible, en tant que fournisseur de solution de jeu en streaming, de s’assurer que les éditeurs tiers « recodent leurs jeux pour se conformer à cette exigence ». La boutique devrait donc se passer de tous les jeux tiers. Dans le cas de Microsoft, ces titres composent la majorité du catalogue Xbox.

Autre exemple cité, la règle 3.1.1 qui interdit aux applications natives de fournir des liens en dehors de l’application pour informer les utilisateurs d’autres tarifs. Ce point est bien connu et est au cœur d’une bataille entre Apple et Spotify. La société de Cupertino a assoupli cette règle pour les applications de type « lecteur » (ebooks, musique, films…), mais non seulement l’évolution est jugée trop faible par Spotify, mais elle ne concerne pas les autres types d’applications. Et encore moins le jeu en streaming, alors qu’un Netflix ou autre utilise le même type de technologie pour ses flux vidéo.

Financièrement, ça ne tient pas

Microsoft détaille un peu plus sa position sur l’aspect financier d’une offre de streaming actuellement. Elle fustige ainsi Apple pour vouloir s’approprier une trop grande part du gâteau, en exigeant notamment une nouvelle répartition des revenus avec les développeurs de jeux tiers.

Pour Microsoft, cette position est intenable. D’une part, elle « ne tient pas compte du modèle fondamentalement multiplateforme des [fournisseurs de jeux en streaming] » et rappelle à ce titre qu’iOS n’est qu’une plateforme parmi d’autres. « Comme le montre la position d’Apple, toute plateforme disposant d’un pouvoir sur le marché peut chercher à s’approprier une part disproportionnée des recettes », estime Microsoft. L’éditeur ajoute que le prix doit être fixé de sorte à rendre « l’opportunité multiplateforme attrayante pour les joueurs ».

En outre, « les frais de commission IAP d'Apple sont fixés à un niveau qui n'est ni économiquement viable ni justifiable. Les 30 % de frais de commission empêchent Microsoft de monétiser efficacement son offre de services de jeux en nuage, puisque la ligne directrice 3.1.3(b) empêche que des contenus, abonnements ou fonctionnalités différents (y compris les consommables dans les jeux multiplateformes) soient proposés aux utilisateurs d'iOS (par rapport aux contenus, abonnements et fonctionnalités proposés sur d'autres plates-formes) », affirme Microsoft.

Pour Microsoft, Apple a le melon

Pour l’éditeur de Redmond, cette part de 30 % est disproportionnée. Elle est si élevée qu’elle témoigne d’une position erronée d’Apple sur sa propre contribution au succès des applications. C’est particulièrement vrai pour les applications de streaming.

Cette différence tient une place centrale dans la vision de Microsoft. La commission exigée par Apple, comme celle pratiquée par Google, sont là pour représenter la participation de ces deux entreprises au succès des applications. Ils incluent notamment tout ce qui touche au stockage (dans de multiples versions pour tenir compte notamment des différentes tailles d’écran) et à la distribution d’une application. Qu’une application fasse 5 Mo ou plusieurs Go, elle devra pouvoir être distribuée autant de fois que des utilisateurs cliqueront sur « Télécharger ». Ces frais doivent également couvrir les investissements d’Apple dans le logiciel et le matériel.

Or, dans le cas du streaming, l’essentiel de l’activité est dans le flux vidéo lui-même. Microsoft se demande donc pourquoi elle devrait payer ces 30 % pour une technologie de streaming et pour les achats in-app, auxquels tous les jeux payants devraient être soumis. Après tout, un abonnement à Spotify, Disney+, Netflix ou Prime permet l’accès à l’intégralité du catalogue, sans qu’Apple intervienne dans la répartition des gains pour chaque éditeur.

Pour la société de Redmond, « la redevance de 30 % imposée par Apple aux IAP est le résultat d’un manque de concurrence dans la distribution des applications iOS natives ».

Et les applications web alors ?

Si Microsoft se concentre sur les applications natives, la question se pose : qu'en est-il de l'application web ? L’entreprise avait été – forcément – enthousiaste à l’annonce des boutiques tierces en Europe. En effet, elle allait pouvoir proposer son Game Pass sur iOS via une application native, même si ce n’était que dans un seul marché. On ne sait pas actuellement où en sont les travaux, ni si les remarques formulées à la CMA valent également pour l’Europe.

Le Game Pass est pourtant disponible sur iOS via une application web. Cependant, et comme on pouvait s'en douter, ces applications « ne représentent pas une alternative comparable aux applications natives en termes de découverte ou d’équivalence fonctionnelle, en partie à cause de la restriction Webkit imposée par Apple », indique Microsoft. Les capacités précises qui manqueraient à Webkit ne sont pas détaillées.

Pour Apple, Microsoft est de mauvaise foi

Apple, sans surprise, ne partage pas l’analyse de Microsoft. Elle assure soutenir le cloud gaming en passant par des applications web. Pourtant, on se souvient pendant la genèse d’iOS 17.4 qu’Apple a tenté de supprimer ces dernières en leur interdisant plusieurs fonctions. Ces changements, s’ils étaient restés, auraient rendu impossible l’utilisation des offres de Microsoft et NVIDIA.

« Microsoft a choisi de ne pas s'engager auprès d'Apple sur les applications de cloud gaming depuis les changements apportés par Apple aux règles » de l’App Store, regrette également la société de Cupertino. « Ce manque d'engagement survient en dépit de la communication positive d'Apple sur les nouvelles opportunités et les nouveaux outils pour les applications de cloud gaming sur iOS ».

Pour Apple, Microsoft serait donc de mauvaise volonté. Elle cite le cas d’Antstream, application native… de jeux en streaming rétro (Atari, Amiga, Nintendo et même ZX Spectrum). Apple dit avoir activement participé à ce développement, en offrant des conseils sur le lancement et sur les relations publiques, en travaillant sur les abonnements, etc. C’est d’ailleurs sans doute ce que l’exemple choisi par la société montre : Antstream est disponible sur abonnement et paye sa commission à Apple sans faire de vague.

La CMA, de son côté, a plusieurs solutions en préparation. Elle pourrait par exemple forcer Apple à accepter toute application de cloud gaming dès lors que cette dernière n’est utilisée qu’en « lecture seule ». Autrement dit, avec un fonctionnement presque identique à un Spotify ou un Netflix, l’application ne servant que de cadre à l’affichage d’un flux vidéo. L’autorité britannique pourrait également autoriser les éditeurs à intégrer leur propre système de paiement.

Toutes les parties ont jusqu’à la fin du mois pour communiquer leur avis à la CMA. Un rapport provisoire sera publié en novembre, à la suite de quoi les débats pourront reprendre pendant deux mois. Le rapport final sera publié en début d’année prochaine.

Commentaires (7)

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Pas sûr que ça se finisse bien pour Apple ...
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Pour Apple, Microsoft serait donc de mauvaise volonté. Elle cite le cas d’Antstream, application native… de jeux en streaming rétro (Atari, Amiga, Nintendo et même ZX Spectrum). Apple dit avoir activement participé à ce développement, en offrant des conseils sur le lancement et sur les relations publiques, en travaillant sur les abonnements, etc. C’est d’ailleurs sans doute ce que l’exemple choisi par la société montre : Antstream est disponible sur abonnement et paye sa commission à Apple sans faire de vague.
L'hypocrisie du truc... "Regardez, si Antstream est un succès c'est bien grâce à nous" qui vient justifier que le service de Microsoft, qui serait un succès même sans eux, doit leur rapporter autant d'argent :dd:

La position d'Apple n'est pas tenable, ils ne peuvent pas un coup jouer sur le côté "oui on a des outils de développement géniaux" (qui justifie au mieux la licence annuelle développeur), puis quand on en a pas besoin (parce qu'on a une app qui appelle juste un flux vidéo) dire que c'est "parce qu'on offre un porte voix et un environnement sécurisé génial avec l'App Store" (qui justifie la commission sur les IAP mais pas sur l'interdiction d'externaliser), puis quand on en a pas besoin dire "non mais on accompagne aussi nos clients sur le modèle économique, c'est du premium" (qui là est carrément de la prestation de service développement/marketing/consulting)

Mais on va finir par la percer la carapace en piles de billets...
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Je crois qu'on a le cumul de 2 problèmes ici. D'un côté, Apple abuse de sa position dominante aux US et d'acteur incontournable un peu partout ailleurs, avec des conditions pétées et un système de validation parfois aléatoire. C'est du vu et revu, et ça a déjà été largement débattu dans les commentaires d'autres articles.

Mais de l'autre, je me demande de plus en plus à quoi joue Microsoft avec le Game Pass. D'un point de vue joueur, c'est une super offre, et on a accès à une ludothèque de malade pour un prix mensuel limite dérisoire par rapport au prix d'achat des jeux en question. Et la compta et les actionnaires aiment bien avoir un revenu stable, régulier et prévisible. Mais le revers de la médaille est que les gens qui ont le Game Pass ne vont pas acheter ces jeux, et ça perturbe la rentabilité des titres à gros budget.

Et quand on voit la crise actuelle dans le monde du jeu vidéo, avec les fermetures de studios et les licenciements à la pelle, on peut se demander si ce genre d'abonnement est vraiment rentable pour les éditeurs. On a certes peut être affaire à une saturation du marché, et la ponction d'Apple est clairement abusée sur pleins d'aspects (et la nécessité de rendre les jeux disponibles sous la forme d'une app dédiée est juste WTF, à moins que ça ait changé), mais je pense sincèrement que si le Game Pass était aussi rentable que Microsoft l'aimerait, ça poserait beaucoup moins de soucis.

Pour l'instant Microsoft persiste et signe avec le Game Pass, mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir des doutes quant à la pérennité de ce type d'offre.
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Dans l'immédiat, j'imagine que le gros des revenus du game pass, c'est sur Xbox et PC. Les appareils Android et iOS sont surement trop faibles pour représenter un marché viable à court terme. Ça semble est juste un gros tacle gratuit sur un Apple qui se prend un tabassage en règle (Europe Approved). Gratuit... enfin, disons que c'est préparer le terrain pour un potentiel avenir sur la plateforme, il profite juste que l'occasion leur est offerte pour mettre des billes afin de s'offrir un boulevard sur iOS pour le futur.
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La commission d'Apple s'appliquant pour tout achat sur n'importe quelle plateforme dès que l'application est installée et pendant 12 mois, ça voudrait dire que l'abonnement de quelqu'un qui paye le GamePass pour son PC, mais a installé l'application sur son iPhone pour jouer dans le train de manière très occasionnelle part à 10% chez Apple. Même s'il ne joue sur son iPhone que tous les 36 du mois et ne paie pas via l'App Store. Et 30% s'il paie via l'App Store.
(https://next.ink/146334/app-store-apple-assouplit-sa-politique-de-liens-externes-mais-au-prix-fort/)


Déployer l'application sur iOS ferait perdre de l'argent à Microsoft, rien que pour cette commission abusive. Sans compter l'équipe qui doit maintenir l'application iOS.
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Pas très ergonomique la manette à @Flock :transpi:
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it's a feature !

Pour Microsoft, lancer son offre de cloud gaming sur iOS n’est pas rentable

  • Un assouplissement insuffisant

  • Financièrement, ça ne tient pas

  • Pour Microsoft, Apple a le melon

  • Et les applications web alors ?

  • Pour Apple, Microsoft est de mauvaise foi

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