Le Sénat maintient la liberté de panorama sous les barreaux
Tombés dans le panorama
Le 28 avril 2016 à 15h30
4 min
Droit
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Les sénateurs ont finalement suivi les ayants droit. La liberté de panorama ne pourra profiter qu’aux particuliers, « à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial ».
Après d’âpres débats où des positions très tranchées se sont exprimées, la Haute assemblée s’est rangée cet après-midi derrière l’amendement défendu par le groupe socialiste – qui renvoie peu ou prou au texte adopté par l’Assemblée nationale. Il est ainsi prévu d’ériger une nouvelle exception au droit d’auteur en vertu de laquelle seraient autorisés les clichés :
- D’œuvres architecturales ou de sculptures,
- Placées en permanence sur la voie publique,
- Réalisées par des personnes physiques,
- À des fins ne pouvant être « directement ou indirectement » commerciales.
La commission des lois du Sénat avait voulu que les associations puissent également profiter de cette nouvelle liberté de panorama. « Cheval de Troie dangereux ! » a objecté le socialiste David Assouline dans l’hémicycle. « Des associations à but non lucratif peuvent avoir une activité commerciale même si ce n'est pas censé être leur but : l'UEFA, la FIFA sont des associations à but non lucratif. »
Sur le banc du gouvernement, Axelle Lemaire s’est elle aussi prononcée en faveur d’un maintien de « l’équilibre » trouvé à l'Assemblée nationale. La secrétaire d’État au Numérique a mis en garde les élus du Palais du Luxembourg en évoquant les revenus « souvent modestes » des artistes, des créateurs et des designers impactés par ces dispositions législatives.
En dépit de l’amendement PS, tous les sénateurs du groupe socialiste n’étaient pas sur la même longueur d’ondes. Yves Rome et Jean-Pierre Sueur demandaient en effet à ce que la liberté de panorama profite à tous, particuliers comme professionnels, et ce quels que soient les usages (commerciaux, non lucratifs...). « Ce combat est d'arrière-garde, la ligne Maginot a finalement été franchie... Le numérique autorise de nouveaux usages, il faut anticiper, a fait valoir le premier. Les petits créateurs ont tout à gagner de la diffusion de leurs œuvres sur Internet. » Il fut rejoint par un autre sénateur PS, Jean-Yves Leconte : « La liberté de panorama n'est pas une atteinte à la création. Elle permet au contraire de montrer et de diffuser la richesse de notre pays et de sa création la plus récente. C'est bon pour le tourisme et l'image de notre pays. »
À droite, Patrick Chaize a apporté son grain de sel : « Prendre des photos dans l'espace public devrait être une liberté pleine et entière. Celui qui choisit de construire un bâtiment dans l'espace public ou d'y diffuser une œuvre, par le truchement de deniers publics, ne devrait pas pouvoir privatiser la vue de tous au nom du droit d'auteur. En outre, il est très difficile de définir la nature commerciale ou non de la diffusion d'une représentation photographique sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes accueillant de la publicité. »
« La liberté de panorama reste inapplicable » déplore Wikimédia
« Je veux lever les craintes, est alors intervenu David Assouline. Dans tous les cas, les particuliers qui postent une photo sur les réseaux sociaux ou ceux qui la retweetent sont protégés, à la différence de celui qui les réutilise à des fins commerciales, en la reproduisant sur des tee-shirts ou des cartes postales par exemple. » « C'est impossible ! » rétorque Nathalie Martin de la fondation Wikimédia France, contactée par nos soins. « Tous les avocats qui se sont prononcés sur cette question ont considéré qu’étant donné que la frontière entre commercial et non-commercial n'était pas définie, ce n'était pas une protection. » Le problème est en effet que la licence généralement utilisée par Wikipédia permet la réutilisation des images à des fins commerciales. Même problème pour les Facebook ou Twitter, où la présence de publicités ruine la condition non lucrative...
@dwarf_power @contexte_num @dassouline Bonne manière de résumer le débat! La réponse est oui, car moi pas vouloir vendre photo sur t-shirt
— Axelle Lemaire (@axellelemaire) 28 avril 2016
Le texte ne devrait désormais guère bouger. Même si députés et sénateurs vont devoir trouver un terrain d’entente (dans le cadre d’une commission mixte paritaire ou d’une seconde lecture), la vision quasi-identique des deux assemblées sur ce sujet rend un éventuel retournement très peu probable.
Le Sénat maintient la liberté de panorama sous les barreaux
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« La liberté de panorama reste inapplicable » déplore Wikimédia
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 28/04/2016 à 15h35
Les sénateurs ont (comme prévu/sans surprise) suivi les ayants droit
Mieux comme ça
Le 28/04/2016 à 15h52
Le 28/04/2016 à 16h33
Entre ça et le ttip, ma carte d’électeur de plus en plus près du composteur. " />
Le 28/04/2016 à 16h37
Le 28/04/2016 à 16h46
Le 28/04/2016 à 17h03
Le 28/04/2016 à 17h10
Le 28/04/2016 à 17h16
Le 28/04/2016 à 17h19
Le 28/04/2016 à 17h22
«… revenus « souvent modestes » des artistes…» Buren et toute la clique, cela m’étonnerait. font pas ça gratuitement. Et la notoriété que cela rapporte, ce n’est pas compté dans leurs revenus. Buren était inconnu pour moi avant ses colonnes. Je sais, c’est ma faute, je ne fréquente pas les FIAC !!
Le 28/04/2016 à 17h27
Buren et les très connus sont des exceptions justement.
Le 28/04/2016 à 17h42
Tu parles de faire une révolution comme en 1789 ; où le peuple s’est fait manipulé par certains pour destituer un Roi qui n’avait pas envie de l’être et qui était au pouvoir peu de temps comparé a ses prédécesseur ?
Une révolution où ce sont les bourgeois qui ont pris le pouvoir et non le peuple ? on voit bien où ça nous a mené ..
Le 28/04/2016 à 17h44
Le 28/04/2016 à 18h13
C’est pour ça que je suis contre le vote électronique 📧.
Le 28/04/2016 à 19h57
Le 29/04/2016 à 00h23
Oui et c’est très très chiant car la préfecture exige que pour chaque bulletin nul la raison ne cette nullité soit dument détaillé ce qui prends un temps fou et ne sert strictement à rien puisque personne ne regarde ces détails ( ça existe uniquement pour pas que des potes à Balkany et consort considère comme nul les bulletins des mec d’en face … ).
Le 29/04/2016 à 04h03
Je suis consterné, des associations à but non lucratif ont besoin d’utiliser des panoramas pour des études avant travaux. Comme la FDDN et la plupart des FAI alternatifs utilisant le wifi de point à point. Cette loi est une vaste et très mauvaise blague
Le 29/04/2016 à 06h53
La prochaine étape consiste en la greffe directe sur les yeux de lentille Google Glass qui obscureront les batiments en question si tu ne t’es pas abonné ou si tu n’as pas payé ton ticket.
Le 29/04/2016 à 09h17
+1
Le 29/04/2016 à 14h00
Le 29/04/2016 à 15h00
Maître Eolas a des billets très intéressants quand il parle de sujets juridiques. Il est dans son métier, et il le fait plutôt pas mal.
Maintenant, là, non, c’est de la politique, et il se “plante” en donnant cette explication. Ou plutôt, il occulte la moitié des raisons, au bas mot. Le vote blanc n’est pas pris en compte parce que, si ça entrait dans les suffrages exprimés, et que ça obligeait à refaire des élections jusqu’à avoir trouvé des candidats acceptables, ça aurait les conséquences suivantes:
En fait, le système de vote actuel n’est pas si mauvais. Pour la présidentielle, il est même totalement adapté au but recherché (à savoir, faire élire un des candidats qui ont reçu le plus de suffrages sur leur nom au premier tour). Ce qui est mauvais, c’est que le peuple n’ait aucun contrôle sur le candidat, une fois celui-ci élu. Comme quand il promet un truc, et fait exactement le contraire une fois au pouvoir, par exemple…
Pour les législatives, par contre, le scrutin majoritaire, tel qu’il est fait actuellement “pour représenter les différents territoires” est surtout une excuse pour favoriser les gros partis. Surtout avec les redécoupages de la carte électorale. En gros, c’est comme ça que des partis qui ne représentent que, quoi, 25 à 30% des électeurs (et encore) obtiennent plus de 50% des sièges.
La technique est très simple: Prendre une zone qui vote “comme il faut” (comprendre : pour notre candidat). Par exemple, Neuilly, pour les Républicains. C’est riche, ça vote beaucoup à droite.
Supposons que cette zone vote à 80% pour LR, et que le reste aille vers les autres tendances. Il suffit d’associer à cette charmante bourgade une zone moins favorisée (supposons que cette zone ait une fâcheuse tendance à voter “communiste” à 60%), en prenant juste ce qu’il faut de la première, et en “diluant” autant que nécessaire les voix de la seconde zone dedans. Le but étant, évidemment, d’obtenir des circonscriptions dans lesquelles ton candidat obtiendra, à priori, un score entre 55 et 60% (pour être à peu près assuré qu’il soit élu), et de regrouper la plupart des soutiens d’en face dans les mêmes circonscriptions, là où tu leur concéderas généreusement UN représentant, à 90% des voix, ou quelque chose de ce style.
De cette manière, on peut gouverner “tranquille”, en ayant une opposition en nombre à peine symbolique, à l’assemblée, et on est donc assuré (si les députés alliés pensent à se rendre en séance, évidemment) de faire ce qu’on veut, sans réel débat (vu que se contenter de laisser parler l’opposition, sans chercher à comprendre ses positions, ou à démonter ses arguments sur le fond, puis de voter CONTRE ses amendements, c’est pas tout à fait du débat).
Idem sur les cantonales (départementales, maintenant), où tu as une charmante “prime majoritaire”, pour que celui qui a obtenu une majorité RELATIVE (par exemple, 34%, et les autres partis 33% chacun) soit assuré d’avoir une majorité ABSOLUE de représentants dans l’assemblée en question. Parce que, dans une république “démocratique” comme la France, le débat, c’est très surfait.
Bref, non, le vote blanc, ils le prennent pas en compte, parce que si ça permettait d’invalider le système actuel, extrèmement confortable pour les élus professionnels, ça ne leur plairait vraiment pas. C’est la raison principale, bien avant les autres problèmes soulevés (parce que, sinon, ce serait facile de changer le mode de scrutin, pour s’assurer que ça ne puisse pas durer éternellement).
Le 29/04/2016 à 15h16