Dans le cadre du projet de loi sur la réforme pénale, les sénateurs ont repoussé au 1er janvier 2018 la mise en œuvre de la PNIJ. Mieux, toujours en commission des lois, ils ont rendu son recours optionnel.
Dès l’origine, la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) a eu pour ambitieux projet de centraliser toutes les réquisitions et écoutes judiciaires envoyées aux opérateurs par les juges.
Dans un rapport de 2012, le député Christian Eckert n’y voyait que du bon : la PNIJ « permettra aux officiers de police judiciaire d’envoyer aux opérateurs de téléphonie mobile leurs réquisitions de façon dématérialisée et de valider, également par voie dématérialisée après réception de la prestation, le service fait ». Côté opérateurs, ce chantier allait en outre permettre d’adresser à l’État l’ensemble de leurs factures de façon dématérialisée. « Les frais seront payés au plan central, et non plus par les juridictions » se félicitait le représentant de la commission des finances, pas mécontent des juteuses économies espérées.
Ce nouveau joujou sécuritaire devait ainsi entrer en application en 2013. Seulement, il n’est pas simple de basculer d’un système décentralisé à un mécanisme unique, basé à Élancourt, dans les Yvelines. Sans surprise, l’accouchement se fait dans la douleur, occasionnant retards et reports, si bien que selon le dernier agenda, sa mise en œuvre serait pour fin 2016.
Un « merdier sans nom », « gouffre à fric »
Ces derniers jours, la PNIJ a néanmoins fait l’objet d’une pluie de critiques. Libération y a vu un « gouffre à fric », relevant que le programme a avalé aujourd’hui 90 millions d’euros d’argent public, si loin des 17 millions programmés. De quoi activer une procédure d’urgence au sein de la Cour des comptes, à destination du gouvernement...
Nos confrères ont révélé en outre que le bunker géré par Thales a souffert début mars d’une panne pendant près d’une semaine. Et c’est peu de le dire, la PNIJ agace ses principaux utilisateurs, les policiers, au point que certains évoquent « un merdier sans nom ». Jusqu’à 1 800 écoutes auraient été suspendues suite à l’incident, certaines – toujours selon les sources policières – étant carrément passées à la trappe.
Côté Chancellerie, citée par Le Monde, on temporise : une interruption des services durant 24 heures a finalement permis le vendredi 4 mars d’« augmenter significativement les capacités de traitements de la PNIJ, fiabiliser plusieurs composants et mettre en place une version modifiée du logiciel pour remédier aux causes du dysfonctionnement ». Bref, pas de panique, s.v.p. !
La PNIJ reportée et rendue optionnelle
Ces difficultés ont malgré tout eu leur effet au Sénat. Dans la version originelle du projet de loi sur la réforme pénale, d'abord déposé à l’Assemblée nationale, il était prévu de rendre « obligatoire le recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires [PNIJ], dans un souci d’efficacité, de meilleur contrôle des frais de justice et d’une plus grande confidentialité et sécurisation des opérations ». À cette fin, le Code de procédure pénale et le Code des douanes devaient contraindre magistrats, services d’enquête et agents à y recourir dès la fin de l’année, sans autre option.
De la version du PJL voté par les députés, à celle de la Commission des lois du Sénat
Au Sénat, changement de ton. Dans un amendement adopté en commission des lois, les parlementaires ont préféré repousser le déploiement de la PNIJ au 1er janvier 2018. Mieux, ils l’ont surtout rendue optionnelle. Dans le rapport attaché au projet de loi, les sénateurs justifient ces mesures par la panne récente, ajoutant que « de nombreuses difficultés apparaissent quant à la réalisation des interceptions, notamment en raison de la lenteur de chargement des communications ». Pas simple en effet d’uploader en région parisienne des heures d’interception audio, lorsque les autorités ne disposent en province que d’une poussive liaison ADSL... Puisqu’ « un grand nombre de services enquêteurs continuent d’utiliser les prestataires historiques, pourtant plus couteux que la PNIJ », concluent les sénateurs, « il semble délicat de faire de la PNIJ le dispositif exclusif des réquisitions adressées aux fins d’interceptions de correspondance ».
Les critiques de la CNIL risquent de rester intactes
Le gouvernement a déposé un amendement pour revenir sur ces dispositions. Néanmoins, si ce régime, qui devrait d’ici là avoir allègrement franchi les 100 millions d’euros, est conservé en l’état, il laissera finalement intactes les critiques qu’avait émises la CNIL quant à la situation antérieure. Dans son avis sur le décret PNIJ, elle relevait que « les dispositifs actuels d'interception des communications électroniques et de réquisitions de données de connexion reposent sur un système hétérogène et décentralisé qui fait appel à plusieurs prestataires privés et présente des inconvénients majeurs ». La Commission dénonçait des outils de réquisition et d'interception « variables et coûteux », tout en jugeant non satisfaisantes « les mesures de sécurité et de traçabilité mises en œuvre ». En comparaison, une centralisation devait permettre « de mieux garantir la régularité des procédures concernées et de mieux gérer la facturation des actes requis ».
En rendant optionnel ce système, l’État se dirige donc vers le pire des scénarios : doubler les sources de coûts tout en rendant malaisé, si ce n’est très difficile, le contrôle des interceptions judiciaires. Un beau succès de la French Tech...
Commentaires (14)
#1
Encore un gouffre à pognon qui va aller dans les poches des prestataires payés pour livrer un truc mal spécifié, chiffré au minimum et codé par des stagiaires experts…
Le tacle de fin, pile poil sur la rotule, est amplement mérité.
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#3
C’est marrant, ça me fait penser au système de gestion des paies dans l’armée! Louvois powa!
#4
Jusqu’à 1 800 écoutes auraient été suspendues suite à l’incident, certaines – toujours selon les sources policières – étant carrément passées à la trappe.
Pas étonnant que ça ne marche pas s’ils envoient leurs demandes d’interception à Trappes, alors que le système est basé à Élancourt (ville voisine) ! " />
#5
Et derrière ça vient jouer les pleureuses pour pouvoir jouer avec des IMSI Catchers …
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100% Made in France." />
#8
Si cette centrale a eu les memes presta que la defense, pas étonnant que le budget explose avec des install de prise electrique a 2000€ ou des configs de PC+imprimante+scanner a 13000€… .
French Sketch.
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#11
Je savais pas qu’il y avait des Personnages Non Joueurs au sénat
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#12
Tous des bots " />
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#14
Quoi…y a des PNJ au Senat ???
Quoi j’ai mal lu ???" /> " />
Rhhhooh et pis F*
HS: Ooooohhh, je viens juste de m’appercevoir qu’il y a un smiley Harou !!! " />" />