L’Institut d’Enseignement à Distance de Paris 8 obligé d’abandonner TestWe pour ses examens
Surveiller les surveillants d'exams
Le 19 décembre 2022 à 13h35
4 min
Droit
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Suite à la contestation par des étudiants de l'utilisation du logiciel TestWe pour surveiller lors de leurs examens, la justice oblige l'Institut d'Enseignement à Distance de Paris 8 à suspendre l'utilisation de ce logiciel.
Le tribunal administratif de Montreuil s'est prononcé mercredi 14 décembre sur la demande des étudiants de l'Institut d'Enseignement à Distance (IED) de Paris 8 dont nous vous avions fait part, et a décidé de suspendre l'utilisation de TestWe pour surveiller leurs examens.
Dans son ordonnance, le tribunal conclut notamment que :
« L’exécution de la délibération du 21 septembre 2022 par laquelle le conseil de l’institut d’enseignement à distance de l’université Paris-VIII a décidé d’avoir recours pour l’organisation et la surveillance des examens en ligne à une application du type de celle proposée par la société Testwe est suspendue. »
Un « doute sérieux » sur le respect du RGPD
La suspension est justifiée dans cette ordonnance [PDF] du tribunal administratif de Montreuil par « un doute sérieux quant à la légalité de la décision » de l'IED d'utiliser le logiciel TestWe pour surveiller ses examens.
Les juges pointent que cette décision est de nature à porter atteinte au RGPD et spécialement au fait que « les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) », citant l'article 5 paragraphe 1 point C du règlement.
Devant le tribunal, l'Université Paris 8 a soutenu avoir « décidé d’organiser les examens à distance de licence de l’institut d’enseignement à distance au moyen de la plate-forme TestWe, au motif du dysfonctionnement de l’autre modalité envisagée ».
Cette autre modalité envisagée n'est autre que le logiciel Moodle configuré spécialement pour le passage des examens. Celle-ci est déjà utilisée dans d'autres formations de l'université et dans bien d'autres établissements et ne semble pas être remise en question ailleurs.
Elle s'appuyait aussi sur « les garanties relevées dans la documentation de l’application Testwe » pour assurer que la requête des étudiants n'était pas fondée. Visiblement, ces garanties n'ont pas convaincu les juges du tribunal administratif de Montreuil qui ont pris cette ordonnance de suspension en urgence et donc ne se prononçaient pas sur le fond.
Le tribunal ne s'est par contre pas prononcé pour l'obligation d'effectuer ces examens via Moodle contrairement à ce que demandaient les étudiants.
Les juges expliquent que « la présente ordonnance n’implique pas nécessairement, contrairement à ce que demande XXX* et les intervenants, que l’université Paris-VIII organise les examens de licence au sein de son institut d’enseignement à distance au moyen de la plate-forme « Moodle » » (XXX étant le nom biffé de l'étudiante ayant attaqué l'IED).
L'IED pourra donc décider, si son administration le souhaite, d'organiser ces examens en présentiel comme elle l'avait menacé suite aux réactions des étudiants.
TestWe : « ce rêve de cancre » réalisé
Dans un post publié sur le réseau social LinkedIn, le PDG de TestWe, Benoît Sillard, a réagi :
« Je n’arrive pas à comprendre comment, en 2022, on peut encore rejeter le principe du passage d’examens à distance dans des conditions équitables. »
L'éditeur du logiciel de surveillance d'examen rajoute « Imaginez une salle d’examen sans aucun contrôle d’identité ou de convocation, un cauchemar pour le monde de l’enseignement supérieur. Ce rêve de cancre, quelques étudiants en psychologie de l’IED Paris VIII viennent de le réaliser en obtenant d’un juge des référés la suspension de la surveillance de leurs examens à distance ».
L'entreprise a aussi publié un billet de blog affirmant « TestWe est certifiée ISO 9001, nos services respectent les normes de la CNIL et du RGPD ».
La Quadrature se réjouit
La Quadrature du Net, dont l'intervention lors de cette requête a été admise par le tribunal, a réagi par un communiqué appelant à se réjouir « que la surveillance algorithmique soit écartée de l’Université : en émettant des doutes quant à la légalité de ce genre de dispositif, le tribunal administratif de Montreuil a envoyé un avertissement à toutes les autres universités et écoles ».
L'association explique pourtant que « Le juge n’a pas dit que TestWe est illégal, simplement qu’il y a un doute sérieux quant à sa légalité » et explique donc poursuivre « la procédure au fond ».
Contacté par email et par téléphone, l'IED de Paris 8 n'a pas répondu à nos sollicitations.
L’Institut d’Enseignement à Distance de Paris 8 obligé d’abandonner TestWe pour ses examens
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Un « doute sérieux » sur le respect du RGPD
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TestWe : « ce rêve de cancre » réalisé
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La Quadrature se réjouit
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 19/12/2022 à 14h02
TestWe qui pleurniche et qui compare sa bouse à une salle d’examen… Jamais un examinateur n’a râlé contre un étudiant qui levait les yeux de sa copie…
Le 19/12/2022 à 14h06
Espérons que la décision sur le fond aille dans le même sens. Sait-on quand la décision sur le donc sera rendue ?
Le 19/12/2022 à 14h25
Très bien. J’espère que ça irra jusqu’au bout et que ça ferra jurisprudence.
Concernant ce passage :
“Les juges pointent que cette décision est de nature à porter atteinte au RGPD et spécialement au fait que « les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) », citant l’article 5 paragraphe 1 point C du règlement.”
Es que l’on peut incriminer la SNCF pour obliger ses usagers à donner leur données personnelles lors de l’achat d’un billet aux bornes ? Ce n’est que récemment qu’une telle obligation est de vigueur et je ne trouve aucune justification légitime à cette pratique qui ne peut que dériver (vente de données, piratage, profilage, crédit carbone…).
Le 19/12/2022 à 14h30
Et au final, la solution retenue à terme c’est quoi ?
Trouver une autre solution mais certifiée conforme RGPD ?
Arrêter de surveiller les exams à distance au risque qu’il y ait de la triche ?
Arrêter le programme d’exam à distance et faire revenir tlm sur site en centre d’examens ?
autre chose ?
Le 19/12/2022 à 14h38
Peut être qu’en 2022 on pourrait imaginer un autre système d’examens ou de notations que d’essayer de répliquer le fonctionnement identique dans une société qui a changé ?
Le 19/12/2022 à 14h43
TestWe est aussi utilisé en Belgique et le stress c’est surtout qu’il y ait une coupure internet et que ce soit perçu comme une tentative de triche par l’étudiant.
Maintenant il est logique que l’on sache lutter contre la triche. Se faire représenter par un copain est trop facile sans contrôle.
Si tout le monde triche et a son diplôme sans effort, que vaudra alors ce diplôme chez les employeurs ?
L’on verra alors des certifications privées arriver qui remplaceront les diplômes.
C’est déjà en partie le cas pour certaines compétences informatique où il faut absolument des certifications chez Cisco par exemple pour certains job.
Le 19/12/2022 à 14h50
Pour Cisco et d’autres, le problème ne vient pas de la qualité de l’enseignement mais plutôt de la fermeture de solutions propriétaires qui ne font pas partie de l’enseignement et dont l’obtention ne présage en rien de la capacité à travailler sur un écosystème déployé avec la solution concurrente.
C’est comme demander à un maçon (bon ou mauvais, là n’est pas la question) de prouver qu’il a passé la certification Lafarge avant de le laisser travailler sur un gros chantier pour lequel la dépendance à Lafarge est telle qu’elle impose de s’assurer de la maitrise de ses produits auprès de ses maçons.
Le 19/12/2022 à 14h59
On y arrive en effet ^^
Ou alors des tests sur place, des mises en situation. On voit très vite si le diplôme vaut quelque chose
Le 19/12/2022 à 14h56
J’avais raté l’article précédent, et effectivement, c’est intrusif.
En même temps c’est compliqué de surveiller à distance. Sans un système intrusif, comment garantir que celui qui passe l’exam n’a pas un ami à côté qui lui dit tout ?
Car même si sur des exams HL, google n’est pas d’une grande aide, avoir un spécialiste de la question à côté de soi oui ^^
Le 19/12/2022 à 15h02
Du présentiel. Si pas possible, tout établissement publique d’enseignement (école maternelle, primaire, collège, lycée…) devrait pouvoir accueillir les candidats de n’importe quel examen dématérialisé. Si pas possible, tout etablissement de la force publique (commissariat, mairie, base militaire, préfecture…). Au pire du pire, tout le reste (avec, pourquoi pas, une norme ISO jchaipaskwa) type auto école, centre de formation/certification, etc…
Avec ça je pense qu’on est pas mal niveau égalité des chances sur le territoire tout en evitant la dérive big brother. Remettre l’humain au centre. C’est ça la solution.
Le 19/12/2022 à 15h42
La solution classique c’est de donner les cours à distance (via Moodle qui est libre, ou en envoyant des cours imprimés) et de faire passer les examens en présentiel à la Maison des examens de l’Académie.
Le 19/12/2022 à 15h43
C’est comme cela que j’ai fais mes études de comptabilité (avec l’INTEC du CNAM).
Cours par correspondance et examen à la Maison des examens d’Arcueil (Académie de Paris Créteil Versailles).
Le 19/12/2022 à 15h51
Sinon on fait comme à la fac il y a 10 ans ? On autorise les candidats à avoir tous les documents qu’ils souhaitent, et on teste qu’ils aient bien compris le sujet, et non appris les cours par coeur
Le 19/12/2022 à 16h10
Avec l’avènement des IA tells que GPT3, je pense que “avoir tous les documents” risque de devenir plus compliqué. Car dans le cas où tu es à distance, “avoir tous les documents” = avoir accès internet globalement.
Je suis d’accord avec toi, c’est pas forcément les connaissances (apprise par cœur) qu’il faut tester.
J’ai pas de solutions cependant :-/
De toute façon, frauder sur un examen ne permet pas grand-chose sur le long terme. Car soit on fraude et on est pas capable et ça se voit dans les études suivantes et professionnellement,
soit on fraude et on est quand même capable et alors il n’y à pas vraiment de soucis.
Je rejoins @AlexLG , il faudrait surement réfléchir a nos modèles d’enseignement pour les adapter à ces changements.
Le 20/12/2022 à 10h43
Même si tu as accès à tous les documents (y compris GPT3), tu peux évaluer sans problèmes le niveau d’un étudiant. Les rares évaluations que j’ai mené en milieu académique ont toujours deux approches : Un exam papier sur table (avec tout les documents et même internet [oui, oui j’autorisais Internet]). Mais l’exam été conçu de sorte à piéger l’étudiant glandeur.
Acte I : Mise en confiance
Acte II : Recherche progressive dans les documents
Acte III : La recherche dans les documents n’est plus suffisante, faut des neurones.
Acte IV : L’étudiant prends conscience de sa situation à 10 minutes de la fin. Il vient de comprendre que l’exam a été conçu pour lutter contre ça.
Acte V :
L’immunité à un chat pendant l’exam ? Facile, cette sous-espèce (au sens biologique) d’étudiant a tendance à se regrouper entre eux, et j’ai pu observer de manière empirique que leur synergie cérébrale est inversement proportionnelle à leur nombre. Déjà que tout seul c’est pas brillant mais à plusieurs…
La seconde approche est basée sur la résolution d’un problème sous forme de devoir maison à rendre en 2 ou 3 semaines. Ici, j’évalue leur capacité à se creuser la tête et à surmonter des problèmes nouveaux.
En France j’ai observé qu’on (la société ? les entreprises ? Les écoles privés ?) préfèrent des “têtes biens pleines” que des “têtes bien faites”. La 1er est plus corvéable et malléable que la seconde.
Le 20/12/2022 à 14h17
Ca ne résout pas le problème de la doublure à l’exam si c’est distant.
Même les TD/TP, j’ai vu des “similarité” de copies où Pierre n’avait pas copié sur Paul, mais qu’en fait Pierre et Paul avaient tous deux sous traité leur travail à Jacques (qui proposait ses services rémunérés sur les RS)
Et contrairement à ce qui est indiqué plus haut, croire qu’un incompétent est vite repéré et dégagé dans le monde du travail, ça ne marche pas dans tous les cas.
Le 20/12/2022 à 08h12
Le problème n’est pas nécessairement l’accès aux documents, qui pourrait effectivement être traité par des sujets faisant appel à l’intelligence plus qu’à la mémoire, mais surtout la possibilité de se faire aider (voire représenter).
J’ai passé des exams tous documents autorisés, mais il y avait quand même contrôle de l’identité / interdiction de discuter avec les voisins ou de faire venir un ami expert du domaine. (c’était il y a fort longtemps, à l’époque on n’envisageait pas autre chose que du présentiel donc la question ne se posait pas ).
Hors méthodes hyper-intrusive, il semble difficile voire impossible de lutter contre ce genre de triche sur des examens à distance.
Le 19/12/2022 à 16h17
Dans les deux cas il n’y a pas de problème pour le diplômé. L’unique objectif des diplômes est d’avoir de l’argent par l’intermédiaire d’un travail qui impose un recrutement sur la base d’un niveau scolaire et y applique une grille salariale. C’est l’unique motivation de perdre autant de temps à l’école (que cela plaise ou non).
Le 19/12/2022 à 17h25
C’est un peu ce que je pense aussi, plutôt que d’apprendre et savoir vomir du par coeur, ne serait-il pas mieux d’apprendre des bases, les fondamentaux, et concepts, et apprendre à les développer ensuite par soit-même à l’aide des moyens d’information dont on dispose aujourd’hui ?
Ca me fait toujours penser au business des certifications dans l’IT, où on te demande de recracher du par coeur qui sera obsolète dans six mois car l’éditeur aura tout changé et que de toute façon tu iras lire la doc comme tout le monde (je dis pas, les certifs sur les fondamentaux qui sont les mêmes depuis 40 ans ça changera pas, mais celles qui disent que tu sais cliquer au bon endroit dans le portail Azure/AWS/GCP… expliquez moi la valeur ajoutée).
Perso c’est un aspect qu’à l’époque j’avais mal compris dans la formation professionnelle que j’ai suivie, mais pour lequel aujourd’hui je remercie vivement le formateur : il nous a appris les concepts, les bases, les fondamentaux, tout ce qu’il faut pour comprendre de quoi on parle et de quoi on a besoin. Puis il nous a appris à nous sortir les doigts pour développer et améliorer ces acquis en apprenant comment chercher et savoir faire la part des choses et remettre en question les résultats. A l’époque on se disait “nan mais le mec il nous apprend juste à chercher sur Google”, et 15 ans après je me rends compte combien il nous a été utile car sans ce développement de l’esprit critique et de la remise en questions je doute que je serais là où j’en suis aujourd’hui.
Le 19/12/2022 à 19h51
La solution, c’est peut-etre de ne pas faire d’examen à distance qui cherchent à vérifier l’apprentissage “par-coeur”, à savoir, recracher le cours. Pour cela, aucun examen à distance ne peut prémunir contre le risque de triche sans être super intrusif.
Les examens à distance sont peut-etre à réserver aux sujets qui demandent de réfléchir, d’avoir compris un concept et de l’appliquer à un cas précis proposé dans l’examen. Voir à aller au delà de ce qui a été vu en cours. Et potentiellement avec tous le cours, tous les bouquins et papiers a disposition.
Pour ces examens là, pas besoin du flic “TestWe” derrière toi.
Le 19/12/2022 à 20h47
Les évaluations en présentiel ça se fait très bien avec de l’enseignement à distance. Via le CNAM on ai jamais loin d’un endroit où passer ses examens, même en vacances à 500km.
Le 20/12/2022 à 08h15
Cette mauvaise foi
Homme de paille d’Or 2022
Le 23/12/2022 à 17h05
Heureusement qu’il n’est pas nécessaire de passer des examens avec Big brother pour pouvoir vendre de la came en banlieue.
Le 24/12/2022 à 09h38
Parfait, les pauvres personnes devraient êtres désespérés