[Màj] Meta met sur pause son projet d’entraîner ses IA avec les contenus de ses utilisateurs
Schrems vs Meta, a neverending story
L'association autrichienne noyb a déposé 11 plaintes contre Meta auprès d'autant d'autorités chargées de la protection des données en Europe, dont la CNIL. Elle demande à la multinationale d'arrêter immédiatement l'utilisation abusive des données personnelles des utilisateurs de Facebook et Instagram pour l'entrainement de ses IA tel que le prévoit sa nouvelle « Politique de confidentialité ».
Le 14 juin à 17h05
7 min
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Mise à jour du 14 juin 17h05 : L'autorité de protection des données irlandaise, la DPC, annonce que Meta suspend son projet d'entrainement de ses grands modèles de langage avec les contenus partagés par les utilisateurs de ses réseaux sociaux Instagram et Facebook dans l'Union européenne et l'espace économique européen soumis au RGPD. La DPC s'en félicite tout en expliquant que le dialogue sur la question n'est pas fini. Max Schrems a exprimé sa joie sur X :
Woohoo @NOYBeu at work! https://t.co/AKRW4RRBFT
— Max Schrems 🇪🇺 (@maxschrems) June 14, 2024
Article initialement publié le 6 juin à 15 h :
L'association de Max Schrems a annoncé avoir déposé 11 plaintes en Europe (en Autriche, Belgique, France, Allemagne, Grèce, Italie, Irlande, Pays-Bas, Norvège, Pologne et Espagne) contre la nouvelle politique de confidentialité de Facebook et Instagram mise en place par Meta, concernant l'utilisation de toutes les données des utilisateurs pour entrainer les IA de la multinationale.
Depuis fin mai, les utilisateurs européens de ces réseaux sociaux ont reçu un email dont le sujet est « nous mettons à jour notre Politique de confidentialité à mesure que nous développons l’IA de Meta ». Ce message indique qu'à partir du 26 juin 2024, l'entreprise s'appuiera désormais sur la base légale des « intérêts légitimes » de Meta pour utiliser les informations de ses utilisateurs « pour développer et améliorer l’IA de Meta ».
Cette décision de Meta a fait réagir certains utilisateurs de ses réseaux sociaux où on a pu voir des chaînes de protestation se mettre en place :
Un formulaire dissuasif
Plus clairement, l'entreprise s'autorise à partir de cette date à utiliser les données (contenus publiés mais aussi données personnelles) de ses utilisateurs collectées depuis la création de leurs comptes pour entrainer ses intelligences artificielles. Un seul moyen d'y échapper : cliquer sur le lien situé au milieu du message expliquant que « cela signifie que vous avez le droit de vous opposer à l’utilisation de vos informations à ces fins » et remplir le formulaire auquel il renvoie.
Et encore, Meta y demande d' « expliquer l’incidence de ce traitement sur vous » et suggère donc qu'elle pourrait refuser d'accéder à la demande. « Alors qu'en théorie, l'opt-out pourrait être mis en œuvre de telle sorte qu'il ne nécessite qu'un seul clic (comme le bouton "se désinscrire" dans les newsletters), Meta rend extrêmement compliqué le fait de s'y opposer, même pour des raisons personnelles », s'indigne noyb dans son communiqué.
L'association estime aussi que « bien que le choix logique soit celui d'un consentement explicite (opt-in), Meta prétend à nouveau qu'elle a un "intérêt légitime" qui l'emporte sur les droits fondamentaux des utilisateurs ».
noyb rappelle que l'entreprise a déjà voulu s'appuyer sur son « intérêt légitime » pour utiliser les données personnelles de ses utilisateurs pour mettre en place son système de publicités ciblées, mais que la Cour de justice de l'Union européenne a rejeté l'utilisation de cette base légale.
Meta utilise aussi une phrase très vague et très générale pour signaler ce qu'elle s'autorise à faire : « l’IA chez Meta est notre collection de fonctionnalités et d’expériences d’IA générative, comme les outils de création IA et Meta AI, ainsi que les modèles qui les alimentent ». Telle que nous la comprenons, l'entreprise s'autorise à utiliser ces données pour entrainer toutes ses IA.
Dans ses plaintes, noyb accuse Meta d'avoir « pris toutes les mesures nécessaires pour dissuader les personnes concernées d'exercer leur droit de choisir », et de ne pas avoir donné les informations nécessaires à ses utilisateurs.
Aucun intérêt légitime
Elle y estime tout bonnement que Meta « n'a aucun "intérêt légitime" qui prévaut sur les intérêts » des plaignants qu'elle accompagne et « aucune autre base légale pour traiter des quantités aussi importantes de données à caractère personnel pour des finalités totalement indéterminées ».
Elle pointe le fait que l'entreprise « tente en réalité d'obtenir l'autorisation de traiter des données à caractère personnel pour des moyens techniques larges et non définis ("technologie d'intelligence artificielle") sans jamais préciser la finalité du traitement en vertu de l'Article 5(1)(b) du RGPD ».
Données mises à la disposition de n'importe quel "tiers"
Elle ajoute que l'entreprise n'est même pas « en mesure de différencier correctement entre les personnes concernées pour lesquelles elle peut s'appuyer sur une base légale pour traiter les données à caractère personnel et les autres personnes concernées pour lesquelles une telle base légale n'existe pas ». De même, elle lui reproche de ne pas être capable de faire la différence « entre les données à caractère personnel qui relèvent de l'Article 9 du RGPD [qui pose une interdiction de principe des traitements relatifs à l'origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, convictions religieuses ou philosophiques ou à l'appartenance syndicale, ndlr] et les autres données qui n'en relèvent pas ».
Enfin, l'association pointe le fait que « Meta déclare elle-même que le traitement des données à caractère personnel est irréversible et qu'elle n'est pas en mesure de respecter le "droit à l'oubli" ».
Pour Max Schrems, « Meta dit en substance qu'elle peut utiliser "n'importe quelle donnée provenant de n'importe quelle source pour n'importe quel usage et la mettre à la disposition de n'importe qui dans le monde", à condition que ce soit par le biais d'une "technologie d'intelligence artificielle". Cela est clairement non conforme au RGPD. L'expression "technologie d'IA" est extrêmement large. Tout comme "l'utilisation de vos données dans des bases de données", il n'y a pas de limite légale réelle ».
Il ajoute que « Meta précise également que les données des utilisateurs peuvent être mises à la disposition de n'importe quel "tiers", c'est-à-dire n'importe qui dans le monde ».
Accord avec l'autorité irlandaise
Interrogée par le média irlandais The Journal, l'autorité de protection irlandaise DPC dont dépend Meta (son siège européen étant à Dublin) a expliqué que l'entreprise a retardé le lancement de cette nouvelle politique de confidentialité « à la suite d'un certain nombre de demandes de la DPC qui ont été traitées ».
L'autorité irlandaise indique que « Meta affiche maintenant une notification dans sa barre de navigation, a ajouté des mesures de transparence supplémentaires (des articles dans le "AI privacy center") et un mécanisme dédié d'opposition ». Enfin, l'autorité insiste sur le fait d'avoir obtenu que Meta attende quatre semaines entre la notification aux utilisateurs et la date du premier entrainement avec ces données.
Elle ajoute que Meta l'a assurée « que seules les données personnelles des utilisateurs basés dans l'UE (posts et non commentaires) partagées publiquement sur Instagram et Facebook au moment de l'entrainement seront utilisées et que cela n'inclura pas les données personnelles provenant de comptes appartenant à des utilisateurs de moins de 18 ans ».
Pour noyb, cela signifie que « cette violation flagrante du RGPD est (de nouveau) basée sur un "accord" avec la DPC. Celle-ci a déjà conclu un accord avec Meta qui a permis à l'entreprise de contourner le RGPD – et qui s'est soldé par une amende de 395 millions d'euros contre Meta après que le Conseil européen de la protection des données (EDPB) a annulé la décision de la DPC irlandaise ».
Interrogée par email par Next, Meta n'a pas encore répondu à nos questions.
[Màj] Meta met sur pause son projet d’entraîner ses IA avec les contenus de ses utilisateurs
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Un formulaire dissuasif
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Aucun intérêt légitime
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Données mises à la disposition de n'importe quel "tiers"
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Accord avec l'autorité irlandaise
Commentaires (21)
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Abonnez-vousLe 06/06/2024 à 15h50
Et un grand merci à Max Schrems, l'un des dernier rempart face à la toute-puissance et la connerie de bon nombre d'acteurs de la tech !
Le 06/06/2024 à 16h02
Je propose pour la prochaine fois de rajouter un "1" devant le "395". Peut-être qu'alors ce sera assez pour qu'ils se calment un peu sur l'abus d'abus abusif.
Le 07/06/2024 à 09h34
Le 06/06/2024 à 16h26
Je vois pas trop en quoi tout ceci met Meta en accord avec le RGPD.
Le 06/06/2024 à 16h34
Le 07/06/2024 à 19h31
Plus aucun problème pour nous, guerre civile en irlande du nord, impossibilité pour les migrants illégaux qui ont réussit a passer en UK de retourner en Europe via la frontière irlandaise car les gus du moyen orient ne veulent pas se retrouver au rwanda (ou on risque de leur demander comme à mon cousin manche courte ou manche longue coupe coupe à la main, il a eu du bol, ça a été manche longue) ...pop corn
Le 07/06/2024 à 20h05
Tu es complètement hors sujet. Je parle de l'autorité de protection irlandaise DPC (l'équivalent de notre CNIL), pas des Irlandais en général.
Le 10/06/2024 à 07h25
CQFD
Le 06/06/2024 à 16h33
Néanmoins, le considérant (50) explique bien que : Méta ne peut sérieusement affirmer que ses utilisateurs pouvaient s'attendre à ce que ces données collectées puissent être utilisées pour entraîner une IA ; la plupart de ses utilisateurs ne connaissait pas cette notion d'apprentissage pour les IA ni même pour beaucoup ce qu'est une IA.
Donc, pour toutes les données déjà récoltées, c'est mort pour Méta : ils n'ont aucune chance de gagner.
Par contre, utiliser l'intérêt légitime est pour justifier le traitement comme souvent une vaste fumisterie.
Le considérant (47) du RGPD explique assez bien ce qu'il doit et ne doit pas être : Là aussi, quand les gens utilisent Facebook ou Instagram, ce n'est pas pour que Méta utilise leurs données personnelles pour entraîner une IA mais pour communiquer avec des "amis" ou du public.
La licéité du traitement (article 6) explique pour l'intérêt légitime : Et l'article 21 précise le droit d'opposition : Mais Méta (et ce n'est pas la première fois) estime que ces textes lui permettent de demander les raisons de l'opposition alors que l'article 21 dit bien que c'est au responsable du traitement de démontrer qu'il existe des motifs légitimes et impérieux qui l'emportent sur les intérêts et droits de la personne. L'utilisateur n'a, lui, rien à justifier.
Le 06/06/2024 à 17h55
Le 06/06/2024 à 22h57
J’avais déjà supprimé toutes mes infos, et je suis certain que l’entraînement a déjà été fait sur les données.
Le 07/06/2024 à 08h42
Mais je suis bien connecté :(
Le 07/06/2024 à 14h06
Pitoyable.
Le 07/06/2024 à 18h55
Le 09/06/2024 à 16h20
Le 14/06/2024 à 22h35
Le 16/06/2024 à 09h48
Donne tous les éléments que tu as démontrant l'impossibilité d'exploiter ce service censé te permettre d'exercer tes droits accordés par le RGPD.
Modifié le 06/08/2024 à 20h35
Tutuapp
Modifié le 14/06/2024 à 23h08
.
Modifié le 16/06/2024 à 09h36
Le PIB par habitant est en 2eme position (en EU) juste après celle du Luxembourg (et il est vraiment pas loin) .
Ça me dépasse, c'est bon là, ce n'est plus un pays pauvre il serait temps d'arrêter le dumping et les dérives que cela engendre au niveau de sa CNIL.
Modifié le 16/06/2024 à 09h55
À ce jour, seule la fiscalité indirecte est de la compétence de l'UE, comme la TVA dont un seuil minimum est imposé avec une liste de produits autorisés pour les taux réduits. En matière de fiscalité directe, elle a surtout une directive pour l'évasion et impose de la transparence. Mais elle n'a pas le pouvoir d'harmoniser la fiscalité des États membres. (et vu le contexte en ce moment... ça risque pas)
À noter que l'Irlande n'est pas le seul paradis fiscal pour entreprise étrangère ou multinationale dans l'UE : les Pays Bas le sont (nombre de groupe européens sont immatriculés là bas, mais aussi étrangers), tout comme le Luxembourg (Amazon y est installé).